Alors que la demande nationale sur les vêtements a baissé de 50% ces trois dernières années suite à la dévaluation du dinar et la flambée des prix des produits importés, les importateurs de ces produits sont contraints de réduire les quantités de vêtements importés. Du coup, le manque de marchandise sur le marché a causé une double hausse des articles d'habillement, notamment pour les enfants, en raison de la forte demande à l'occasion de l'Aïd et de l'absence du produit local. Un cercle vicieux dont le consommateur paie les frais d'une économie basée sur l'importation. Interloquée devant les prix affichés sur les vêtements dans un grand magasin dédié à l'habillement pour enfants à Cinq-Maisons, Nadia a finalement décidé de quitter les lieux pour chercher une autre opportunité dans les petits magasins du côté de Rouiba. «Ici, il y a un rush. Je ne peux pas choisir tranquillement. Avec deux enfants très exigeants cela n'est pas évident», prétexte cette mère aux revenus modestes. A Rouiba, ville située à l'est d'Alger, les prix des vêtements dépassent tout entendement. Un ensemble en jean pour une fillette de 6 ans se vend à 50% du SNMG ! Nadia semble déçue. Mais elle est contrainte de choisir des vêtements pour ses deux enfants qui attendent depuis quelques jours impatiemment leurs vêtements neufs et le jour de l'Aïd d'ailleurs. «C'est trop trop cher !» répète-t-elle invariablement. En ce moment, ses deux enfants la pressent de faire le choix. «Les pantalons en jean se vendent à pas moins de 2000 DA, en plus avec la remise», s'étonne Nadia qui enchaîne : «Il faut 10 000 DA pour habiller un enfant, qu'en-est-il de celui qui touche le SNMG, ruiné déjà par les frais du mois de Ramadhan ?». Les produits turcs, les plus prisés en raison de leur bonne qualité, demeurent hors de prix, pour les autres produits provenant de Chine, ils rendent méfiants les parents. «Si j'achète des vêtements fabriqués avec des tissus synthétiques à bas prix pour que je me retrouve à payer la facture des médicaments trop chère c'est du pareil au même», avance une autre mère de famille rencontrée dans la localité de Rouiba, rappelant que le pédiatre l'a mise en garde contre les effets de ces produits dont la matière première est douteuse visant les produits chinois. Quant aux produits fabriqués localement, ce sont les finitions qui ont été remises en cause. «Les vêtements fabriqués localement sont jetés dès le premier lavage, j'en ai déjà fait l'expérience la rentrée scolaire dernière», témoigne cette mère de famille, affirmant que le bas prix est synonyme d'arnaque. «Il n' ya aucune logique des prix» La plupart des parents interrogés au sujet des vêtements de l'Aïd ont choisi d'acheter dans les petits magasins. Les grandes surfaces, bien qu'il n'y en ait pas beaucoup, demeurent otages de leur succès. Les prix affichés dans ces grands espaces ne sont pas à la portée des couches moyennes. La même complainte se répète dans les bouches des parents. «Il n' y a aucune logique des prix. Parfois nous constatons une différence de 1000 DA d'un magasin à un autre pour le même article ! En plus, il n'y a pas beaucoup de choix. Pratiquement c'est le même style que nous retrouvons dans tous les magasins. Nous n'avons pas vraiment le choix», constate Amina ayant sillonné l'hypermarché de Bab Ezzouar avant de faire ses achats dans un petit magasin. Insistant sur l'absurdité qui règne sur le marché des vêtements pour enfants, Amina s'emporte : «Une robe de 50 centimètres de tissu, très simple, est cédée à 2000 DA. C'est plus de 10% du SMIG ! C'est insensé !» Tous les parents manifestent leur mécontentement sans pouvoir rien changer à cet état de fait. Il y a même ceux qui sont allés jusqu'à remettre en cause le poids des traditions, à l'instar de Amina, qui n'a pourtant que deux enfants à charge pour deux salaires. «Je ne vois pas l'utilité des vêtements neufs le jour de l'Aïd. Je ne sais pas d'où vient cette tradition ‘'onéreuse''», martèle-t-elle, regrettant l'absence des ateliers de confection pouvant couvrir le besoins en matière de vêtements pour enfants. L'augmentation des prix est de plus de 30% en un intervalle d'une année, constate-t-on sur le terrain. Les articles qui ont été vendus à 1500 DA l'année dernière se vendent à 2500 DA. Qu'est-ce qui justifie cette hausse dans la mesure où certains commerçants puisent toujours dans le stock de l'année dernière ? L'Association nationale des commerçant et artisans (ANCA) énumère des facteurs qui sont liés tantôt à la logique de l'économie algérienne, qui s'appuie exclusivement sur l'importation, tantôt sur la forte demande conjoncturelle et la baisse sensible de la demande nationale durant ces trois dernière années, en raison de la baisse du pouvoir d'achat. «Le produit local représente à peine 10% du marché» Une partie de la marchandise écoulée sur le marché provient du stock de l'année dernière, comme l'affirme Hadj-Tahar Boulenouar, président de l'ANCA. Suite à la dévaluation du dinar et à la hausse vertigineuse des prix des produits de large consommation, notamment les produits alimentaires, dont la matière première provient de l'importation, les ménages ont dû réorienter leurs dépenses. C'est le budget de l'habillement qui est sacrifié en premier lieu, comme nous l'avons déjà confirmé dans notre article précédent sur l'indice de consommation. Ce qui engendre une faible demande sur l'habillement. C'est de cette manière que certains commerçants se sont retrouvés avec des stocks importants. Suite à cette situation, «nous avons dû réduire la quantité importée, car nous avons constaté une baisse sensible de la demande sur l'habillement», affirme un importateur de vêtements qui a requis l'anonymat. Cette baisse est estimée à 50% et la mesure de limitation des importations a entraîné un manque de marchandises, et surtout, de choix pour les clients. «Si vous trouvez une paire de chaussures valable, il vaux mieux l'acheter», conseille un vendeur de chaussures de la ville de Boudouaou (à l'est d'Alger) à sa cliente, qui hésite à faire son choix pour sa petite fille à une semaine de l'Aïd. «Les chaussures se font rares et sont trop chères. J'ai ramené uniquement une gamme qui se vend entre 2000 et 3000 DA. Je ne veux pas m'aventurer à ramener des chaussures trop chères et me retrouver par la suite avec des invendus», explique ce commerçant qui lie cette rareté à la limitation des importations. Outre la réduction des importations, le produit local représente à peine 10% du marché, selon les données de l'ANCA. A cela s'ajoute la forte demande à l'occasion de l'Aïd. Le chiffre d'affaires représentant le marché des vêtements à l'occasion de l'Aïd est estimé à 40 milliards de dinars par l'ANCA. Son porte-parole explique cette frénésie par le rapprochement des événements à savoir l'Aïd et la rentrée scolaire prochaine. «Les gens achètent une seule fois pour l'Aïd et la rentrée», explique Hadj-Tahar Boulenouar, prévoyant une baisse de la demande sur les vêtements à la rentrée sociale prochaine.