Lancés presque concomitamment pour bancariser une partie de l'argent qui fuit les circuits officiels, les dispositifs de mise en conformité fiscale et l'emprunt obligataire de l'Etat semblent aujourd'hui empiéter l'un sur l'autre, selon des constats dressés par certains banquiers de la place. En effet, avancent ces derniers, depuis l'ouverture à la souscription d'obligations rémunérées avantageusement par l'Etat, le dispositif de mise en conformité fiscale, qui n'était déjà pas une réussite, semble piétiner davantage, n'attirant désormais que très peu de fonds. Pour nos interlocuteurs, l'arbitrage entre ces deux possibilités de placement semble plutôt évident. Alors que l'une comme l'autre semblent assez permissives quant au contrôle de l'origine des fonds, l'emprunt obligataire offre un taux d'intérêt de 5 à 5,75%, au moment où la mise en conformité fiscale volontaire (MCFV) impose, elle, une taxe forfaitaire de 7% aux potentiels déposants. Pourtant, les deux opérations ne sont pas censées avoir la même vocation. Car si l'emprunt souverain est destiné avant tout à collecter une épargne qui dort, la MCFV, elle, devait servir non seulement à drainer de l'argent vers les banques, mais aussi et surtout à favoriser la lutte contre les circuits informels. Acculé par la crise financière et le spectre d'un total assèchement des recettes de la fiscalité pétrolière, le gouvernement se serait ainsi adonné inconsidérément à l'improvisation en faisant télescoper deux dispositifs, qui ciblent pourtant presque les mêmes sources d'épargne. Tel qu'introduit à travers la loi de finances complémentaire de 2015, le dispositif dit de mise en conformité fiscale volontaire a pour objectif, faut-il rappeler, d'inciter les détenteurs de fonds non impliqués dans des opérations de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme à transférer leurs capitaux informels vers les circuits bancaires, contre paiement d'une simple taxe forfaitaire de 7%. Presque une année après son entrée en vigueur, cette opération, qui doit prendre fin vers la fin de l'année en cours, enregistre des résultats plutôt mitigés, même si elle n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation officielle et définitive. Alors qu'il vient à peine d'être porté à la tête du ministère des Finances, le premier argentier du pays, Hadji Baba Ammi, a, rappelle-t-on, interpellé officiellement les banquiers de la place pour les inciter à se mobiliser davantage afin de faire aboutir l'opération de fiscalisation des fonds circulant hors banques. Le nouveau ministre, repris par l'APS, avait ainsi insisté sur la nécessité de faciliter les dépôts d'argent liquide, en indiquant aux agents des banques qu'il ne leur appartenait pas de refuser de telles opérations. «Il faut que les guichetiers acceptent les liquidités et s'ils doutent de l'origine des fonds, ils peuvent faire des déclarations de soupçon», avait-il signifié en ce sens, avant d'ajouter que les banquiers doivent «changer de comportement, car à chaque fois qu'on dépose une grosse somme dans une banque et qu'on paie les 7% dans le cadre de la mise en conformité fiscale volontaire, on est libéré vis-à-vis du fisc».