Le jour même où le New York Times consacre sa première page aux dirigeants africains impliqués dans des affaires de corruption et réserve de longs passages à l'Algérie en le citant lui et son homme de main Farid Bejaoui, Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, publie une vidéo sur son compte facebook pour parler de la «taxe sur les profits exceptionnels» imposée aux compagnies pétrolières étrangères opérant en Algérie en 2006. Le journal américain, qui revient sur les scandales révélés par les Panama Papers, décortique et raconte comment de hauts responsables africains ont détourné et planqué leur argent dans les sociétés offshore. Chakib Khelil est de ceux-là. Mais ne le voilà-t-il pas, toute honte bue, qu'il s'adresse à l'opinion publique pour lui expliquer que c'est lui l'initiateur de la TPE qui a préservé les intérêts de la nation et que c'est grâce à lui que l'Algérie a pu gagner, depuis 2006, 15 milliards de dollars et continue, selon lui, à en profiter même aujourd'hui. Chakib Khelil s'accroche désespérément aux retombées bénéfiques d'un texte de loi décidé par l'Etat algérien après le gel d'un nouveau projet de loi sur les hydrocarbures qu'il avait lui-même élaboré en 2003. Il a oublié, bien évidemment, de mentionner que le premier texte qui portait sa signature remettait tellement en cause la souveraineté nationale sur un secteur aussi stratégique que celui des hydrocarbures, qu'il avait soulevé un tollé général aussi bien dans le pays, y compris parmi de nombreux responsables de l'Etat à l'époque, que chez les amis de l'Algérie qui le considéraient comme suicidaire pour le pays. Il est clair que depuis son retour, il tente de se refaire une virginité en multipliant ses sorties publiques dans les zaouïas, sur les plateaux de télévision et sur son compte facebook, mais n'aurait-il pas mieux fait de s'expliquer sur les graves scandales de corruption qui l'éclaboussent ? Qu'a-t-il à dire à propos des documents et des informations révélés par les Panama Papers, l'affaire Saipem et les commissions se chiffrant en millions de dollars qui ont atterri sur les comptes de son épouse Nadjet Arafat soigneusement garnis, au nez et à la barbe des Algériens, par ses hommes de main, Farid Bejaoui et Omar Habour ? La justice italienne soutient que la société Collingdale Consultants Inc. liée à Farid Bedjaoui a été utilisée pour «détourner 15 millions de dollars au profit des associés et de la famille de Chakib Khelil». Et l'affaire BRC and Condor qui a été dissoute avant que le scandale n'éclate sur la place publique ? Contrairement à ce qu'il prétend, la gestion de l'ancien ministre de l'Energie et des Mines — une gestion qu'il défend dans la vidéo qu'il a mise en ligne hier — a été une catastrophe pour le secteur et pour le pays. Qu'à cela ne tienne, M. Khelil crie à qui veut l'entendre que c'est grâce à sa clairvoyance que l'Algérie a engrangé des milliards de dollars. Se mettant dans la peau de la victime d'une machination diligentée par le DRS, il se dit prêt à pardonner les torts commis envers lui et pense qu'«il est temps aujourd'hui de mettre le passé derrière nous et voir les choses autrement avec un regard tourné vers l'avenir en contribuant tous ensemble à construire une économie prospère et diversifiée au profit de notre jeunesse». S'inscrit-il dans un projet politique à venir, comme il le laisse entendre ? Rien n'est impossible tant que le système qui le protège l'extirpe des mains de la justice devant laquelle il devrait naturellement répondre sur plusieurs dossiers liés à la corruption.