Et ce ne sont pas les quelques dinars de plus versés par Bouteflika dans l'escarcelle trouée du smicard qui vont requinquer un sombre tableau social. « L'effort » des pouvoirs de consentir une augmentation des salaires n'est que de la poudre aux yeux, destinée à payer le prix d'une paix sociale que le pouvoir souhaite la plus longue possible. Et encore… Beaucoup d'Algériens n'auront même pas la chance de disposer de leurssalaires à l'occasion de cette fête. Ils sont des centaines, voire des milliers de travailleurs dans différentes entreprises publiques, à l'image de ceux de la Cotitex de Drâa Ben Khedda et d'ailleurs, à ne pas percevoir leurs salaires, au moment où l'opulence de l'Etat défie tous les pronostics. Ils seront des milliers de pères de familles à écraser une larme faute de pouvoir acheter des habits neufs à leurs petits enfants, ou de leur offrir des jouets. Pour cette catégorie d'Algériens, l'Aïd sera sans doute une terrible épreuve. La rancœur et la rancune prendront le dessus sur la solennité et l'allégresse. Pour les autres, la fausse générosité de l'Etat est vite démentie par la montée en flèche des coûts de la vie pour un citoyen « basique ». Il suffit de noter par exemple que le prix de la pomme de terre - la pomme du pauvre - cet aliment populaire par excellence, n'est jamais descendu en dessous de la barre des 40 dinars durant tout le mois sacré du Ramadhan, pour scanner le moral des Algériens. C'est dire qu'au-delà du cérémonial et de la gaîté que procure l'Aïd El Fitr, pour beaucoup d'Algériens le cœur n'y est plus. Il est surtout synonyme d'une saignée entamée au début du Ramadhan aux marchés des fruits et légumes, et se termine par l'inévitable « tour » aux magasins de vêtements pour y laisser une sacrée cagnotte. Au bonheur des mioches qui sont évidemment loin d'imaginer les gros sacrifices de leurs papas. L'Aïd, cette fête religieuse, si pure à l'origine, devient si pesante et si éprouvante pour de nombreux Algériens. Mais, invariablement, les Algériens de modeste condition ont appris à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ils ont appris à sourire, même forcés. C'est cela peut-être la valeur résiduelle de cette fête. Saha Aidkoum quand même, et surtout une pensée pour les démunis. « Adhâfou el imane ! »