La très attendue tripartite, qui se tiendra aujourd'hui, décidera probablement d'une augmentation de 2000 DA du SNMG. Celui-ci passerait ainsi à 15 000 DA. Ce ne seront en réalité que quelques miettes de plus pour les travailleurs. Une augmentation dérisoire par rapport aux besoins réels des salariés. Comparé aux pays voisins, le SNMG algérien, même avec cette augmentation, demeure le plus faible du Maghreb. De l'avis de nombreux spécialistes, cette revalorisation n'aura pas d'effet positif pour la majeure partie des salariés et ne va sans doute pas réduire le fossé qui sépare les travailleurs algériens du bien-être. L'impact de cette augmentation sera d'autant plus minime lorsqu'on sait pertinemment qu'en face, les prix connaissent une augmentation fulgurante. « Il est évident aussi que l'effet d'entraînement d'une hausse du SNMG sur les prix n'est pas à écarter », a assuré le chercheur du Cread, Mohamed Saïb Musette. Autres éléments qui compliquent davantage la situation : la dévaluation de la valeur du dinar, sans parler du taux d'inflation qui a atteint 5,7% durant les 10 premiers mois de l'année en cours. Par ailleurs, une augmentation du salaire minimum garanti a théoriquement pour objectif, entre autres, l'accroissement du pouvoir d'achat des ménages de manière à stimuler la production et d'améliorer la productivité, ce qui impliquerait naturellement une augmentation de la demande. Mais force est de constater que face à une demande croissante supposée, l'offre se fait rare. La production nationale ne couvre que partiellement la demande. Que va-t-on faire dans ce cas ? Le gouvernement serait-il contraint de recourir à l'importation pour combler cette carence ? Pas si simple, lorsqu'on sait que les nouvelles orientations du gouvernement Bouteflika, en matière de politique économique, visent à « réduire sensiblement les importations ». Un vrai dilemme, pour ne pas dire que le gouvernement fait du sur-place. Cependant, une autre question mérite d'être posée, celle de la notion du SNMG. Le salaire national minimum garanti qui, en théorie, est défini comme le seuil en dessous duquel aucun salaire ne doit être versé, suffit-il réellement à garantir une vie décente aux salariés ? Au regard de la réalité sociale de la majorité des travailleurs algériens, la réponse est malheureusement non. Il n'a de « garanti » que le nom. Plusieurs études l'ont démontré. La dernière en date est celle effectuée par l'Intersyndicale de la Fonction publique. Dans ses conclusions, cette étude montre que « le smicard algérien ne peut assurer les besoins de sa famille que pendant une semaine ; les travailleurs qui perçoivent des salaires moyens (15 000 à 25 000 DA) ne peuvent survivre que 10 jours ». Le SNMG algérien ne couvre, selon la même étude, que 26% des besoins minimums des smicards. Généralement, le salaire global ne couvre que « 52% des besoins vitaux d'une famille ». Selon cette étude, un père de famille a besoin de 14 200 DA pour la nourriture, 8000 DA au minimum pour le loyer et l'énergie, 7500 DA pour des frais divers et 8600 DA pour la prise en charge de 2 à 3 enfants. D'où la revendication des syndicats de la Fonction publique de porter le SNMG à 38 000 DA. Si la revalorisation annoncée profitera aux seuls cadres dirigeants et aux retraités – les moudjahidine notamment, dont le calcul se fait toujours à partir du SNMG – les salariés de la Fonction publique ne vont sans doute pas espérer grand-chose, estime le syndicaliste Farid Cherbal. Pour lui, les 1,6 million de salariés de la Fonction publique que compte le pays, ne peuvent goûter à ces quelques dinars de plus qu'accordera le gouvernement, que « dans le cas où le fameux article 87 bis de la loi 90/11 relatif au SNMG est abrogé. Cet article empêcherait encore une fois les fonctionnaires de bénéficier d'une quelconque augmentation ». Qu'en est-t-il des travailleurs du secteur économique ? Syndicalistes et économistes s'accordent à dire que pour permettre aux travailleurs du secteur économique de jouir des augmentations salariales, il faudrait forcément introduire d'autres mécanismes de régulation et de détermination des salaires. Selon F. Cherbal, « le salaire doit être indexé sur le coût réel de la vie, c'est-à-dire en fonction des besoins nécessaires des travailleurs. Cela doit passer nécessairement par des négociations collectives de branches par secteur ». Un espace et un contrat qui régissent les rapports entre travailleurs et employeurs en ce qui concerne la détermination des salaires. En somme, la rencontre d'aujourd'hui ne sera qu'une figuration pour calmer la contestation sociale qui ne cesse de prendre de l'ampleur dans le pays. Il s'agit aussi de faire semblant de tenir les promesses faites par le président Bouteflika lors de la campagne électorale pour la présidentielle d'avril 2009.