Le faux suspense savamment entretenu sur la révision de la Constitution a pris fin hier. Désormais, le président de la République revendique publiquement la paternité de ce projet soutenu tactiquement jusque-là par son parti, le FLN. La partition était déjà bien réglée avant, mais il fallait écouter l'interprétation de l'orchestre de l'ex-parti unique avant que n'intervienne la voix du chef. Sans surprise, Abdelaziz Bouteflika a repris l'essentiel du répertoire de l'exposé des motifs élaboré par le FLN pour justifier le « bien-fondé » de l'amendement de la loi fondamentale. L'option était évidemment tranchée depuis quelques mois, puisque le FLN a repris subrepticement sa première vocation de parti-Etat en faisant plancher ses structures sur ce projet de révision constitutionnelle ; prérogative qui revient, théoriquement, au seul président de la République. Il ne faut pas être un clerc pour deviner que le départ forcé de Ahmed Ouyahia de la chefferie du gouvernement a été précipité surtout par cet insoutenable duel au sommet de l'Etat entre lui et Belkhadem à propos de l'opportunité de ce projet. En tranchant définitivement en faveur de son poulain du FLN, Bouteflika n'a laissé aucun choix au patron du RND, qui a dit tout le « bien » qu'il pensait de la révision de la Constitution. Ce dernier a finalement compris que Bouteflika avait déjà choisi son camp et ficelé sa feuille de route dans laquelle lui se retrouvait hors jeu par avance. Avec la désignation de Belkhadem à la tête du gouvernement, le pouvoir a retrouvé son osmose lui permettant de lancer l'idée qui fait déjà les choux gras de la presse nationale, qui en a disséqués les contours et les implications. Soucieux du strict respect du timing dans ce partage savant des rôles, le pouvoir de Bouteflika s'est attaqué aux formes pour sauver le fond. Comme par enchantement, Abdelaziz Belkhadem a réussi l'incroyable prouesse de réaliser en un mois ce que Ouyahia n'a pas fait en trois ans ! Usant du populisme à souhait, le chef de l'Etat a consenti facilement à délier les cordons de la bourse pour augmenter les salaires des Algériens, relever le SNMG et promettre de promulguer le fameux statut de la Fonction publique. Pour Belkhadem, cela est évidement du pain béni pour quelqu'un qui tire d'immenses dividendes politiques à travers des mesures dont il n'est pas l'initiateur. Le message de Bouteflika aux Algériens est clair : Belkhadem a réussi là ou Ouyahia a lamentablement échoué ! En ce sens, les mesures sociales annoncées, pour légitimes qu'elles soient, n'en cachent pas moins un calcul politique qui peut être assimilé à une sorte de vente concomitante. Cette soudaine « générosité » présidentielle est destinée à fourguer justement cette révision constitutionnelle, dont le gain politique à moyen et long termes compense très largement les quelques poignées de dinars versés dans l'escarcelle trouée de l'Algérien, plutôt de l'électeur. Décision inédite pour un président qui, longtemps, a divorcé avec la famille de la presse, Bouteflika a accordé une grâce pour tous les journalistes condamnés à des peines d'emprisonnement ou d'amendes après avoir tenté un acte manqué le 3 mai dernier à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté d'expression. Pas étonnant. Il fallait bien tenter un rapprochement avec les journalistes pour éventuellement, espère-t-il, au mieux obtenir un soutien médiatique au projet et au pire la modération de la critique. Après tout , la presse a toujours le pouvoir de façonner l'opinion, ou du moins une partie. Le président de la République a cru également devoir jouer sur le registre du patriotisme, en annonçant le projet qui lui est cher à la veille de la Fête de l'indépendance. Comme si les amendements annoncés devaient projeter l'Algérie sur des lendemains qui chantent pour la démocratie et les libertés. C'est dire que rien n'a été laissé au hasard et tout le monde semble avoir bien joué son rôle pour mieux faire passer la pilule. La révision de la Constitution est conçue par le FLN et certainement au bénéfice du FLN et de son patron.