Apremière vue et en cette période de canicule, la petite ville vous semble une ville fantôme, déserte, mis à part les quelques épiceries ouvertes, rien. Au fur et à mesure qu'on pénètre dans les rues de Négrine, on aperçoit les traces des dernières inondations qui ont frappé la région fin mai dernier. En descendant toujours à destination d'une petite palmeraie et sur la crête d'une vallée, apparaît l'ancien village de Touta, abandonné par ses habitants il y a plus de 50 ans, avec ses maisons ocre, éparpillées ici et là. A peine passé l'un des quatre portails de cette citadelle médiévale, on est comme téléporté vers un lieu de magie, un véritable labyrinthe de ruelles qui s'entrecroisent, bordées de murs d'argile portés par des linteaux en branches de palmier. Stupéfiés par la fraîcheur à l'intérieur de ce dédale de ruelles, on peut encore retrouver dans la cour de chaque maison des creusets servant à conserver les dattes et les olives, avec un foyer dans le coin de chaque construction. La petite ville de Touta, datant de 600 ans, organisée autour d'une petite oasis, a été délaissée par ses habitants quelques années après l'indépendance. Le dernier à la quitter était l'imam de la mosquée, dans les années 1980. «On se souvient des habitants de ce village, on priait même dans sa mosquée», raconte R. Djemouai, actuel président de l'APC de Touta.
Après que les autorités locales eurent tourné le dos à cette région qui servait autrefois de comptoir de commerce transsaharien entre Carthage et Timgad, une poignée de jeunes de Négrine a décidé de prendre les choses en main en mettant en œuvre ce site. Une initiative autour de laquelle est née l'association Sauvegarde du patrimoine archéologique et promotion de la campagne, dont l'objectif précordial était de préserver et restaurer les vestiges archéologiques de la région. Initiative La concrétisation de cette idée, qui a débuté avec une dizaine de jeunes, s'est rapidement généralisée par les riverains. En effet, chaque samedi, les habitants de cette localité située aux portes du désert à l'extrême sud de Tébessa, dépourvue de toutes les commodités, se donnent rendez-vous pour s'entraider à mettre en valeur cette ville, qui compte plus de 150 maisons. Leur but est de faire de la ville de Touta un pôle d'attraction non seulement pour les habitants de Tébessa, mais aussi pour les visiteurs étrangers. Avec les moyens du bord, les citoyens ont procédé à la restauration de ce site médiéval en utilisant des matériaux naturels que l'on trouve en abondance, de l'argile, du foin et des troncs d'arbres. L'opération, qui a débuté il y a quelques mois, consiste en premier lieu à nettoyer les rues de tous les décombres puis à réhabiliter les remparts qui protégeaient autrefois la ville, puis à restaurer les murs et plafonds à l'intérieur des maisons avant de passer au crépissage avec un torchis de terre. «Nos ancêtres habitaient ces maisons en terre parce qu'elles sont respirantes et en plus la terre crue est un bon isolant», a expliqué le jeune Mohcen, le chargé de la communication de l'association. Potentialités Des sites archéologiques découverts témoignent que la région rattache toute une civilisation qui a marqué pour plusieurs siècles l'ensemble de l'Algérie. Ainsi, en 1928, un citoyen de la région de Négrine avait découvert, à quelques encablures de la ville, plus d' une trentaine de tablettes qui furent remises au directeur des Antiquités de l'Algérie à cette époque, Eugène Albertin, qui les avait déchiffrées et qui porteront son nom par la suite. Ce sont des actes notariés privés écrits en latin sur du bois de cèdre qui datent de l'époque vandale. Actuellement, ces tablettes se trouvent au musée d'Alger. Quelques années auparavant, des ruines Ad Majores, qui abritaient un camp romain, furent découvertes au lieudit Henchir Besseriani, à 5 km au sud de l'oasis de Négrine, sur le piémont saharien du massif reliant Tébessa et El Oued. Alors que durant les années 1960, une mosaïque a été découverte par un passant à quelques kilomètres à la sortie de la ville. Beaucoup reste à faire L' initiative de ces jeunes, qui sont déterminés à faire de Négrine une vitrine touristique attirante, en valorisant avec de petits moyens les potentialités dont dispose la région, reste un bon exemple à suivre. Il faut reconnaître que le tourisme dans la wilaya de Tébessa est au point mort. La région, qui recèle plus de 60% des sites archéologiques de l'Algérie, des dolmens, des gravures rupestres et autres, n'a pas reçu un seul touriste depuis 2008. Beaucoup reste à faire pour la population tébessie, à commencer par un changement de mentalité. En outre, le développement touristique repose sur la modernisation des infrastructures de base, l'hôtellerie, les réseaux routiers et les structures aéroportuaires.