La pédagogie ou l'art d'enseigner a évolué de façon significative ces dernières années. Les avancées enregistrées au niveau des neurosciences et en psychopédagogie, les études axées sur la recherche-action menées en Amérique du Nord par plusieurs chercheurs au niveau des écoles et le développement effréné des technologies de l'information et de la communication ont profondément révolutionné les approches pédagogiques ou les façons d'enseigner. Ainsi, outre les programmes scolaires, les rôles de l'enseignant et de l'élève ainsi que le lien entre l'apprentissage et le vécu de l'apprenant ont été revisités et repensés en profondeur. L'élève bâtisseur de ses savoirs L'une des innovations majeures des théories dites socioconstructivistes appliquées en Finlande et en Amérique du Nord est d'accorder à l'élève une place de choix dans ses apprentissages. Il n'est plus désormais élément passif réceptif, mais bien l'acteur qui bâtit ses propres savoirs. Ainsi l'époque des élèves assis en rang d'oignons qui écoutaient sans bouger l'enseignant dispenser sa leçon est reléguée aux calendes grecques. Dans les approches modernes, l'élève est plutôt mis en situation d'apprentissage où il lui est donné l'occasion de se poser des questions, de consolider, modifier ou remettre en cause ses connaissances antérieures et d'acquérir bien évidemment de nouveaux savoirs. Dans cette optique, l'élève dispose d'une variété d'opportunités pour exploiter de diverses façons les ressources pédagogiques mises à sa disposition (livres, matériel concret, Tic, son environnement), les interactions avec l'enseignant ou ses camarades ainsi que les consignes de l'enseignant pour atteindre les résultats d'apprentissage préalablement annoncés. En groupe ou individuellement, l'élève exprimera sa compréhension des concepts par plusieurs manières (par exemple réalisation de projets), allant des présentations orales et visuelles aux productions écrites, maquettes, illustrations, résolutions de problèmes, saynètes, etc. Dans cette approche, une place de choix est accordée à l'effort, la curiosité et la créativité ; chaque élève aura la possibilité de développer ses habiletés selon son rythme, goûts et intérêts, ce qui augmentera considérablement sa motivation, voire même sa concentration et par ricochet réduira les troubles de comportement dus en général à l'ennui en salle de classe. Mais que sera donc le rôle de l'enseignant ? L'enseignant, un guide, un facilitateur et un accompagnateur Il est évident qu'il y a très peu de place au concept de l'enseignant unique dépositaire des savoirs dans les approches socioconstructivistes. Dans un enseignement frontal, tous les élèves, avec leurs différences majeures, sont enseignés de la même façon et accèdent au même contenu d'apprentissage. Durant les évaluations, l'enseignant s'attend à ce que l'apprenant lui remette exactement les mêmes informations qu'il lui a prodiguées. Plus l'élève mémorise, plus il obtient de meilleures notes. Aucune place donc pour la recherche, la créativité, l'analyse et la critique. Cet enseignement frontal ou magistral est sérieusement remis en question tant il met l'élève dans une situation passive et dépendant de l'enseignant. Ajoutons à cela que des études ont démontré que la durée de concentration de l'élève par chaque période d'apprentissage d'une heure est d'environ seulement 10 minutes. Que fera l'élève alors durant le restant du temps ? Qu'en est-il de sa motivation ? C'est pour cette raison que le rôle de l'enseignant a été revu. Il est désormais un guide, un accompagnateur ayant pour mission de préparer les conditions propices à l'apprentissage et d'orienter l'élève, une sorte de facilitateur assurant un lien entre l'apprenant et l'apprentissage, et entre l'apprentissage et le vécu quotidien. Pour mieux schématiser cette idée, l'enseignant doit être comme un phare non devant l'élève (enseignement frontal classique), car il risque de l'éblouir, mais derrière lui pour lui éclairer le chemin du savoir. Enseigner selon les profils des élèves Connaître le profil socio-affectif et académique de ses élèves est indispensable pour l'enseignant dès le début de l'année scolaire. Par le truchement d'évaluations diagnostiques des acquis précédents ou du moins ce qui reste, l'enseignant aura la possibilité de cerner les points forts et les besoins de chaque apprenant. Il pourra par conséquent préparer le matériel didactique et les stratégies d'enseignement adaptés, qui favoriseront l'implication de l'élève dans ses apprentissages (motivation) et réduiront les écarts de niveau entre eux dans l'optique d'assurer un rendement académique performant. Il n'y a pas que les évaluations diagnostiques des matières scolaires à enseigner. Connaître le profil socio-affectif de l'élève est primordial pour mieux adapter la planification des apprentissages. Le profil socio-affectif éclaire l'enseignant sur la façon que l'élève interagisse socialement en salle de classe et de se percevoir comme apprenant. Plusieurs recherches ont abordé le thème fatidique du profil de l'élève. Les études sur les styles d'apprentissages et la théorie des intelligences multiples ont apporté à ce sujet une contribution majeure. Durant les années 80, Howard Gardner1 dans son livre sur les intelligences multiples a démontré qu'il n'y a pas une seule intelligence et on peut en avoir plusieurs en même temps. Dans ses recherches sur les aspects de l'intelligence humaine, il a énuméré plusieurs sortes d'intelligences qui tranchent avec la vision classique et uniciste de l'intelligence axée sur le test sur le quotient intellectuel. Ainsi, il dénombre : l'Intelligence linguistique, logico-mathématique, corporelle kinesthésique, Visio-spatiale, interpersonnelle, intrapersonnelle, naturaliste et musicale. Largement utilisée en Amérique du Nord pour relever les profils des élèves au moyen d'évaluations adaptées à leur âge, cette théorie démontre que chaque élève jouit au moins d'une ou plusieurs intelligences que lui et l'enseignant pourraient explorer en salle de classe. Indispensables d'une part, pour déterminer le profil pédagogique de l'élève et l'aider à relever ses défis, la connaissance des intelligences des élèves permet à l'enseignant de planifier des apprentissages appropriés et attractifs. Il s'agit, en tout cas, d'une approche inclusive qui permet à chaque enfant de se sentir capable d'apprendre. Confiant en lui, il pourra alors fournir l'effort nécessaire, selon son intelligence. Nécessité d'un enseignement différencié et inclusif Dans les approches pédagogiques nord-américaines et finlandaises, le groupe classe est loin d'être un ensemble d'élèves homogène qui ont les mêmes forces et défis, intelligences, intérêts et portrait socio-affectif (motivation, relations avec les autres, confiance et estime de soi, etc.). En effet, les différences individuelles entre les élèves sont légion. Différences d'âge, de physique, d'ethnies, d'origine sociale, d'intérêts et d'intelligences font en sorte que les élèves n'ont pas le même niveau académique, intérêts et façon d'apprendre. Dans une classe on pourrait trouver plusieurs profils d'élèves : des surdoués, des hyperactifs avec déficit ou non d'attention, des enfants atteints du syndrome de l'autisme, d'Asperger, des enfants ayant des troubles relationnels avec les autres, des élèves lents, etc. Comment alors assurer un enseignement garantissant le succès scolaire à tous ces enfants ? Il est important que l'enseignant soit formé pour que ces actions pédagogiques rejoignent tous les élèves et prenne en compte ces différences dans sa façon d'enseigner et gérer sa classe. Les enfants ayant une intelligence logico-mathématique par exemple aiment résoudre les problèmes et les énigmes, l'enfant kinesthésique est intéressé par des activités où on utilise son corps (danse, sport, activité de manipulation), l'enfant naturaliste aime le monde animal et la nature et le visio-spatial aime dessiner. L'enseignant doit donc préparer des contenus d'activités (projets multidisciplinaires) qui rejoignent tous ces enfants sans exclusion. Il s'agit du droit de l'enfant à avoir une chance égale d'apprendre dans le respect de ses différences et besoins. Quant aux enfants ayant des besoins plus élevés, ils bénéficieront d'un plan d'études adapté concocté par des enseignants spécialistes (orthopédagogues) et bénéficieront de l'appui d'un personnel qualifié (aides-enseignants, éducateurs spécialisés). Pour un contenu pédagogique authentique Il est clair qu'avec les approches dites socioconstructivistes, le lien entre les contenus d'apprentissage, soit les programmes scolaires, et le vécu quotidien de l'élève est très manifeste. Toute tâche doit être significative pour l'élève. Partir de ses goûts, intérêts et de son vécu quotidien est primordial pour assurer son implication dans les activités proposées par l'enseignant. L'élève comprend alors le but concret de ce qu'il apprend, son utilité et dispose d'un choix d'activités varié qui correspond à son profil et intelligences. En géométrie par exemple, l'apprenant comprendra mieux les formes géométriques si elles sont associées à l'environnement architectural, il appréciera beaucoup plus son texte si c'était une lettre de demande d'information qui lui sera utile dans ses futures démarches administratives. Plus la tâche est authentique plus elle est significative et suscitera alors l'engagement scolaire de l'élève. Enseigner les habiletés d'apprentissages, les bonnes habitudes de travail et éduquer à la citoyenneté Dans les approches pédagogiques réussies, l'école ne se contente pas d'enseigner le calcul, la grammaire et les sciences. Le personnel pédagogique contribue à forger le caractère et la personnalité de l'élève et le forme socialement et affectivement. Enseigner de façon explicite à l'élève la collaboration avec ses pairs en l'habituant au travail de groupe et en développant ses facultés d'écoute et de partage, est un investissement majeur pour former le citoyen de demain. Un citoyen conscient qui pourrait jouer le rôle de leader positif et de meneur d'hommes et de femmes capables d'apporter le changement désiré au sein de la communauté. Une école moderne doit enseigner aux apprenants la fiabilité, l'importance de bien gérer le temps alloué aux tâches, le sens de l'organisation, l'autonomie dans l'exécution des tâches, le sens de l'initiative et la capacité de se poser des questions sur ses apprentissages pour tracer des objectifs d'amélioration. L'apprenant doit apprendre à écouter avec respect et prendre la parole de façon convaincante et articulée. Des études ont même démontré au Canada que les élèves qui ont un sens élevé de leadership réussissent mieux dans la vie que ceux qui ont des notes élevées en salle de classe. A la lumière de tout ce qui précède, c'est au sein de l'école qu'on forme le citoyen. Les programmes d'éducation civique et des études sociales (histoire et géographie) n'ont plus la mission de glorifier le passé ou de situer les contrées lointaines. Le passé (l'Histoire) sert désormais à comprendre la configuration sociale et les enjeux sociaux présents pour mieux interagir avec sa communauté ; et l'étude sur l'espace (la géographie) est utile pour analyser son environnement et contribuer à sa meilleure gestion ou exploitation. Rendre l'école à l'élève Déterminer clairement la mission de l'école est vital pour trancher la question des choix pédagogiques. Quel rôle veut-on donner à notre école ? Que voudra-t-on inculquer à nos enfants ? Quelles compétences et valeurs souhaitons-nous développer ? Quels citoyens aimerions-nous avoir ? Dans tous les cas de figure, c'est par l'école que nous formerons un peuple digne de relever les défis qui s'imposent. Nous savons tous que la réussite scolaire des élèves est un gage important dans leur réussite sociale. Même si échec scolaire il y a pour certains, on aura au moins formé des citoyens et citoyennes qui ont le respect de soi, de l'autre, de la loi, solidaires (collaboration) et croyant aux valeurs du travail, de l'ouverture et de la diversité. Bref, un citoyen immunisé contre les discours et les idéologies dont on connaît les conséquences. Il y va, en tout cas, de la sécurité nationale et de la qualité de vie de tout une nation. Enfin, il est donc temps d'agir dans le but de rendre l'école à l'élève. Ceci en plaçant ses intérêts au cœur des débats et des actions, et ce, loin des enjeux syndicaux, fussent-ils légitimes ; et des calculs politiciens aux desseins inavoués. Dans cette perspective, l'union sacrée entre le ministère de tutelle, les parents d'élèves et les syndicats est plus que nécessaire.