Au cours du mois sacré, la mendicité a pris de l'ampleur à Biskra-ville, à telle enseigne qu'elle inquiète le commun des mortels qui, en tout lieu, importuné ou plutôt harcelé par une multitude vociférante, se demande s'il ne participe pas à la pérennisation du phénomène navrant du « gain facile » en mettant, contraint et forcé par cet étalage éhonté de misère, la main à la poche. « Moi, je ne culpabilise pas devant toutes ces mains tendues... Et charité bien ordonnée, je fais l'aumône chaque fois que je peux à trois ou quatre personnes que je connais depuis belle lurette et qui restent dignes dans l'adversité », dira un marchand de quatre saisons. Quoi qu'il en soit, il est indéniable que plusieurs facteurs favorisent le développement du phénomène affligeant de la mendicité à Biskra, à commencer par la sécurité relative du Sud et l'hospitalité légendaire de ses habitants. Du reste, la clémence du climat de la région des Ziban a encouragé, entre autres, un afflux considérable de populations démunies, dont une proportion notable provient, semble-t-il, de l'extrême est du pays. Aucun endroit de la ville n'est épargné par le spectacle affligeant de ces femmes en hidjab usagé, entourées d'une ribambelle d'enfants en guenilles et pieds nus, parfois allaitant ou faisant mine d'allaiter un nourrisson. Trottoirs, carrefours, portes de boulangerie et de boucherie, préaux de mosquée et autres places de marché sont des endroits de choix que ces émigrés de l'intérieur se disputent pour les transformer en « cour des miracles ». Les quartiers populaires, les grands ensembles et autres cités dites dortoirs n'échappent pas, eux aussi, à une forme plus insidieuse de mendicité. Elle consiste à envoyer des enfants, des garçons et des filles en âge scolaire, par groupe de deux ou trois, sonner aux portes des appartements sous prétexte de demander la charité. « En cette fin de Ramadhan, alors que nous sommes occupées à préparer les gâteaux, c'est presque à chaque instant que nous sommes dérangées par le timbre insistant de la sonnette », disent excédées certaines mères de famille. « Quand il m'arrive d'ouvrir la porte, précise l'une d'elles, la plupart de ces enfants ne nous demande plus la charité ou le pain sec comme auparavant, mais réclament une ou deux parts de Zakat El Fitr, fixée cette année comme chacun le sait à 70 DA par tête. » « Le quémandeur n'en démord pas et ne partira guère avant que vous ne mettiez la main au porte-monnaie. Les parents indignes qui exploitent de manière aberrante leur progéniture sont légion », indique un bénévole activant dans une association caritative qui sert des repas chauds aux nécessiteux. Il jure qu'il a entendu dire que la misère morale et la misère tout court pousse certaines mères à louer leurs nourrissons à des mendiantes qui leur refilent à la fin de la journée le bébé et une somme variant entre 200 et 500 DA. « Ce sont des gens sans foi ni loi qui, en quelque sorte, se sont professionnalisés dans la mendicité », ajoute-t-il. Il n'empêche que l'école est obligatoire pour tout enfant âgé de 6 à 16 ans ; la loi est on ne peut plus claire ! Reste bien entendu à l'appliquer.