Le président de la FAH, Rachid Haddad a bien accepté de revenir sur la participation algérienne aux Jeux paralympiques de Rio. Dans cet entretien, accordé à El Watan Week-end, il dresse son bilan tout en évoquant d'autres sujets liés au handisport algérien. - Comment jugez-vous le bilan de la participation algérienne aux Jeux paralympiques, qui viennent de s'achever à Rio ? Avec 16 médailles (4 or, 5 argent plus 7 bronze), je considère le bilan positif. L'athlétisme et le judo continuent de faire honneur au sport algérien. Pour ce qui est du basket-ball sur fauteuil roulant et le goal-ball, il faut reconnaître que les autres nations ont un meilleur niveau que nous. Pour l'heure, nous sommes toujours au stade du développement. Nous devons d'abord nous habituer au haut niveau, avant de pouvoir viser plus haut à l'avenir. - A titre comparatif avec les Jeux paralympiques de Londres, il y a eu le même nombre de médailles d'or, mais moins de médailles par rapport à 2012 avec 19 médailles au total en Angleterre. Comment expliquez-vous cela ? L'explication est simple : il y a eu jumelage des concours des T35, T34 et T32 pour devenir une seule compétition. Avant on pouvait décrocher trois médailles dans ces trois compétitions. Aujourd'hui ce n'est plus possible, car il y a une seule médaille en jeu pour ces trois spécialités. Mais le plus important pour nous est que le drapeau algérien s'est hissé au Brésil et que l'hymne national a retenti à quatre reprises. Maintenant que les Jeux se sont achevés, il faut dès à présent se tourner vers l'avenir, en misant sur la prospection des jeunes talents et le développement du handisport algérien. - Parmi la délégation algérienne présente à Rio, on a remarqué qu'il y avait beaucoup d'athlètes d'expérience... On tient vraiment à remercier tous nos athlètes qui ont atteint 30 ans et plus, surtout ceux qui ont donné satisfaction. Il faut, cependant, savoir qu'il y avait également quelques jeunes à Rio. Ils étaient au nombre de quatre. Ils se sont classés 4e et 5e. Ceux qui ont raté de peu le podium à Rio pourraient devenir champions aux prochains Jeux paralympiques de Tokyo 2020. A l'image de la judokate Cherine Abdelaoui qui a 18 ans. Pour sa toute première participation aux Jeux paralympiques, elle est parvenue à décrocher la médaille de bronze dans la catégorie des B3. Cette jeune fille, on l'a découverte il y a deux ans à l'école d'El Achour pour les non-voyants. Notre but est de récupérer le maximum de jeunes talents au niveau des écoles spécialisées. C'est dans ce sens que nous avons signé une convention avec les ministère de la Jeunesse et des Sports et des Affaires sociales. Je reste persuadé que les écoles spécialisées sont l'avenir du handisport algérien. - Au Brésil, il y a eu la satisfaction de l'athlétisme et bien sûr la médaillée de Cherine Abdelaoui en judo. Est-ce qu'il y a d'autres disciplines sur lesquelles vous aller miser à l'avenir ? A l'avenir il y aura des chances de médailles dans des disciplines comme le power lifting, en plus de l'athlétisme et du judo. D'autres sports peuvent nous valoir des satisfactions, peut-être même des médailles, à l'instar du tir à l'arc et de l'équitation. On pourrait intégrer, dans ce sens, d'anciens militaires ou policiers blessés dans le cadre de leur fonction. Mais on doit commencer à travailler dès maintenant afin de préparer les prochains Jeux. Je ne vous cache pas qu'on est en train de chercher des bourses à l'étranger pour certains athlètes, en plus de l'éventualité de pouvoir regrouper tous les autres sportifs au Centre de regroupement national de Souidania, surtout pour ceux qui ne font pas d'études et ne travaillent pas. On préfère aussi réduire la multiplication des stages à l'étranger. Avec ces économies, on compte accorder un salaire à ces athlètes, surtout que bon nombre d'eux sont dans le besoin. Je peux citer le cas du joueur du goal-ball, qui vit à Boukadir. Il a sept enfants à charge et se contente de petits boulots. On espère pouvoir améliorer la situation de certains athlètes. Ils pourront ainsi se concentrer sur leur carrière et même se surpasser lors des différentes compétitions internationales. - Un mot sur la performance de Abdellatif Baka, le médaillé d'or du 1500 mètres, qui a réalisé un meilleur temps que le vainqueur du 1500 m chez les valides, l'Américain Matthew Centrowitz, avec un temps de 3'48''29... Je confirme que le temps signé par Abdellatif Baka, lors de la finale du 1500 m, est exceptionnel. Il est encore jeune et il peut améliorer son record du monde, car il a les capacités de réaliser 3'40''. Je précise qu'il ne faut pas trop comparer la course du 1500 m des paralympiques à celle des valides vu que celle-ci s'est courue sur un rythme tactique. - Pensez vous un jour récupérer les athlètes algériens établis et formés à l'étranger ? Il faut savoir que lors de notre mandat, on a consacré plus de temps à régler les conflits qu'à travailler. Par la suite les conditions de travail se sont améliorées après la mise à l'écart de plusieurs personnes, sources de conflits. A présent, on songe à renforcer l'athlétisme avec Rabah Aboura et Mohamed Ghozali en plus de Harek Derradji. Ces derniers prendront en charge les jeunes talents. La porte est ouverte à tous ceux qui veulent servir le handisport algérien. Je rappelle que l'équipe nationale du basket-ball sur fauteuil roulant est composée en grande partie d'athlètes issus de l'immigration établis en France. - Après Rio, quelles sont les prochaines échéances ? Il y aura les Championnats du monde en 2017 à Londres, et les Jeux méditerranéens de Tarragone 2017. Pour les JM il y aura, en principe, au programme deux ou trois disciplines de handisport. - Qu'en est-il des infrastructures sportives ? L'infrastructure est notre plus grand handicap. On garde toujours espoir de bénéficier de nos propres infrastructures sportives. J'ai déjà écrit au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, à propos de ce projet qui nous tient tant à cœur. Le Premier ministre a été sensible à ma demande vu qu'il avait annoncé la construction d'un centre au profit du handisport algérien à Mostaganem, pour un montant de 99 milliards. Malheureusement avec la crise économique et la restriction budgétaire, le projet est à l'arrêt. Nous souffrons beaucoup du manque d'infrastructures. Les responsables des salles omnisports préfèrent mettre ces enceintes à la disposition des valides plutôt que des handicapés. Et ça c'est vraiment aberrant. On demande à nos responsables de nous construire des salles là où il y a un développement du sport paralympique, comme Alger, Oran, Blida, et Biskra. Le coût de construction d'une salle omnisports est estimé à 8 milliards de centimes. Que représente ce montant pour la préparation des champions du monde et olympiques ? Je tiens à saluer le maire de Staouéli, qui nous a cédé une parcelle de terrain pour la construction d'une salle omnisports. Le ministère a validé ce projet. Cette salle sera mise à la disposition de nos athlètes de handisport. Je tiens à remercier pour cela le MJS, la DJS ainsi que le wali délégué de Staouéli pour leur contribution. - Comment pensez-vous pouvoir réinsérer les athlètes dans la vie professionnelle après la fin de leur carrière ? L'avantage est que nous avons une ministre très engagée, en la personne Mounia Meslem. Cette dernière nous a promis de nous aider dans ce sens. Il y a des athlètes qui sont déjà intégrés à Sonatrach ou à la DJS, mais nous comptons établir une liste d'athlètes afin de leur trouver du travail. Cela leur permettrait de s'assurer d'une couverture sociale. Nous envisageons même d'inclure d'anciens athlètes qui sont vraiment dans le besoin. Je pense par exemple à une ancienne athlète d'Oran sans ressource et qui est atteinte du cancer. - Qu'en est-il des écoles ? Ce sont les clubs qui activent le plus dans ce sens. Nous avons tout de même établi un programme en faveur des écoles spécialisées (8 et 10 ans). Parallèlement à cela, Rachid Meskrouri a chapeauté dernièrement les mini-olympiades, qui ont regroupé à Blida plus de 600 jeunes, venant de toutes les wilayas d'Algérie. On a arrêté une liste de 97 athlètes. On compte les regrouper dès les prochaines vacances au niveau d'une auberge de jeunes. C'est dire que la Fédération donne une grande importance aux jeunes talents. - Malheureusement, nul n'est à l'abri d'un accident et éventuellement d'un handicap. Quel est le message que vous pouvez transmettre à ces personnes, dont certaines perdent espoir ? J'incite toutes ces personnes à faire du sport. Car à la faveur d'une activité sportive, elles peuvent retrouver le goût de la vie. Certaines ont pu, grâce à la pratique sportive, voyager à travers le pays et même à l'étranger. Ces personnes ont rencontré des gens, se sont fait de nouveaux amis. C'est le meilleur de moyen de lutte contre la solitude et ses terribles conséquences. Nous lançons un appel aux handicapés à se rapprocher des clubs sportifs de leur wilaya. Ils sont les bienvenus pour pratiquer le sport de leur choix.