Voilà en effet un pays détruit dans tous les sens du terme. Plus que cela, rien ne semble arrêter un tel processus, et les prévisions sont profondément pessimistes. Et la panacée n'est pas dans la mise en place d'une autorité irakienne sans réel pouvoir comme chacun le sait, et malgré les dénégations de ceux qui sont supposés exercer cette autorité. D'aucuns disaient avec beaucoup de certitude que les Irakiens avaient un gouvernement mais pas d'Etat. Et sous quelque rapport que ce soit, rien n'incite à l'optimisme. On a même l'impression que ce pays est devenu un vaste champ d'expérimentation de théories de toutes sortes, mais aussi un immense tiroir caisse où l'on se sert sans risque de se faire attraper. En ce sens, les accusations ne manquent pas, à croire que beaucoup d'Irakiens — et pas seulement eux — ont fini par ne plus croire à la politique dans leur pays, et qu'ils avaient hâte de s'en séparer, mais non sans se faire indemniser. Insécurité, corruption et bureaucratie ralentissent la reconstruction de l'Irak, estime un rapport trimestriel de l'inspecteur général sur la reconstruction en Irak publié lundi à Washington. « La détérioration de la situation en matière de sécurité en Irak continue de gêner la reconstruction, entraînant des retards pour certains projets, empêchant les visites sur de nombreux sites, augmentant les coûts de sécurité et mettant en danger la vie des entrepreneurs », affirme ce rapport officiel. « Le sabotage des infrastructures de l'Irak, notamment dans le secteur de l'électricité, a retardé les efforts de reconstruction ce trimestre. Le 20 octobre, une série d'attaques contre des lignes électriques fournissant de l'électricité à Baghdad ont isolé la ville du réseau électrique national, laissant seulement 800 mu disponibles pour Baghdad. Il n'a été possible de fournir que quelques heures d'électricité aux 7 millions d'habitants de Baghdad ce jour-là », remarque le rapport. Le problème « est aggravé par le fait que la réparation des lignes électriques est pratiquement impossible en raison des attaques de franc-tireurs et les menaces de mort sur les équipes chargées des réparations », ajoute-t-il. Le rapport de l'inspecteur général sur la reconstruction en Irak, Stuart Bowen, dénonce aussi « la corruption dans un certain nombre de ministères » irakiens et rappelle que l'Irak est classée 137e sur 158 pays dans le « Baromètre mondial de la corruption 2005 » de l'ONG Transparency international. Dans ce contexte, l'inspecteur général s'inquiète du projet du ministère irakien des Finances de transférer ses comptes bancaires à l'étranger de la banque fédérale de réserve de New York vers d'autres banques étrangères. Le rapport pointe également du doigt les lenteurs de la bureaucratie irakienne qui pèsent sur la reconstruction du pays. Selon lui, les ministères irakiens, en particulier le ministère du Pétrole, ont du mal à réaliser leurs projets d'investissement en raison « des résistances bureaucratiques au sein du ministère des Finances, qui est traditionnellement lent à fournir l'argent ». Le rapport inclut également une série d'audits réalisés au cours du trimestre. L'un de ces audits publié dimanche relève que l'armée américaine ne procède pas à un inventaire systématique des centaines de milliers d'armes légères fournies aux forces de sécurité irakiennes. L'audit souligne aussi que l'armée américaine ne fournit pas de pièces détachées et de manuels permettant aux Irakiens de réaliser eux-mêmes des réparations sur les armes qui leur ont été livrées. Mais autant parler de guerres avec la multiplication des milices, des affrontements et des fronts. Comme celui du quartier chiite de Sadr City, dans l'est de Baghdad, qui était paralysé hier matin par une grève générale décrétée par le mouvement du chef radical Moqtada Sadr pour protester contre le bouclage de la région par les troupes américaines qui cherchent un soldat enlevé le 23 octobre. Le commandement américain a annoncé avoir mené mardi matin une nouvelle incursion dans l'immense quartier chiite et arrêté trois suspects. Un attentat à la bombe avait secoué lundi matin ce grand quartier chiite, bastion des milices chiites de Baghdad, faisant 26 morts et 60 blessés. Mais les communautés et leurs milices n'auraient pas de poids réel, sans les armes. Et il y en a de plus en plus dans ce pays. Tout se règle par ce moyen, laissant très peu de place sinon aucune pour les recours dits traditionnels. Un cercle infernal, d'où il semble difficile de sortir.