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Peine de mort : Entre émotion et abolition, la justice balance
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Publié dans El Watan le 11 - 10 - 2016

Le débat sur la peine de mort demeure un sujet sensible en Algérie et parfois même tabou et suscite bien des tensions lorsque les médias se font l'écho des cas de kidnapping et d'assassinats d'enfants.
La direction d'Amnesty International Algérie, à l'occasion de la Journée internationale contre la peine mort, a réuni hier un panel de défenseurs et de détracteurs de l'abolition de cette peine. «Le débat est politisé et idéologisé, cela se passe souvent sur le terrain de l'émotion, ce qui n'est pas positif», estime Aïssa Belmekki, chercheur en anthropologie politique. Il propose d'opter pour une approche anthropologique de cette question, en soulignant que si l'Algérie devait abolir cette peine, elle se doit de le faire suivant un besoin et un débat national et non pas parce que dicté par cette forme de «gouvernement mondial» qui décide de tout pour les pays.
M. Belmekki considère qu'il ne suffit pas de faire dans «l'humanisme gratuit», mais répondre à la question de savoir si la peine capitale est une solution pour la lutte contre la criminalité dans notre pays. L'islamologue Saïd Djabelkhir s'est, quant à lui, prononcé contre l'utilisation de la charia comme un référent au droit positif. «L'islam est une spiritualité séculaire, ce n'est qu'à l'arrivée des califes que des crimes ont été commis comme formes de châtiment», dit-il en défendant l'idée que la référence au Coran pour l'application de la peine de mort est un non-sens.
L'abrogation de textes ne répondant pas au contexte historique actuel est recommandée, dit-il. «Les lois coraniques évoluent et même le texte coranique a changé dans son contexte historique, il ne peut donc pas être interprété que dans son contexte. Le juriste musulman a le droit de suspendre des textes qui ne répondent plus aux besoins de l'époque actuelle…Les châtiments corporels ne sont pas dans le cercle du meilleur et doivent être suspendus… Dieu parle dans l'histoire et donc s'adresse à un contexte, si on le nie, on tombe dans de terribles anachronismes et contradictions», explique Saïd Djabelkhir.
L'avocat Amar Khababa, qui lui est pour l'application de la peine de mort, notamment dans les cas d'assassinats d'enfants, apporte son lot d'arguments et affirme que le juriste ne doit pas contredire la charia. «Le maintien de la peine capitale est une affaire de loi et non de droit», dit-il en qualifiant la suspension de l'application de cette peine depuis la promulgation du moratoire en 1993 «d'illégale».
«Le contexte a changé depuis les années 1990, et aujourd'hui il n'y a rien qui justifie la non-application des exécutions», soutient Me
Khababa en notant que le moratoire n'est pas consigné dans le Journal officiel. Deux interventions et deux interprétations différentes des textes coraniques prouvent sans doute la nécessaire révision des références idéologiques du législateur algérien. La directrice d'Amnesty International Algérie, Hassina Oussedik, intervient pour dire que la peine de mort est souvent utilisée comme une arme politique contre les opposants. «La peine capitale n'a jamais été un moyen de dissuasion et n'aide pas à réduire la criminalité, c'est plutôt une peine injuste, arbitraire et inhumaine», estime la représentante d'AI en notant que tuer un homme n'a jamais tué le crime.
Hassina Oussedik appelle l'Algérie à interpeller son histoire pour se rappeler que la guillotine du colon français n'a pas eu raison du combat libérateur des Algériens. Tout en disant comprendre, en tant que mère, la souffrance des parents des enfants assassinés, Mme Oussedik estime qu'il ne faut pas instrumentaliser leur peine pour faire passer des lois inhumaines. «Si on applique la peine de mort en se référant à la charia, pourquoi ne pas couper la main du voleur», dit-elle.
Et d'ajouter que la peine capitale est discriminatoire, car elle ne s'applique qu'aux catégories vulnérables de la société ne pouvant s'offrir de bons avocats ou acheter leur liberté. «Avec la non-abolition de la peine capitale, on se retrouve face à un acte de vengeance et non pas de justice», affirme-t-elle.
Un intervenant dans la salle plaide pour sa part à bannir de nos slogans l'épée pour faire jaillir les idées et note que l'islam a toujours plaidé pour une alternative non violente à la violence. L'avocat Mokhtar Bensaid, président de la Ligue des droits de l'homme, estime que la peine capitale n'est jamais juste, en se remémorant 5 exécutions qui l'ont décidé à militer pour les droits de l'homme : «L'une de ces exécutions concernait un jeune homme arrêté par des policiers qui ont abusé de lui, il prit l'arme de l'un d'entre eux et le tua.
Avant de mourir, le jeune homme avait dit : ‘‘Si vous me relâchez, je vais refaire la même chose, mais sachez que je n'ai rien à voir avec la mort de la femme dont vous m'accusez.''» Me Bensaid décrit l'exécution heure par heure. «C'est Dieu qui donne la vie et c'est Lui qui la reprend… La peine de mort est un assassinat et ne prouve que l'impuissance de l'Etat face à une affaire qu'il ne sait gérer que par la mort», précise Me Bensaid en notant que 70% des locataires du couloir de la mort souffrent de problèmes psychologiques.


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