L 'intérêt finlandais pour le marché africain de l'énergie, précisément les énergies renouvelables (ENR), est de plus en plus apparent. Dix jours après la tenue du forum Africa Energy (du 19 au 23 septembre dernier) à Helsinki, une rencontre à laquelle a pris part l'Algérie avec une importante délégation du secteur, le ministère finlandais des Affaires étrangères a organisé, entre les 3 et 7 octobre une tournée au profit d'une dizaine de journalistes africains à travers les installations dédiées au développement des énergies renouvelables et implantées dans trois villes, à savoir Vaasa, Tampere et la capitale Helsinki. Une visite qui a permis aux représentants des médias africains venus du Maroc, d'Egypte, du Nigeria, d'Ethiopie, de Zambie, de Namibie, du Kenya, du Mozambique et l'Algérie de découvrir les dernières technologie en matière d'ENR. Mais aussi de mesurer l'ampleur du travail qui reste à faire en Afrique pour entamer la course aux ENR, particulièrement en cette période d'incertitudes économiques et d'instabilité politique dans de nombreux pays du continent. Ce pays nordique est bien connu dans ce secteur via une politique axée sur trois points : l'énergie, l'économie et la protection de l'environnement. D'importantes réalisations ont été opérées au cours de ces dernières années. Le saut, faut-il le noter, est tant qualitatif que quantitatif, du moins selon le constat sur le terrain. Dans ce cadre, l'apport de l'université est d'une grande importance comme le montre la grande coopération entre le monde de l'industrie et celui de la recherche. Ce que nous avons d'ailleurs relevé lors de notre visite à l'université de Tampere ou un laboratoire est exclusivement consacré à la recherche, le troisième du genre dans le pays des richesses forestières. Faudrait-il rappeler justement que la Finlande a été parmi les premiers pays industrialisés à exploiter l'énergie renouvelable, en particulier la bioénergie. C'est en effet un pays connu pour ses richesses forestières et en ressources en eau. D'où d'ailleurs son grand penchant pour la biomasse. Car si la géothermie et l'éolien sont en voie de développement dans le pays, la biomasse reste la ressource d'énergie renouvelable la plus importante. Elle représente environ 30% de la consommation énergétique totale du pays et 20% de sa consommation d'électricité. Les énergies renouvelables, l'unique option au pays des mille lacs L'objectif étant de produire une grande partie des besoins des populations en électricité et en énergie thermique. La Finlande, ce pays des mille lacs, est d'ailleurs leader international dans ce domaine, comme l'illustre les chiffres (voir encadré). Au fil des ans, le pays a réussi à créer un système d'énergie exceptionnellement décentralisé via des unités de production utilisant des sources d'énergie diversifiées (bois, plantes, herbes mortes, déchets domestiques…). Un réseau de distribution d'électricité intelligent ou ce que l'on appelle les smart gird est également fortement développé chez les Finnois devant l'obligation de s'adapter à la rudesse du climat en diversifiant les sources d'énergie et en diminuant les importations en gaz naturel, notamment de Russie Avec des températures pouvant descendre jusqu'à -30 degrés en hiver pour les régions situées sur le cercle arctique et des besoins importants en chauffage et en électricité, le développement des énergies propres s'est imposé comme l'unique alternative face à l'absence des énergies fossiles. D'où la multiplication des entreprises versées dans ce domaine et d'où aussi l'intérêt grandissant pour les nouvelles technologies dans ce domaine. En résumé, la Finlande a réussi à mettre en place une alliance entre la technologie et les ressources naturelles au service de l'économie, de l'environnement et de la société, profitant de ses atouts et de ces contraintes. Les exemples illustrant cette réussite sont nombreux. De Vaasa à Helsinki passant par Tampere. A chaque fois, l'on relève ce lien étroit entre la nature, l'industrie des ENR et la technologie. Les responsables des entreprises visitées dans ce cadre n'ont cessé de nous le rappeler durant leurs exposés : «La technologie est le futur des ENR.» Vaasa : capitale de l'énergie C'est à partir de Vaasa, une ville de l'ouest de la Finlande, située à 420 km de la capitale Helsinki, sur la côté du golfe de Botnie, dans la province de Finlande occidentale, que nous avons eu à découvrir les premières installations dédiées aux ENR. C'est à ce niveau qu'active le cluster Energy Vaasa. C'est un exemple édifiant de la richesse de ce pays nordique en compagnies spécialisées en ENR. Vaasa est en fait la capitale énergétique de la Finlande. Ce cluster dont la création remonte à 1989 regroupe 140 entreprises travaillant en étroite collaboration pour développer les échanges tant au niveau interne qu'international dans ce secteur porteur. Ces entreprises totalisant un chiffre d'affaires de plus de 4 milliards d'euros par an et un taux à l'export de plus de 30%. A noter aussi que ce centre technologique est l'un des plus importants en matière d'énergies propres (clenanteh) en Scandinavie. Parmi les entreprises regroupés autour de ce cluster et que nous avons l'occasion de visiter pour découvrir leurs technologies, l'on cite ABB, Westenergy et Wärtsilä. Ce dernier groupe est un leader mondial dans les technologies de pointe et des solutions énergétiques destinées au secteur maritime. En mettant l'accent sur l'innovation durable et l'efficacité totale, Wärtsilä qui compte 18 800 employés maximise la performance environnementale et économique des navires et des centrales de ses clients à travers le monde, comme expliqué par ses responsables. En 2015, les ventes nettes de Wärtsilä ont totalisé 5 milliards d'euros et exerce ses activités dans plus de 200 sites dans plus de 70 pays à travers le monde. Pour sa part, Westenergy Oy Ab opérationnelle depuis 2012 est le pionnier en efficacité énergétique, possède et exploite une usine Waste-to-Energy moderne qui utilise la source séparée des déchets combustibles pour produire de l'électricité. Elle alimente près de 7000 foyers en recyclant quotidiennement une trentaine de camions par jour. «L'énergie est extraite des déchets non recyclables de manière efficace, sûre et propre dans l'usine», nous expliquera-t-on sur place, soulignant que des installations similaires n'existent pas en Afrique, d'autant que leur réalisation coûte très cher à l'Etat. Ce qui explique l'intérêt pour ce continent. A titre indicatif, Westenergy Oy Ab, qui est partenaire de Westenergy Vaasan Sähkö Oy, utilise la vapeur pour produire de l'électricité et du chauffage urbain. D'ailleurs, plus d'un tiers des besoins du chauffage urbain dans la région Vaasa provient de cette usine équipée de machines de dernière technologie. De son côté, ABB est leader mondial dans les technologies d'énergie et d'automation. Ce groupe est présent dans environ 100 pays et emploie environ 135 000 personnes. Tampere : l'université au services des ENR A Tampere, une ville du sud-ouest de la Finlande, située entre deux lacs, Näsijärvi et Pyhäjärvi, l'on compte l'une des plus importantes universités finlandaises qui travaille activement pour le développement des dernières technologies en matière d'ENR. L'université de technologie de Tampere en est à la pointe du développement technologique. C'est un partenaire recherché par les entreprises du secteur. D'ailleurs, 71% des étudiants sont employés après graduation et deux tiers des masters sont préparés au profit des entreprises dans cette université qui compte 8300 étudiants qui donnent leur libre cours à l'innovation dans un laboratoire spécialement créé à cet effet, le troisième du genre en Finlande. C'est aussi dans cette région que la première lampe en Europe nordique fut allumée en 1888. Elle abrite des entreprises de grande renommée, comme Tampereen Sähkölaitos qui produit et distribue le chauffage urbain pour les foyers de la région. C'est le cas aussi pour Doranova Ltd qui offre pour sa part des solutions durables et avancées pour assainissement des sites contaminés et la production d'énergie renouvelable. «Valoriser les ressources humaines» «Nous offrons une large sélection de produits et services les plus récentes et les plus avancées de l'industrie», nous dira à ce sujet son responsable qui regrette le manque d'intérêt à l'égard des ENR en Afrique. «Les conditions sont sévères en Afrique pour réussir l'investissement dans les énergies renouvelables. Les Africains ne sont pas pauvres pourtant, mais les mentalités et les pratiques de gouvernance devraient changer. Vous devez commencer par valoriser les ressources humaines», notera-t-il comme pour rappeler que l'enjeu majeur est dans la formation et l'éducation, un secteur dans lequel la Finlande excelle, comme le montre différents rapports à ce sujet. De son côté, l'Agence régionale de développement de Tampere œuvre pour maintenir l'attraction de la région et favorise des conditions préalables pour les affaires. Tredea fournit en effet des services gratuits, assure l'assistance aux entreprises et aux particuliers qui cherchent à investir ou démarrer une entreprise commerciale dans la région. Tredea a commencé à fonctionner en 2009. Parallèlement, l'Eco-Parc industriel Kolmenkulma, réalisé en collaboration entre trois municipalités différentes, Tampere, Nokia et Ylöjärvi sur 850 hectares, mise sur les cleantech et sur l'efficacité énergétique. L'autre exemple nous vient de Valmet, le principal développeur et fournisseur mondial de technologies, d'automatisation et de services pour les industries de la pâte, du papier et de l'énergie. La société a plus de 200 ans d'histoire industrielle. Ce sont donc autant d'entreprises, dont certaines travaillent déjà sur des projets en Afrique mais qui sont de plus en plus intéressées par ce marché où les potentialités en ressources naturelles sont des plus importantes, comme l'énergie solaire. «Vous avez le solaire, vous pouvez l'exporter. C'est la source d'énergie la plus importante en Afrique. Mais nous avons besoin pour développer cette énergie d'une politique économique stable», fera remarquer un chef d'entreprise. Un message on ne peut plus clair pour améliorer le climat des affaires dans cette région du monde et attirer les investissements étrangers directs (IDE) dans un domaine encore vierge.