Voici un club scientifique qui fait des merveilles à l'université de Boumerdès. De longs efforts d'accompagnement, d'orientation et d'encouragement qui se sont soldés par les succès remportés par ses membres au double plan national et international. Premier prix d'Injaz el Djazair, l'équipe lauréate se retrouve sans moyens pour présenter son œuvre au Bahrein. Triste constat. L'idée est partie de notre camarade Alaa. Interloqué par l'effort consenti par son père agriculteur à Ouargla, qui devait faire chaque jour dix kilomètres pour aller à l'exploitation agricole afin d'irriguer ses plantations, il décide de mettre au jour un système d'irrigation à distance», témoigne Imène Rouidjali, étudiante en 2e année à l'Institut de génie électrique et électronique (IGEE) de Boumerdès. Le concept, adopté en février après un brainstorming de quelques semaines, mènera la Grow Compagnie vers le succès. Et la jeune équipe, constituée de dix étudiants dont l'age varie de 18 à 22 ans, remporte le premier prix de la 5e édition d'Injaz El Djazair 2016. Grâce à l'EFarm (pour electronic farm), un contrôleur d'irrigation, qui analyse la température, les précipitations et l'humidité du sol et dont le rôle est d'ajuster avec précision le programme d'arrosage contrôlé à distance, ils sont désignés meilleure entreprise de la compétition nationale. «L'idée de base est de pouvoir lancer et arrêter l'opération d'irrigation par le simple envoi d'un SMS. On a ensuite pensé à ajouter des capteurs dans le sol pour vérifier la température et l'humidité et ainsi savoir à quel moment il faut irriguer et avec quelle quantité d'eau», développe Imène, en assurant que le coût de production de ce produit, à l'état prototype, n'excède pas les 35 000 DA. Quant aux avantages mis en avant par l'utilisation de l'EFarm, le jeune groupe énumère : l'optimisation du temps, de l'argent et des efforts ; l'économie de près de 60% d'eau d'irrigation ; l'amélioration du rendement de production, surtout pour les pays sujets au stress hydrique, tels que l'Algérie, certains pays d'Afrique et le Moyen-Orient ; la simplicité de l'utilisation du produit qui peut être commandé par un téléphone simple. Après environ 6 mois de travail, la jeune équipe réussit non seulement à créer le système de commande, mais va encore plus loin en développant une véritable petite entreprise avec ses volets financier, gestion des ressources humaines et marketing. Une étape exigée par la compétition Injaz El Djazair. «C'est notre quatrième participation à Injaz El Djazair. A la première, nous avions participé avec le chargeur solaire de téléphone. A la seconde, nous avons remporté le Prix de la meilleure pub et produit marketing avec la ‘‘smart case'', une boîte médicale intelligente. Nous avons raté notre troisième participation pour revenir en force et remporter la quatrième», cite Dr Cherifi Dalila, l'enseignante et mentor du groupe, qui a reçu d'ailleurs d'Injaz El Djazair une attestation de reconnaissance pour avoir contribué à développer l'esprit d'initiative et d'entrepreneuriat chez ces jeunes. Véritable égérie des étudiants, aimée et respectée par eux, l'enseignante, d'une complicité apparente avec ces jeunes, affirme que «l'IGEE a produit de très bons étudiants». Elle joint à sa déclaration une série de succès réalisés par les étudiants de l'institut dans les concours internationaux, dont l'équipe qui a remporté le 3e prix au Microsoft Imagin Cup qui s'est déroulé en 2012 à Sydney. Mais qu'est-ce qui fait le succès international des étudiants de cet établissement ? Plus qu'une stratégie de travail, c'est toute une philosophie conjuguée à des efforts incessants que révèle le Dr Cherifi. Cette philosophie est dite en une phrase : «L'étudiant doit devenir un créateur et non un chercheur d'emploi.» A partir de cette recommandation, une lutte incessante est engagée par l'encadreuse des étudiants. Revenue de France après des études doctorales, elle s'engage à créer un club scientifique. «Electronics student's club est né depuis une dizaine d'années avec peu de moyens mais beaucoup de volonté. Il a une âme», informe l'enseignante. Avec un local presque vide à l'intérieur de l'institut, le club fait contre mauvaise fortune bon cœur. «C'est plus qu'un simple club d'échange, c'est une véritable famille qui vit et suit l'évolution de ses membres au quotidien», assure le Dr Cherifi, qui dit connaître ses étudiants un à un et se renseigne chaque jour auprès des camarades sur ceux absents. Par passion et surtout par amour pour ses étudiants, l'enseignante pousse loin l'effort d'encadrement et use d'imagination pour créer des activités. Aujourd'hui, Electronics student's club comporte l'Androit Student club pour les étudiants qui s'intéressent au monde Androïd, édite au grès du sponsoring le magazine Inelectronic et présente une section entière spécialisée dans le design et le graphisme. L'infatigable et toujours souriante encadreuse a eu l'ingénieuse idée de créer une section «Public speaking and languages», qui consiste à apprendre aux étudiants le très précieux réflexe de parler en public sur une thématique choisie. «Le but est de les initier à prendre la parole, à dialoguer et à argumenter», explique-t-elle, entrecoupée par des directives données à ses étudiants dans la langue de Shakespeare. Très jeunes et d'apparence épanouie, les «clubistes» semblent prendre du plaisir à se réunir avec leurs camarades. En plus, le club organise certains événements annuels qui remportent un franc succès. «Nous sommes les premiers et les seuls pratiquement a avoir organisé le 24h d'innovation», s'est félicité le Dr Cherifi. Inspiré par ce qui se fait à l'université de Montréal (Canada), l'idée consiste à choisir une idée innovante et à la présenter en vidéo en 24h. «On en est à la cinquième édition. Nous avons participé à l'événement à Montréal en 2015 et nous avons remporté le 1er prix pour l'Afrique», se félicite-t-elle, avant d'affirmer que certaines personnes, y compris dans la même université ont essayé de créer un événement similaire mais ont échoué car «il ne s'agit pas de copier le produit lui-même mais l'âme du projet», comme le dit si bien l'enseignante. «Il faut être disponible pour ses étudiants. Il faut se donner à eux à tout moment. Etre à leur écoute pour leur moindre souci. Et leur donner de l'espoir et une manière de penser. Il faut leur faire comprendre que les obstacles sont dans nos têtes uniquement. Ils doivent s'armer de volonté, de motivation et aller vers l'objectif», recommande-t-elle. Face au tendre regard de l'enseignante, Zakia, Dhya Eddine, Azzeddine, Imène, Massinissa, Mohamed, Hadjer et Meriem expriment leur gratitude et assurent que l'expérience du club leur à ouvert les voies de l'épanouissement et la volonté de devenir les entrepreneurs de demain. Pour l'heure, la Grow Compagnie se prépare à aller au Bahrein le 22 octobre prochain pour présenter leur produit à Injaz El Arab. Seulement, en manque de sponsoring et d'aide financière, l'équipe sera représentée uniquement par six de ses membres au lieu des dix. «On n'a reçu aucun encouragement de quelque part que ce soit. On déplore cette situation. Mais ce qui nous chagrine le plus c'est de ne pas pouvoir installer un stand digne de représenter l'Algérie par manque de moyens», regrette un membre du groupe. Sans sponsor et sans apport financier, pour encourager la team dans sa représentation internationale, l'enseignante envisage de vendre son véhicule pour pouvoir monter un stand (une ferme dotée du EFarm) pour réunir les 300 000 DA nécessaires. «L'essentiel n'est pas de participer, mais de gagner. Et je ne veux pas perdre à cause d'un stand indigne de représenter le pays et l'effort de mes étudiants», conclut le Dr Cherifi.