Dans une lettre adressée au ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le militant des droits de l'homme Henri Pouillot s'insurge : «Le 26 novembre prochain, la ‘‘Fondation général Bigeard'' annonce que vous allez patronner, es-qualité de ministre de la Défense, un colloque à l'Ecole militaire pour rendre de nouveau un hommage officiel à ce tortionnaire. Quel déshonneur, quelle honte, pour la France ! Du temps du sarkozysme, une telle politique était dans la logique de ce système, mais après une élection sur le thème : ‘‘Le changement, c'est maintenant'', on voulait y croire. Quelle honte qu'un gouvernement de gauche trahisse ainsi les valeurs républicaines de notre pays, surtout dans une période où le gouvernement ne cesse d'y faire référence ! Comment pouvoir condamner des crimes de guerre perpétrés en Syrie quand notre pays n'a pas reconnu et condamné les siens ?» Le militant rappelle que La France n'a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les horreurs de la guerre d'Algérie. «Il serait temps que cela soit fait, comme ce fut le cas, enfin, aujourd'hui pour les Roms, les Tsiganes, les gens du voyage… par le président de la République». En tant qu'appelé durant la Guerre de Libération de l'Algérie, Henri Pouillot a été témoin de la torture puisque affecté pendant neuf mois à la Villa Susini à Alger : «Je reste donc très sensibilisé aux prises de positions officielles concernant les séquelles de cette guerre». Revenant sur cet énième hommage au tortionnaire Bigeard, Henri Pouillot remonte au 20 novembre 2012, lorsque le ministre Le Drian avait déjà présidé une cérémonie au mémorial des Guerres d'Indochine de Fréjus, où les cendres de Bigeard y furent déposées, malgré des milliers de signatures de contestation. La conclusion disait : «Nous exigeons que le gouvernement français renonce à cette initiative historiquement infondée, politiquement dangereuse et humainement scandaleuse». «A cette ‘‘polémique'' (vos termes à la presse), vous avez déclaré : ‘‘Mais en faisant ce geste, je ne cherche nullement à masquer ce qui s'est passé en Algérie''. Vous aviez alors justifié à la presse que ‘‘c'est un hommage à une période de la carrière du général Bigeard que personne ne conteste. C'est dans ces conditions que j'ai accepté d'être présent à Fréjus…'' ». On peut ajouter que l'histoire est ce qu'elle est et les faits sont connus : «Pendant la guerre d'Indochine, (Bigeard) avait eu un comportement inspiré des techniques prônées par le colonel Trinquier». Ensuite, en Algérie, pendant la Bataille d'Alger, «le colonel Bigeard (il ne fut général qu'après) porte de très lourdes responsabilités. C'est à cette période que la torture fut systématiquement institutionnalisée. C'est sous ses ordres que Maurice Audin ‘‘est mort en détention'' (dixit monsieur le président de la République dans son communiqué du 17 juin 2014), mais ne vaudrait-il pas mieux dire assassiné ? Quand comptez vous diffuser auprès des historiens, de la famille les ‘‘documents et témoignages concordants'' que vos services ont ‘‘trouvés'' pour remettre enfin en cause l'ineptie de l'évasion de Maurice Audin ?» Henri Pouillot évoque enfin les propos de Bigeard au quotidien Dernières Nouvelles d'Alsace, le 2 juillet 2000, où il avait justifié l'usage de la torture en Algérie comme «un mal nécessaire». Il fut l'«inventeur» de la technique des «crevettes Bigeard». «Au début, les Algériens que l'armée, sous ses ordres, avait condamnés à mort (sans qu'ils soient jugés par les procédures judiciaires officielles, même celles d'exception d'alors) étaient jetés d'avion ou d'hélicoptère dans les montagnes. Mais quand la population locale retrouvait le cadavre d'un proche ainsi assassiné, il y avait des réactions, il fut alors décidé de jeter ces condamnés dans la mer, mais certains étant parvenus à rejoindre la rive à la nage, on leur scellât les pieds dans un bloc de ciment. Et cette technique fut exportée par les Aussaresses, Trinquier… en Argentine pour faire disparaître ceux qui étaient pleurés par les ‘‘Folles de la place de Mai''», rappelle Henri Pouillot.