On le constate aisément, le président Bouteflika devient de plus en plus présent dans l'espace politique et public, ce qui indique une amélioration assez nette de son état de santé dont la détérioration l'a privé de l'essentiel de ses activités depuis presque une décennie. Mettant à profit cet état de fait, l'opposition a évoqué une «vacance du pouvoir» préjudiciable à la bonne marche du pays et appelé à la mise en place de la procédure dite d'empêchement puis à l'installation d'une période de transition politique devant mettre fin au règne du régime actuel jugé antidémocratique. L'opposition est allée plus loin en évoquant un accaparement des prérogatives du chef de l'Etat par des personnes de son entourage. Mais depuis une année, la donne semble avoir changé en faveur du pouvoir : seul un président de la République, retrouvant l'essentiel de ses capacités physiques et intellectuelles, pouvait s'attaquer à la citadelle inexpurgeable du DRS et évincer son indétrônable patron, le général-major Toufik. Et plus proche, de dégommer Amar Saadani qui longtemps s'était approprié des pouvoirs politiques démesurés. Puis entre ces deux événements majeurs de faire aboutir le projet de révision constitutionnelle, remisé quatre années durant au placard. Le président Bouteflika apparaît donc, de plus en plus, comme le maître du jeu incontesté dans le pays et il entend le montrer à l'opinion publique et à l'opposition en multipliant les sorties qui le montrent en meilleure santé. Il compte de nouveau marquer l'Algérie de son empreinte, strictement personnelle, et aller même au-delà de 2019, en briguant un cinquième mandat. Il n'a rien dit sur cette échéance mais, comme d'habitude, il a laissé à ses affidés le soin de le faire. Il s'est contenté de leur donner des «signes» sur sa santé retrouvée et plus fondamentalement d'inscrire son discours politique sur le long terme. Sur le cinquième mandat, les juristes reconnaissent que Bouteflika a su introduire des dispositions et des formulations d'articles dans la Loi fondamentale révisée afin de se réserver la possibilité de se représenter comme candidat à la magistrature suprême. Evidemment pour éviter que le prochain mandat ne soit qualifié de «trop», à l'image du précédent qui a fait couler beaucoup d'encre, à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Quant à la «caution populaire», il pense qu'elle lui est acquise totalement. Pour ce faire donc, il s'attelle, avec plus ou moins de bonheur, à soigner son image, la faisant passer de celle d'un homme arc-bouté à un système dépassé et inique à celle d'un homme qui cherche à «changer» le visage politique de l'Algérie en lui octroyant une Constitution plus «ouverte» et un «l'Etat civil» extirpé de l'emprise des «services de renseignement» et du monde des bureaucrates. La «récupération» du parti FLN, longtemps accaparé et dévoyé par Amar Saadani, et avant lui par Belkhadem, entre dans cette démarche de ravalement de la façade de son système. Parallèlement, il a lancé des appels du pied à l'opposition, lui concédant une commission nationale de surveillance des élections, confiée à un ancien opposant, recyclé depuis. L'opposition ne rejette pas globalement cette structure mais elle aurait préféré une commission indépendante qui organise et non pas qui supervise les scrutins ceci pour les extirper des ingérences de l'Etat et de l'Exécutif. En outre, comme il sait que ce dossier est sensible, il évite de diaboliser, comme à son habitude, la presse indépendante. Sur un tout autre plan, le président Bouteflika cherche à paraître toujours «soucieux» des intérêts de la population en ne renonçant pas aux transferts sociaux et aux subventions devant la grave crise économique qui affecte le pays. Quitte à faire prendre au Trésor public le risque de s'enfoncer, en 2017 et après, dans le déficit et pousser l'Etat dans les bras du FMI et la Banque mondiale. Le populisme reste toujours une de ses recettes préférées. Il lui consolide «l'estime» qu'il a gagnée chez les Algériens avec la loi sur la réconciliation nationale et les choix diplomatiques dans la région qui ont évité à l'Algérie les retombées négatives du «printemps arabe». C'est ainsi donc que le chef de l'Etat entend faire son come-back mais tout à son profit, ne s'imaginant jamais en dehors du palais d'El Mouradia et son entourage avec. Il est tout à fait disposé à changer de style et à revoir ses alliances mais sans se débarrasser de son système. Et c'est là sa grande erreur stratégique. Dix années de règne auraient pu lui suffire pour combler son ego et même lui permettre de rentrer dans l'histoire. Le quatrième mandat, il l'a passé en large partie sur une chaise roulante, ne gouvernant qu'épisodiquement, coupé de la population. En envisageant un cinquième, il défie une nouvelle fois la biologie mais également le sens de l'histoire. Le pouvoir absolu et à vie ne fait plus recette car il contrecarre les valeurs universelles d'aujourd'hui que sont l'alternance politique, le rajeunissement des élites dirigeantes et les aspirations à la démocratie des populations.