«Au nom de tous les pharmaciens qui partagent mon opinion en ce qui concerne le produit de Zaabit, je refuse de le commercialiser avant l'organisation d'un forum scientifique et académique sur ce produit, avec la participation de pharmaciens et de médecins spécialistes en endocrinologie. Après cela et la conviction scientifique, on pourra accepter ce médicament, le conseiller aux patients et le vendre dans nos pharmacies.» C'est ce qu'a publié un pharmacien algérien sur sa page facebook, après la mise en vente du complément alimentaire RHB dans les pharmacies de certaines régions du pays et la publication de photos de longues queues de patients qui attendent sa livraison devant les pharmacies. Dès le premier jour, ce produit «pharmaceutique» a suscité une forte polémique entre les scientifiques et professionnels qui ne veulent pas l'accepter et les diabétiques qui voient en lui une chance de guérison. Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), ne reconnaît pas le RHB et explique : «En tant que médecin, on prescrit des médicaments à nos malades. Et des médicaments pour traiter les diabétiques on en a un important panel. La prescription médicamenteuse a ses règles et doit obéir à des consensus thérapeutiques validés par des études et des groupes d'experts. Les consensus de par le monde identifient une prise en charge claire pour les deux types de diabète (juvénile et diabète gras) et aucun consensus ne parle de complément alimentaire.» Et d'ajouter : «J'interdit donc la prescription, voire même le conseil à mes patients de l'usage de produits non homologués par les sociétés savantes, ici et ailleurs, même si les autorités sanitaires et autres services concernés ont donné l'autorisation de production et de commercialisation de cette ‘substance miracle'.» Pour sa part, le président du conseil de l'Ordre des pharmaciens de la région de Blida, Ahmed Benfares, accuse les médias : «Tout le mal est dans la surmédiatisation de ce produit qui, dans un premier temps, a été annoncé comme médicament avec des propriétés curatives miraculeuses, sans avoir subi le parcours de recherches, d'essais pharmacologiques et cliniques selon des procédures extrêmement rigoureuses.» Expliquant qu'il faut entre 10 et 20 ans de recherches, d'essais et de formalités pour mettre un médicament sur le marché et que cela revient à environ 800 millions de dollars. «Après les protestations des professionnels de santé et devant l'impossibilité de l'administration d'accepter le statut de médicament au RHB sans le dossier conventionnel, il a été dégradé au statut de complément alimentaire avec une notice en bonne et due forme. Mais trop tard, le mal est fait et les esprits sont marqués, les malades, de par l'engouement constaté croient ferme au miracle ! Le grand risque est que de nombreux malades tarabustés par cette publicité voient la solution définitive à leur problème de santé et vont abandonner leur traitement médical. Le diabète est une maladie grave mais silencieuse, les complications sont nombreuses, sévères, handicapantes et lourdes pour le patient», continue M. Benfares. Pour conclure, Lyes Merabet met à l'index le silence des professionnels et des scientifiques : «En l'absence de l'Agence nationale du médicament, pourtant créée en 2008, à défaut d'un laboratoire indépendant et performant en bioéquivalence, en attendant que les instances de l'éthique et de la déontologie ainsi que les sociétés savantes s'impliquent de manière désintéressée dans le dossier du médicament, nous continuerons à promouvoir la perversion et à décorer d'autres faiseurs de miracles.»