L'université Mohamed-Seddik Benyahia de Jijel connaît depuis quelques semaines un climat de méfiance qui a rendu les relations professionnelles très tendues. Dans tous les cas que nous avons pu constater, les griefs sont essentiellement dirigés contre le recteur, installé depuis moins d'une année. Le premier clash est venu de la faculté des sciences humaines et sociales, qui a vu la démission collective de pas moins de 8 universitaires en charge de postes-clés. Il s'agit du doyen, de deux vice-doyens, de chefs de département et d'adjoints à ces derniers. Le doyen de la faculté, le Pr Taher Belaouiar, que nous avons contacté, nous dira qu'il demeure toujours en poste jusqu'à ce qu'une décision soit prise par le ministère et de regretter par la même occasion les pressions du recteur qui a rendu le climat des plus délétères. Ces derniers jours, un autre conflit est en train d'enfler, mais cette fois-ci au niveau de la faculté des sciences exactes et informatique. Deux chefs de département se disent soumis à des pressions de la part du recteur, qui veut les faire remplacer, selon leurs propos. On évoque une tentative d'agression d'étudiants, qui n'a pas reçu le soutien voulu, mais aussi des privilèges pour un enseignant qui n'a pas fait ses cours et qui a fait l'objet d'un écrit à cet effet. Pour le département de physique, le Dr Azzedine Berbadj regrette les pressions auxquelles il est soumis depuis peu pour des considérations n'ayant rien à voir avec le travail pédagogique qui ne connaît aucun problème. Dans une pétition signée par 29 enseignants, sur les 41 que compte le département, les concernés qui se disent surpris par l'intention de remplacer le chef de département soulignent qu'ils «n'ont aucun problème avec le chef de département, ni dans sa gestion ni dans le domaine pédagogique ou administratif, de même que sa moralité lui permet de mener à bien sa mission». Les signataires ajoutent que «depuis sa nomination, le département connaît une stabilité et un développement remarquables». Le second département qui s'est attiré les foudres du recteur est celui de chimie. L'actuel responsable, le Dr Mesbah Ferkhi, que nous avons contacté, n'arrive pas à justifier cette déstabilisation du département. Lui aussi a reçu le soutien de 18 enseignants sur les 28 de son département. Dans une lettre adressée au ministère de tutelle, il regrette « l'utilisation d'éléments des syndicats d'enseignants, CNES et SNEU», et de préciser que le SG local du SNEU «est le cousin germain du recteur». Pour sa part, le recteur de l'université de Jijel, Salah Kaouache, que nous avons rencontré, affirmera que pour lui les 9 personnes de la faculté des sciences humaines et sociales sont démissionnaires, dénonçant le «pouvoir extraordinaire que détient le doyen et l'esprit tribal qui y règne», et de relater certains problèmes nés lors des inscriptions au master. Il révèlera que les 8 désistements «écrits le même jour et avec presque tous les mêmes phrases», ne mentionnent aucune pression de quelque sorte, mais sont justifiés par «des convenances personnelles et des raisons familiales». Quant au doyen, ajoutera-t-il, les raisons invoquées dans son écrit sont, par contre, liées au désistement de ces 8 personnes de sa faculté «qu'il a tout fait pour les faire revenir à la raison», ce qui l'empêchait de continuer de mener à bien sa mission. Regrettant ce qu'il qualifiera de «scénario», le recteur lâchera qu'«il y a des gens pour les remplacer». Pour ce qui est du département de physique de la faculté des sciences et informatique, le recteur évoquera une montée de la pression lors d'une réunion dans son bureau, où le chef de département aurait jeté les clefs sur la table basse. Le recteur affirme avoir refusé les arrangements, et d'ajouter que s'il y a quelque demande, elle doit venir du concerné lui-même. Pour le département de chimie, le recteur révèlera une pétition de 14 enseignants et parlera d'«abus et dépassements inacceptables», et dira qu'il a chargé le doyen de le remplacer et qu' il attend sa décision. Le recteur, qui entend imprimer sa ligne, conclura en disant : «Je ne fonctionne pas avec les clans, je suis très communicatif, nous sommes censés être une élite.»