Le passif fiscal accumulé et non recouvré par les services des impôts culmine désormais à plus de 11 000 milliards de dinars, selon les dernières évaluations de la Cour des comptes sur l'exécution du budget de l'Etat pour 2014. Jugées irrécouvrables pour une bonne partie, ces dettes d'impôts devront tout simplement disparaître de la comptabilité publique, si l'on s'en tient aux déclarations faites avant-hier par le ministre des Finances, Hadji Baba Ammi, devant les membres du Sénat. Problème à la fois inextricable et encombrant pour le gouverne-ment, l'accumulation d'impôts dus et non recouvrés sur plusieurs années fait à chaque fois polémique depuis que la loi portant règlement budgétaire est devenue applicable. Pêle-mêle, le total des redevances dues au Trésor public, indiquait avant-hier le ministre des Finances, est estimé à 7000 milliards de dinars, dont 5000 milliards sont des dettes de banques privées ruinées, 1000 milliards des chèques sans provision d'individus pas en mesure de rembourser et 1000 milliards de dinars d'impôts non recouvrés. Le ministre, qui ne précise pas toute la part des impôts et taxes jamais recouvrés, se contente d'évoquer la mise en place envisagée d'un mécanisme d'effacement pur et simple de ces colossales créances, considérées, de toute façon, comme définitivement perdues. Une manière donc de balayer le sujet, alors que la Cour des comptes, tout en fixant la structure des redevances jugées irrécouvrables, ne cesse de tirer la sonnette d'alarme à la fois sur l'accroissement des restes à recouvrer d'un exercice à l'autre et surtout l'inefficacité de l'administration fiscale à faire valoir les procédures de recou-vrement forcé. Ainsi, tout en rappelant qu'un montant total d'amendes judiciaires de l'ordre de 5300 milliards de dinars non recouvrés concerne le cas de l'ancienne banque privée dissoute BCIA, la Cour ne manque pas de relever que les RAR continuent tout de même à s'accroître, bien au-delà des passifs cumulés antérieurement. L'administration fiscale, constate en ce sens la même institution, «est confrontée à des difficultés pour le recouvrement aussi bien des droits constatés de l'année budgétaire (2014) que ceux des années antérieures, dont le taux de recouvrement est dérisoire (1,27%) induisant une accumulation des restes à recouvrer». Ces RAR, indique-t-elle, concernent aussi bien la TVA et l'IRG que les impôts directs et la taxe sur l'activité professionnelle. Au 31 décembre 2014, les restes à recouvrer cumulés au titre de l'IRG atteignent ainsi près de 580 milliards de dinars, ceux liés à l'IBS près de 130 milliards de dinars et ceux concernant la TVA plus de 1000 milliards de dinars. Pour la Cour des comptes, l'accumulation ainsi constatée des RAR, la rareté des recours aux procédures de recouvrement forcé et l'évolution peu probante des recettes fiscales réalisées constituent en définitive autant d'éléments qui laissent apparaître que «la performance de l'administration fiscale n'est pas acquise». Une situation qui résulte, selon le même organe, de nombreux facteurs, notamment les phénomènes de fraude et d'évasion fiscale et l'absence de données statistiques réelles sur le marché informel. Des fléaux pour le moins funestes pour les finances publiques et au sujet desquels le gouvernement est plus que jamais interpellé en ces temps de crise ; au-delà de toutes ses intentions de remettre les compteurs à zéro en assainissant certains passifs et en esquissant certaines mesures d'amnistie pour drainer l'argent de l'informel.