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La douleur clandestine
L'avortement dans la société algérienne
Publié dans El Watan le 08 - 11 - 2006

Ses cheveux coupés à la garçonne n'enlèvent rien à la grâce de son visage. Ses mains fines s'amusent avec la serviette en papier posée sur une table dans un restaurant de quartier. Son parler est franc et son regard direct. Et qu'as-tu ressenti à ce moment-là ? « Libérée. C'est ce que j'ai ressenti. » Salima ne s'en cache pas, même si elle insistera pour que son nom n'apparaisse nulle part et ne soit connu de personne. Non pas qu'elle ait honte de s'être fait avorter, « c'est pour me protéger », explique-t-elle. A ne pas divulguer son identité, Salima n'est pas la seule.
Ni à avoir ressenti un grand soulagement après l'avortement. Toutes, sans exception, témoignent de ce sentiment. Et toutes dissimulent à leur entourage cet événement. Untel est mariée et refuse un troisième enfant. Parfois avec le consentement de l'époux, elle choisit l'avortement. Parfois, sans que ce dernier ne soit informé. Parfois, la jeune femme est divorcée et aura succombé au charme d'un homme de passage qui n'a rien promis et repartira aussi vite qu'il était venu. Sans l'illusion qui berce celles qui ont vingt ans. Ces dernières s'émeuvent d'un poème mal rédigé dans lequel amour éternel et promesse de mariage sont l'essentiel du leurre. Elles capitulent passionnément devant d'aussi promptes louanges à l'amour, mais se cassent les dents sur le bitume, en face du cabinet du gynécologue. Qu'ont-elles en commun ? Sont-elles de catégories socioprofessionnelles identiques ? Ont-elles suivi un cycle universitaire ou quitté le banc de l'école juste avant le bac ? Appartiennent-elles à la même tranche d'âge ? Il n'y a aucun fil conducteur qui les lie les unes aux autres. Elles n'ont en commun que la particularité de leur geste : l'avortement d'un fœtus. Certaines se surprendront à évoquer l'avortement comme s'il s'agissait d'une tierce personne. D'autres s'ingénieront à amoindrir l'importance de cette décision en accentuant grossièrement l'irresponsabilité du coauteur : l'homme. Il y a eu des larmes et des insultes, mais le sentiment qui a dominé, c'est la peur.
La mémoire entrecoupée
« Je ne comprends toujours pas pourquoi c'est vers moi que ce dirigent les gens lorsqu'ils ont besoin d'aide », explique Wassila. Peut-être parce qu'ils savent qu'elle les aidera sans poser de questions. Et sans les juger. Elle connaît les médecins qui pratiquent les avortements dans la capitale et n'hésite pas à mettre la main à la poche lorsque ces jeunes femmes n'ont pas réuni toute la somme exigée pour l'intervention. Parfois, il s'agit d'une amie proche. Parfois, d'une simple connaissance, sinon d'une amie à une amie. Les femmes qui se sont fait avorter ne tiennent pas à revenir sur cette expérience douloureuse. Wassila a été le témoin docile, mais réconfortant de leur souffrance et de leur détresse. « Dans un premier temps, il faut courir pour trouver un gynécologue qui accepte de prendre en charge la jeune femme qui veut se faire avorter. Et puis, il faut qu'il soit disponible. » Il faut faire vite car la grossesse est récente et qu'il ne faut pas attendre trop longtemps. « J'ai été choquée la première fois de lire du soulagement sur leur visage. Et puis ensuite on comprend. » Elles ne sont pas soulagées de s'être fait avorter. Non, elles sont soulagées de ne plus être enceintes. La différence est minime, mais dans le vécu et le ressenti, elle est de taille. Les femmes qui tombent enceinte sans l'avoir désirée expriment très souvent ce besoin qu'elles ont de vouloir retrouver l'état qu'elles avaient avant. Comme si de rien n'était. Comme si rien ne s'était passé et c'est pour cela qu'elles ont pour l'ensemble de grandes difficultés à revenir sur les deux événements. A savoir, le moment où elles ont pris conscience qu'elles étaient enceintes et celui où, par leur geste, elles ne l'étaient plus. Il y a carrément un déni et elles tentent désespérément de se projeter dans l'avenir. D'ailleurs, elles n'éprouveront aucun ressentiment devant les enfants des autres, ni même à en concevoir plus tard elles-mêmes. Il ne s'est rien passé. Ce n'était qu'un vilain cauchemar. Elles n'en reparleront plus jamais, et parfois quand Wassila retrouve cette amie de longue date avec laquelle le pire a été partagé, il n'y aura aucun mots, aucun regard, ni aucune larme qui reviendra sur ce passé. « Je ne me suis pas fait avorter, j'ai recouvré mon état d'avant », semble-t-elle vouloir dire.
Des risques aux séquelles
Le « geste » médical, comme aimeront l'appeler certains, nécessite un maximum de précaution, car il s'agit d'une opération. Pour ce faire, le gynécologue met la femme sous anesthésie générale car l'opération est très douloureuse et qui plus est traumatisante. Il convient également d'éviter tout risque infectieux. Pour ce faire, le matériel doit être propre et aseptisé. Il existe sur le marché informel de l'avortement une autre méthode qui consiste à aspirer le fœtus. Pour ce faire, le praticien a besoin d'une canule et d'une source d'aspiration. En tout cas, quelle que soit la méthode utilisée par ces médecins, l'opération doit se pratiquer sous anesthésie générale. Mais dans la grande majorité des cas, les femmes qui se retrouvent avec une grossesse non désirée tentent avant tout de se faire avorter par d'autres moyens et sans l'aide de personne. Ces méthodes sont dangereuses et démontrent l'état d'angoisse dans lequel elles se retrouvent confrontées. « Les méthodes les plus courantes sont les aiguilles à tricoter, les infusions de cannelle, le persil, la Javel et le vinaigre, le saut en hauteur », explique un gynécologue des urgences d'un hôpital de la capitale. Et de poursuivre : « Nous recevons régulièrement des jeunes femmes qui ont tenté de se faire avorter ou qui ont eu recours à un gynécologue du secteur privé qui a mal fait le travail. Elles arrivent avec une forte fièvre et une hémorragie importante. » Elles ne reconnaissent jamais s'être fait avorter et il est vrai que ces symptômes ne sont pas propres à l'avortement. Les gynécologues des urgences qui se retrouvent face à ce type de situation sont cependant relativement soulagés qu'elles ne reconnaissent pas leur acte, car dans l'hypothèse inverse, la loi les oblige à les dénoncer. Pourtant, ils manifestent leur inquiétude face aux dangers qu'encourent ces femmes. « Elles arrivent dans un état général lamentable, et parfois, lorsqu'il apparaît que l'intervention date de moins de 48h, elles sont sous l'effet du choc », poursuit un autre urgentiste. Les femmes qui ont eu recours à un avortement illégal auprès d'un gynécologue privé n'ont évidemment aucun moyen de recours si l'opération s'est mal déroulée. Lorsqu'elles se trouvent avec une forte hémorragie, elles tentent, dans un premier temps, de se soigner seules, mais après de vaines tentatives, elles se présentent à un hôpital (pas le plus proche) pour se faire soigner. « J'ai tout fait toute seule. Moi qui ne pouvait pas décider d'acheter un pantalon sans l'avis de quiconque, j'ai choisi de me faire avorter sans l'avis de personne et surtout pas de celui qui fut à l'origine de cette conception. » Salima ne reviendra presque pas sur cette fameuse journée où l'enfant fut conçu. C'était un compagnon de longue date avec lequel elle n'a jamais flanché. Un accident de parcours, une escapade qui a coûté cher : 35 000 DA dans les poches du gynécologue qui a pratiqué l'intervention et un traumatisme pour Salima. Un traumatisme qu'elle réfutera d'emblée. « Traumatisée ? Non, pas du tout. Je ne regrette pas le geste et je n'y pense plus. » Pourtant, tous les médecins interrogés affirment qu'il existe des répercussions psychologiques. Parfois, bien des années après l'intervention, lorsqu'elles deviennent mères, par exemple. Pour d'autres, c'est pire, car elles se retrouvent enceintes alors qu'elles sont toujours vierges. Celles-ci éprouvent de grandes difficultés à construire leur vie de couple plus tard et connaissent de grands désordres dans leur comportement sexuel. Salima a beau afficher un regard serein et un air décontracté, sa nonchalance et cette distance est bien loin de tout ce qu'affirme la ribambelle de spécialistes. Et Salima a de la chance, car, pour d'autres, l'intervention a d'abord eu des répercussions physiques, en altérant leur santé. Lorsque l'avortement est pratiqué par un « boucher », il existe non seulement un risque infectieux, mais également de stérilité. Sauf que la stérilité n'apparaît que bien plus tard.
Le réseau informel, mais bien formé
Mais comment as-tu trouvé un gynécologue qui accepte de te faire avorter ? Car la loi prévoit des peines de prison pouvant aller jusqu'à cinq ans. « Tous les gynécologues qui pratiquent illégalement l'avortement sont connus dans la capitale et le réseau s'étend jusqu'en Tunisie », explique Salima. Ainsi, rien de mieux que le bouche à oreille. Salima connaît Malika qui connaît Hafsiya qui connaît Untel qui s'est fait avorter. Ce sont presque toujours les mêmes noms de gynécologues qui reviennent. Quelques-uns sont même très connus dans le centre d'Alger. Une jeune femme, Samia, prétendra même que l'un d'eux reproduit même la virginité. « Celui qui m'a fait avorter m'a d'emblée dissuadée de le faire, mais après un long discours se voulant persuasif, il m'a donné un rendez-vous. Je suis donc revenue, trois jours plus tard, à 8h. Ça s'est vite passé. A 10h, heure d'ouverture de son cabinet, j'étais dehors, soutenue par une amie. Groggy et dans les vapes, je ne sais pas comment je suis rentrée avec mon amie qui devait m'accueillir quelque temps », raconte Samia. Juste assez de temps pour que ses parents ne s'aperçoivent de rien. Autre son de cloche. « Je ne fais pas d'avortement dans mon cabinet. Il faut du matériel ; et ici, ce n'est pas possible », tente de convaincre un des gynécologues faisant partie du réseau. Sa voix est montée de quelques octaves et sa gestuelle est saccadée. Son cabinet, composé d'un bureau en bois travaillé façon orientale, n'a rien de pompeux. Deux chaises de même style font face au bureau derrière lequel il a pris place. Sur la gauche, une porte-fenêtre, à laquelle est accroché un voile blanc transparent, laisse passer une lumière agressive. Assassine pour ceux qui ont quelque chose à se cacher. Un rictus au coin de sa bouche le défigure. « Quand et où pourrais-je pratiquer des avortements ? », questionne-t-il maladroitement pour se disculper. Ici entre 7h et 10h le matin et derrière cette pièce, aurait répliqué Samia. En effet, le bureau dans lequel nous nous trouvons jouxte une autre pièce, partiellement cachée par un rideau, mais qui laisse entrevoir une table de consultation. Harassé et contenant difficilement sa peur, le gynécologue écourtera la visite sans avoir omis de demander à regarder le contenu de mon sac en expliquant : « J'ai ausculté une jeune fille, une fois, qui présentait les symptômes d'une maladie sexuellement transmissible. Une fois qu'elle eut quitté mon cabinet, ses parents, qui l'avaient suivie, ont fait irruption pour demander ce qu'elle était venue faire. J'ai prétexté qu'elle avait une infection urinaire. Le métier de gynécologue est un métier à risques. » D'autres gynécologues reviendront sur la filière qui existe entre certains d'entre eux et ceux exerçant en Tunisie. « Car, là-bas, on se fait avorter et on peut refaire l'hymen. » Il est vrai que l'avortement n'est pas illégal en Tunisie, à condition qu'il soit pratiqué dans les 12 semaines d'aménorrhée. Les prix pratiqués sur le marché algérien : entre 35 000 et 45 000 DA. Cela dépend de l'état d'avancement de la grossesse. Passé trois mois de grossesse, il est plus dangereux pour la mère de se faire avorter. Mais cela ne les rebute pas. Pourquoi t'es-tu fait avorter ?
Suggestions anonymes
Silence. Long silence durant lequel Samia se triture les mains. « Parce que c'était pas possible de garder un enfant hors mariage à l'époque. » Et pourquoi ? « Mais parce que les parents, les voisins… tout le monde. Qui aurait compris, qui aurait pardonné ? A l'époque, mais aujourd'hui le referais-tu ? » « Mais bien sûr, car rien n'a changé », insiste-t-elle. Samia a la quarantaine et est aujourd'hui mariée à celui-là même qui l'avait mise enceinte. Il l'a soutenue tout au long de l'épreuve. Aujourd'hui, ils sont parents de deux enfants, mais n'évoquent jamais l'événement. Samia a le regard flou, noyé par un flot de souvenirs qui refait surface. Elle ne tente pas de retenir ses larmes. Samia a un mauvais souvenir de son avortement. « J'ai saigné abondamment pendant très longtemps. J'ai vraiment cru que j'allais y passer. J'avais très mal au ventre », se souvient-t-elle. C'était dans les années 90, au plus fort des exactions terroristes. Le corps médical en voyait de toutes les couleurs ; alors un avortement… « Il ne faut pas perdre de vue qu'avec l'évolution économique du pays, l'avortement a profité de ce nouveau souffle. A l'époque, les avortements étaient de vraies pratiques de boucher faites dans le couloir d'un hôpital en l'absence des conditions d'asepsies nécessaires. Aujourd'hui, avec l'émergence de cabinet privé, l'avortement se fait mieux, et c'est pour cela que, généralement, ces femmes sont satisfaites », précise le médecin légiste de l'hôpital Mustapha Pacha, Rachid Belhadj. Pour lui, le comment de l'avortement n'est pas moins important que le pourquoi. Et pour cause. « Je me souviens d'une jeune femme enceinte de quatorze semaines que j'ai autopsiée. Elle est morte car elle a tenté de se faire avorter à l'eau de Javel. ça a raté », raconte-t-il. Lui mieux que quiconque connaît les effets ravageurs des tentatives ratées. Elles aboutissent inéluctablement sur sa table d'autopsie. « Il y a pire : l'avortement du pauvre » ??? !!! Oui, quand la femme n'a pas les moyens de se faire avorter proprement chez un gynécologue, elle mène sa grossesse à terme, accouche dans je ne sais quelles conditions et ensuite s'occupe de se débarrasser de l'enfant ». « Elle le découpe et s'en débarrasse dans une poubelle ou les canalisations d'égouts. Elle l'abandonne sur un chemin, dans un carton, comme celui que nous avons retrouvé à Hussein Dey, et l'enfant meurt d'hypothermie. Le dernier cas, car nous en recevons 4 à 5 par an, a été retrouvé le cordon ombilical arraché, dans la décharge de Oued Smar », poursuit le docteur Belhadj. Le médecin légiste n'a pas de jugement sévère à l'égard de ces femmes. Il s'étonne juste que l'avortement ne soit pas légalisé. D'autant que la brèche a été ouverte par le législateur dans le code de santé publique. En effet, si le code pénal dans les articles 304 à 310 punit de la prison celui qui a aidé une femme à se faire avorter, la loi du 17 février 1985 dans son article 72 permet l'avortement si l'équilibre psychologique est mis à mal chez la femme enceinte pouvant lui faire courir un risque certain. En d'autres termes, s'il apparaît que la femme qui se retrouve enceinte serait prête à recourir au suicide plutôt que de garder l'enfant. « Et dans la quasi-majorité des cas, les femmes qui se retrouvent involontairement enceintes seraient prêtes à tout pour ne pas poursuivre cette grossesse », commente Rachid Belhadj. La médecine légale a cette particularité d'être présente dans la vie d'un patient au début de sa vie, mais également en fin de parcours. Alliance entre la science médicale et la philosophie juridique, cette branche de la médecine, ou du droit, porte un regard direct sur les maux de notre société. Et c'est sans équivoque que Rachid Belhadj évoquera la dépénalisation de l'avortement. Il pointera du doigt l'absence d'éducation sexuelle. Selon lui, mais également pour la plupart des gynécologues, les femmes sont nombreuses à ne pas connaître les méthodes de contraception disponibles sur le marché. « Certaines pensent qu'on ne doit prendre la pilule que le jour où elles ont eu un rapport. Personne ne leur a dit que cela se prenait tous les jours durant 21 jours et peu importe qu'elles aient eu ou non des rapports sexuels », explique le gynécologue rencontré aux urgences d'un hôpital réputé. La pilule du lendemain est également inconnue auprès de la société, pourtant son efficacité en cas de rapports sexuels sans précaution est reconnue. Prise dans les 48h suivant le rapport, elle évite à l'œuf de se former. Des informations anodines qui auraient évité pourtant bien des drames.
Les chiffres :
Les chiffres recensés par la gendarmerie et les services de la Police judiciaire ont été publiés, en mai dernier, dans le quotidien El Moudjahid :
80 femmes ont perdu la vie suite à des IVG clandestines dans la seule wilaya d'Alger. On répertorie 7800 décès dans le monde.
Chaque année, 46 000 000 d'avortements sont recensés dans le monde.
Selon les services de la gendarmerie, l'avortement pratiqué en Tunisie coûte en moyenne 500 euros. Ajouter à d'autres frais, cela reviendrait à 80 000 DA.
L'avortement provoqué est plus répandu en milieu urbain (11,3 pour 100 naissances vivantes) qu'en milieu rural avec 9,9%.
12% de ces avortements ont lieu à un mois de la gestation, alors que 31% à 2 ou 3 mois. 25% à 4 mois.


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