Demain, se fermeront les portes du 11e SILA. Les exposants, tels des forains, reprendront leurs étals et leurs invendus. Les lecteurs retourneront à leurs frustrations. Les écrivains s'enfermeront à nouveau dans leur antre ou leur havre, face à leurs feuilles blanches. Allez, à l'année prochaine ! On sonnera la retraite et les employés de la Safex s'empresseront de nettoyer le chapiteau pour des « cirques » plus industriels ou commerciaux, sans doute plus rentables économiquement, si l'on veut ignorer encore que l'industrie du livre, sans être de celles qui bouleversent le PNB d'un pays, peut contribuer de manière probante à la création de plus-values et d'emplois. Imaginez combien de personnes, d'entreprises et d'institutions interviennent dans la vie d'un livre ! Entre les maisons d'édition, les imprimeries, les sociétés de distribution, les transporteurs, les librairies… Entre responsables de collections, correcteurs, traducteurs, maquettistes, offsettistes, attachés de presse, vendeurs… C'est véritablement un monde qui assure la vie du livre, un monde en mesure de produire de la richesse. Toutes choses étant par ailleurs inégales, on notera que, en 1999, le seul chiffre des ventes de l'industrie américaine du livre avait atteint 24 milliards de dollars. Au Canada, la même année, ce chiffre était de 1,6 milliard de dollars. Sans prétendre à autant, il reste que l'encouragement de ce secteur en Algérie pourrait être aussi envisagé sous l'angle économique, en plus de l'aspect culturel et scientifique qui, lui, est stratégique, sinon vital. Mais quand donc verra le jour une politique nationale du livre qui serait le fruit d'une immense réflexion des auteurs, des éditeurs, des libraires, des universitaires, des bibliothécaires, des lecteurs-mêmes, s'appuyant sur un état des lieux précis et débouchant sur des mesures concrètes ? Tout le monde en parle.Tout le monde sait que sans cela, le livre en notre pays pourrait aller au bout de la décrépitude. Les yeux se tournent vers les pouvoirs publics, responsables en premier chef d'une telle initiative. Certains proposent des états généraux du livre, d'autres des commissions d'experts. Quelle que soit la forme, il y a urgence en la demeure. Il existe en Algérie un potentiel éditorial considérable, mettons appréciable, mais il est encore éparpillé, découragé, miné par les incertitudes, les ruses, l'opacité, l'absence de normes et de mécanismes de soutien. Oui, l'existence du Salon du livre est une réelle bénédiction, mais c'est pour beaucoup celle du naufragé du désert surpris sans récipient sous une pluie fugace. L'évidence crève les yeux : le Salon du livre ne peut exister sans que le livre ne vive. Sinon chaque édition ressemblera à ces pages du Livre de sable de l'Argentin Borghèse dont chacune, une fois lue, s'efface inexorablement.