Ses onze premières années, Imane les passera claquemurée dans sa chambre. Une vie dans la pénombre que sa maladie, la xeroderma pigmentosum (XP), une maladie génétique provoquant des cancers cutanés et des anomalies oculaires, lui impose. Sa place au soleil, elle, « l'enfant de la lune », comme on les surnomme, elle ne l'aura peut-être jamais. Le soleil, plutôt ses rayons, les ultraviolets, est son ennemi mortel. « Nous ne la faisons sortir que la nuit », témoigne sa mère. Même quand il faut l'emmener à l'hôpital, il faut la couvrir avec précaution de la tête aux pieds pour éviter les piqûres de l'astre, à l'origine de dangereuses lésions. Un combat quotidien, et surtout un enfermement perpétuel. Les fêtes, les rentrées scolaires, Imane les vit comme un supplice. Elle sait qu'elle n'est pas comme les autres : elle ne ripaillera pas dehors et n'ira pas à l'école non plus. Pourtant, ses cahiers, ses livres de physique et d'éducation islamique témoignent de la passion de cette « élève » qui n'a connu pourtant que sa mère comme unique prof et elle a tout d'une enfant douée. Le système éducatif ne suit malheureusement pas et ne prévoit pas de prise en charge pour ce type de maladie. « L'inspecteur de l'académie de Bou Ismaïl me dit qu'il est impossible de lui dispenser des cours par correspondance si elle ne justifie pas de niveau de 7e fondamentale ». Pour accéder justement à ce niveau, et là, c'est le comble de l'absurde, il faudrait préalablement réussir dans les examens de 6e. Sous son corps frêle, éprouvé par la diète qu'elle s'impose comme une pénitence, la gamine rêve de devenir médecin. Sans doute, parce que son dermatologue qui la suit depuis des années, le professeur Ouled Mohamed, lui inspire de ces amours que seul peut porter un cœur d'enfant. De la vénération même. « Je l'aime plus que mon papa », lâche-t-elle en présence de son père. Ce jour de remise de la combinaison de protection, une tenue de cosmonaute, elle dit l'avoir attendu depuis longtemps. Mercredi dernier en effet, l'association de Béziers France-Algérie a tenu sa promesse. Deux combinaisons, acquises auprès de l'agence spatiale américaine, la Nasa, pour un montant de 3000 euros chacune, ont été remises « de main en main » par Mme Yamine Benamar, représentante de l'association, à la famille de Imane. Les larmes aux yeux, la fillette savoure le geste désintéressé des gens qui ne la connaissent pas forcément et qui ont réussi néanmoins à soulager son cœur martyrisé par la douleur et la claustration. Fonctionnaire à l'académie la langue arabe, son père, de modeste condition, occupe avec sa femme et ses filles un modeste studio, nous racontera les difficultés qu'a rencontrées son couple pour soigner leur fille, dont la maladie n'a été diagnostiquée qu'au 9e mois suivant sa naissance. « Avant, je la faisais sortir sans protection », se souvient-il. La mère, elle, n'oubliera pas le « mépris » et l'indifférence par lesquels se sont illustrés parfois certains agents du corps médical vis-à-vis de la souffrance de Imane. « A 11 ans, elle a déjà subi 10 interventions », dit-il avant d'enchaîner sur la cherté des soins et le non remboursement des frais médicaux. Le tube de crème solaire, Dermagor, dit-elle, coûte 1100 da. A Imane, il faudrait au minimum 4 tubes par mois, ce qui n'est pas toujours possible. Il est également nécessaire, d'après M. Samy, élu à l'Apc de Gué de Constantine et « trait d'union » entre la famille de Imane et l'association de Béziers France-Algérie, que les pouvoirs publics reconnaissent cette maladie « à part entière » et à ne pas continuer à la considérer comme une simple manifestation dermatologique. Comme il est utile que les familles des malades se constituent en collectif pour défendre leurs intérêts et se sortir enfin de l'ombre qui les emprisonne.