Il est loin le temps où les familles rurales et urbaines des différentes agglomérations de la wilaya de Tipasa s'attelaient à célébrer le Nouvel An amazigh dans une indescriptible ferveur. Les années sont passées. De nouveaux discours, notamment pseudo religieux, mais surtout insidieux, se sont «installés», pour, d'abord, dénigrer ces coutumes qui consolidaient la convivialité et la solidarité entre les familles algériennes. La célébration de Yennayer à Tipasa ressemble à cette bougie qui éclairait la société, mais qui a fondu, hélas, au fil des années. C'est donc dans la morosité, de surcroît avec la passivité des «incultes parachutés» dans ce bout du territoire méditerranéen traversé par plusieurs civilisations, que Yennayer 2967 est célébré dans la wilaya de Tipasa. En dépit de cette féroce adversité, à l'écart des regards et dans l'indifférence générale, un groupe d'artistes et d'artisans a tenu à répondre favorablement à la demande de l'ONCI du Chenoua, afin de célébrer à leur manière l'arrivée du Nouvel An amazigh. C'est au niveau du centre culturel Abdelwahab Salim du Chenoua que les artistes-peintres Imekraz Saleha, Abbabssia Djamila, Bouchachi Ali et Djoua Ahmed sont venus exposer «leurs nouveau-nés» et dévoiler leurs secrets à travers les couleurs de leurs toiles. Le hall était vide. Djamila Abbabssia, une directrice d'école en retraite et maman d'un étudiant, retrouve d'autres couleurs, l'ocre, le marron, le jaune, après avoir longtemps utilisé les couleurs gris et noir dans ses œuvres. «Je m'interroge à présent sur l'inactivité culturelle dramatique à Tipasa. Nous autres les artistes- peintres, nous nous rencontrons très rarement, je regrette les années où Hocine Ambez travaillait à Tipasa», conclut-elle. Djamila Abbabssia continue à explorer le monde des femmes, car elle a remarqué que la femme algérienne s'est imposée par son travail au sein de son environnement. Naturellement, l'artiste-peintre n'a pas échappé à cette influence dans ses créations. La célébration au pied du mont Chenoua à l'intérieur du bâtiment de l'ONCI s'est articulée également sur une exposition des produits de l'artisanat, en cuivre, argent, argile, rotin et osier. Des artisans sont venus des wilayas de Boumerdès, Alger et Blida pour se joindre à leurs homologues de Tipasa, afin d'animer le second hall consacré à l'artisanat. Les femmes et les hommes de Koléa et de Blida ont aussi organisé des qaâdate avec leurs plats traditionnels, pour perpétuer les traditions du Nouvel An berbère et faire découvrir la similitude dans certains aspects de la tradition algérienne. Enfin, le chant et la poésie étaient présents pour égayer l'ambiance festive de la célébration de Yennayer 2967. Le poète Ahmed Rahal, les chanteurs Zeffan Kader, Idris Djillali et la troupe folklorique Ihenachène ont enrichi le programme de ce Nouvel An, pour faire découvrir toute l'étendue de la richesse du patrimoine immatériel amazigh dans la wilaya de Tipasa. Le jeune Karim, directeur de l'annexe de l'ONCI du Chenoua, a réussi son coup sans faire de bruit, un feu d'artifice dans l'obscurité.