Les Algériens ne pourront pas suivre la CAN-2017 qui débutera demain, samedi, au Gabon en raison des «coûts en perpétuelle et exponentielle augmentation des droits de retransmission», a indiqué la Télévision algérienne dans un communiqué diffusé hier. Cette situation était inévitable en raison de l'attitude inflexible du détenteur des droits de retransmission de la CAN-2017 pour le compte de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), c'est-à-dire le groupe beIN sports. Le groupe qatari est le détenteur exclusif des droits de la CAN-2017 qu'il a achetés à SportFive, une filiale du groupe français Lagardère spécialisée dans la gestion des droits marketing et audiovisuels sportifs, avec laquelle la Confédération africaine de football (CAF) a renouvelé, le 12 juin 2015, le contrat qui liait les deux parties, depuis 1993, pour une durée de 12 ans (2017-2028). Donc, la CAF, qui est la propriétaire de la CAN et de toutes les compétitions organisées sous sa bannière, a confié à SportFive la mission de commercialiser les droits de retransmission, de publicité et de marketing des compétitions de la CAF. Les droits de retransmission sont ensuite revendus à des diffuseurs qui couvrent différentes zones de la planète. beIN achète et commercialise les droits dans la région qu'il couvre. La chaîne qatarie a fixé des tarifs de vente des droits très au-dessus de la norme. Somme exorbitantes Face aux sommes exorbitantes réclamées par ce diffuseur, de nombreuses télévisions la région MENA ont refusé de donner leur caution à cette spirale des prix. Résultat des courses, la Télévision algérienne a refusé de débourser plus d'un million de dollars par match que demandait beIN Sports. La CAF est totalement responsable de cette regrettable situation. Avide de gains faciles et de recettes de plus en plus conséquentes, elle a oublié l'essence-même de sa raison d'être, à savoir développer, promouvoir et diffuser le football sur le continent. Elle a avancé ces trois arguments pour justifier la reconduction du contrat avec SportFive (2017-2028) qui lui garantit un revenu minimum de 1 milliard de dollars américains. Au lieu de promouvoir le football comme elle le clame, la CAF a, au contraire, privilégié ses intérêts financiers. Comment peut-elle fermer les yeux sur la commercialisation honteuse des droits de retransmission de la CAN menée de main de fer par SportFive, et ensuite les autres diffuseurs qui sont en train, petit à petit, de priver les citoyens africains de suivre la Coupe d'Afrique des Nations et leurs équipes dans le tournoi le plus relevé du continent ? La réponse est claire. Limpide. Cols blancs Les droits de retransmission, de publicité et maketing de la CAN sont une affaire juteuse que se partagent entre eux les cols blancs qui descendent dans les palaces avec madame, voiture de luxe à disposition, gros frais de mission ou séjour, c'est selon, pour monsieur et madane (oui, oui), sans oublier une prise en charge premium et sûrement, pour certains, des virements dans des banques européennes pour assurer la scolarité des enfants au sein de grands établissements loin d'Afrique. Issa Hayatou, le président de la CAF, avait-il le droit moral d'offrir à Lagardère les droits sur les compétitions de la CAF pour une durée de 12 ans (2017-2028) alors que son mandat (le 7e) à la tête de la CAF s'achève au cours de la même année ? Pire. Il a signé le contrat avec le groupe Lagardère sans avoir, préalablement, annoncé aux potentiels candidats à l'achat des droits la mise en adjudication de l'opération. Pour contourner cette obligation, il a contourné les textes qui interdisent le monopole et ouvrent la voie à la concurrence en ayant recours au droit de préemption qu'il a offert sur un plateau au Français en 1993. La CAF a provoqué une situation qu'elle risque de ne pas maîtriser, pour peu que les Etats africains rejettent le diktat que les détenteurs de droits et diffuseurs veulent imposer aux citoyens africains. Devoir de la CAF ! Jusqu'à preuve du contraire, ce sont les Etats qui promeuvent le football et le sport sur le continent. La construction et la maintenance des infrastructures sportives, sans lesquelles il ne peut y avoir de pratique sportive, sont l'œuvre exclusive des Etats. La CAF organise ses compétitions sur des aires qui ne lui appartiennent pas. En retour, elle pompe l'argent sans remords et ne bronche pas lorsque des Africains sont privés du droit de suivre les matchs de la CAN. Où est son devoir de développer, promouvoir et diffuser le football sur le continent lorsque des télévisions africaines se retrouvent dans l'impossibilité de payer des millions pour offrir à leurs téléspectateurs le spectacle que tous attendent ? Il y a quelques jours à Dakar, lors d'une réunion de l'Union africaine des radiodiffuseurs (UAR), un responsable de télévision a lâché : «La somme exigée pour pouvoir offrir aux citoyens le bonheur et la joie de vivre la CAN à travers le petit écran équivaut à un tiers du budget de fonctionnement de notre télévision. Ai-je le droit pour 5 matchs de mettre en danger les programmes de la télévision et les emplois qu'elle assure ?». La CAF est loin de ces soucis. Le sien, c'est de remplir ses caisses pour assurer un bon train de vie à ses honorables responsables qui sillonnent le continent à l'année et sont grassement rétribués. En refusant d'abdiquer devant l'appétit féroce des ennemis du football africain, la Télévision algérienne a ouvert une nouvelle page de l'histoire du football africain. Pour peu que le mouvement soit suivi par les pays de la région, il y aura certainement un effet boule de neige qui ensevelira tous les mauvais serviteurs du football africain. La révolution est-elle en marche ?