Le film Retour en Algérie, réalisé par Emmanuel Audrain, fera l'objet de plusieurs projections-rencontres au cinéma Luminor Hôtel de Ville, à Paris, à partir du samedi 21 janvier. Le réalisateur parlera de son film à chaque projection en présence d'un témoin, d'un historien, d'un écrivain ou d'un journaliste. Emmanuel Audrain présente ainsi son film : «En 2008, Simone de Bollardière (la veuve du général Jacques de Bollardière), m'incite à venir à l'assemblée générale des 4ACG (Les Anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre). Ces hommes âgés ont choisi de ne pas garder pour eux-mêmes leurs retraites de combattant, mais de les reverser à des associations algériennes. Ce qui me marque dans cette rencontre, c'est ce moment où les nouveaux adhérents de l'association se lèvent et se présentent, évoquant chacun leur parcours algérien. Un ‘‘grand costaud'' dit ne pas avoir besoin du micro, mais il n'arrive pas à achever son récit, la voix brisée. Pour beaucoup, c'est la première fois qu'ils parlent. Certains ont les larmes aux yeux, d'autres doivent se rasseoir prestement, submergés par l'émotion. Ce moment de vérité exceptionnel me rend ces hommes très attachants». Le projet de film naîtra un peu plus tard. Sa réalisation s'étalera sur trois années. «En 2013, notre petite équipe a accompagné les trois voyages de l'association. 35 jours en Algérie pour moi. Avec un matériel très discret, nous avons filmé du mieux que nous avons pu. Pour nous rendre compte, au stade du montage, que le vrai voyage de ces hommes était, bien sûr, leur voyage intérieur. Celui qui va de leurs 20 ans à aujourd'hui. Ce long chemin, où avec cœur et intelligence, ils ont su retrouver l'estime d'eux-mêmes.» Ainsi, samedi 21 janvier, le réalisateur sera présent avec Raphaëlle Branche, historienne, auteure de La torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie (Gallimard, 2001). L'universitaire a dédié la réédition récente de son livre majeur «à Stanislas Hutin, témoin de la première heure». Témoin, Stanislas Hutin l'est aussi dans le documentaire Retour en Algérie. Son «Journal de bord» des années 1955-1956 est un document important. Issu d'une famille marquée par l'esprit de la Résistance, Stanislas Hutin écrit chaque jour ; ce qui le surprend, ce qui le blesse et le révolte. Il photographie aussi. Le samedi 28 janvier, Xavier Jacquey et Mohamed Khaznadji seront présents. A partir des lettres — toutes conservées et retrouvées à la mort de son père — Xavier Jacquey a écrit Ces Appelés qui ont dit Non à la torture ; L'Harmattan, 2012. «En relisant ces lettres quarante ans après, j'ai été étonné de la place qu'y tenaient les exactions et la torture. Dans mes souvenirs, cela n'avait eu lieu que ça et là, de façon sporadique. Or, plus de la moitié d'entre elles en font état. J'ai été également étonné d'y découvrir que nous avons été nombreux, tant militaires d'active qu'appelés, à nous y être opposés, ou du moins à avoir tenté d'en modérer les effets. Dans le souvenir que là aussi je m'étais re-fabriqué, ma résistance d'alors avait été quasi solitaire.» (Guerre d'Algérie, guerre d'indépendance. Paroles d'humanité, L'Harmattan, 2012). Ce livre, initié par 4ACG, s'ouvre sur le témoignage de Mohamed Khaznadji, ancien moudjahid fait prisonnier, torturé, condamné à mort… Il a été gracié par le général de Gaulle. Xavier Jacquey a recueilli son témoignage.