Depuis quelque temps déjà, les spécialistes qui s'intéressent aux problèmes liés aux entreprises locales de construction se posent la question suivante : le programme complémentaire assigné aux régions du Sud et des Hauts Plateaux sera-t-il mené à son terme et dans de bonnes conditions ? La question est pertinente car il ne faut pas perdre de vue que l'ambitieux programme affecté à ces régions s'assigne comme premier objectif le rattrapage des énormes retards accumulés pendant plusieurs années en matière de réalisations socioéconomiques (habitat, santé, hydraulique, agriculture, éducation, etc.). Selon l'avis des spécialistes, le programme comporte une faille de taille jusqu'ici occultée. Il s'agit du décalage existant entre l'ambition ouvertement affichée et la réalité affrontée par des entreprises de travaux du Sud en comparaison à celles du Nord maîtrisant mieux l'art et les normes de la construction. L'insuffisance en matière de performance et la qualité des ouvrages ont été l'une des premières difficultés qui ont surgi au début de l'exécution de ce programme. Et ce sont les inspections effectuées sur chantier par les autorités locales au cours du mois d'octobre dernier ayant dévoilé les graves imperfections qui sont à l'origine de cette amère constatation. En dehors de deux ou trois projets réalisés dans des conditions satisfaisantes (bibliothèque universitaire, le nouveau palais de justice et le nouvel institut de la formation professionnelle) tous les autres projets inscrits accumulent des retards, achevés à la va-vite avec des malfaçons visibles ou réalisés par des entreprises jugées inexpérimentées et sans aucune qualification. Dresser une liste exhaustive des entreprises défaillantes et les incriminer plus qu'elles n'en supportent n'est pas nécessaire. Car le mal est beaucoup plus profond. Il se situe au niveau du décalage flagrant et énorme en matière de compétence dans la maîtrise des règles techniques de la construction entre opérateurs du Nord et ceux du Sud. Mais pour extirper le mal à sa racine ou du moins y remédier dans de larges proportions, il s'agit plutôt de se concentrer sur les déficiences et autres blocages sur lesquels buttent les entreprises locales de travaux publics qui n'arrivent pas à se hisser à un niveau de compétitivité exigé pour concrétiser l'important programme de construction dans le Sud. Au-delà des remontrances, de la complaisance dans l'octroi de marchés, des sanctions, des pénalités de retard infligées par l'autorité chargée du suivi et du contrôle des travaux, rien ne pourra sauver ces entreprises du naufrage latent dans lequel elles s'enlisent. Le problème demeurera en l'état tant que les pouvoirs publics à l'échelon local ou régional n'auront pas pris des mesures concrètes en vue d'aider à réaliser effectivement une mise à niveau des entreprises locales. La mise à niveau réclamée doit impérativement toucher l'organisation interne de l'entreprise notamment le volet qualification, encadrement technique et degré d'intervention pour accélérer la cadence et le rythme des travaux. Ces entreprises qui ne demandent en fin de compte qu'à livrer au maître d'œuvre un travail qui les honore sont aussi assujetties, il ne faut pas l'oublier, à un environnement marqué par de multiples contraintes qu'il faut songer au plus vite à éliminer. Ainsi, plusieurs voix s'élèvent pour suggérer l'implication des responsables de l'Etat et élus locaux en vue d'organiser la tenue d'un séminaire régional qui regroupera les patrons d'entreprises qualifiées du Nord et ceux du Sud pour une concertation dans le but d'échanger des expériences sur terrain dans le domaine de la construction. Les échanges doivent profiter aux opérateurs locaux, une sorte de transfert de compétence et savoir-faire susceptible de renforcer et redynamiser le potentiel des entreprises locales du moins pour celles qui ne sont pas très loin de se hisser au niveau acceptable de la compétitivité. De leur côté, les responsables et élus locaux doivent s'engager à faciliter pendant plusieurs mois l'organisation de ce type de séminaire qui prendrait en charge toute la problématique indispensable à la redynamisation du secteur de la construction. C'est à travers pareille démarche pragmatique et réaliste suggérée, notent les observateurs, que le redressement, en direction des entreprises locales des travaux publics qui peinent jusqu'ici à livrer des ouvrages de qualité dans les régions reculées du pays, pourra s'accomplir pour sauver le programme complémentaire affecté aux populations du Sud et des Hauts Plateaux qui n'aspirent qu'à sa réussite.