Aujourd'hui, l'humanité est à l'orée de grandes avancées technologiques qui lui permettent non seulement de s'affranchir des servitudes les plus pesantes mais de connaître également les secrets de la nature afin de les exploiter à son profit. Parmi ces exploits technologiques figure la télédétection. L'avènement et le développement de cette technique, au fil des années, ont rendu possible l'acquisition et le traitement des données à référence spatiale et spectrale pour l'ensemble de la planète. On peut se demander ainsi quelle est la place de l'interprétation des images de la télédétection dans cette ère d'automatisation et à quel besoin elle peut répondre. Aujourd'hui, les techniques de télédétection sont de plus en plus utilisées dans le domaine de l'environnement et de l'agronomie, pour l'estimation des récoltes ou encore pour l'étude des espaces. Notons d'abord que la télédétection est un système qui, à l'aide de capteurs, permet d'observer et d'enregistrer le rayonnement électromagnétique. A l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, Ouallouche Fethi, profite de cette technologie pour mettre au point un système de récolte de données dans le but d'estimer la pluviométrie. Dans sa thèse de doctorat intitulée «Estimation des précipitations par fusion de données de télédétection», il présente deux méthodes d'estimation par réseaux de ‘neurones' (capteurs) dans le nord de l'Algérie. «La première technique est basée sur l'utilisation conjointe de données issues de deux satellites ; l'un est géostationnaire (Météosat seconde génération : MSG) et l'autre à basse altitude (Tropical Rainfall Measuring Mission : TRMM). Nous avons utilisé deux bases de données différentes pour les deux étapes de la méthode ; l'apprentissage et la validation », note l'étude. Ainsi, les résultats montrent une corrélation entre les estimations et les données mesurées. Pour pallier à des problèmes posés par cette méthode, le chercheur a dû en utiliser une deuxième pour réaliser une estimation mensuelle des précipitations. Cette dernière est «basée sur l'utilisation d'un autre réseau de neurones dont les entrées sont les paramètres issus des canaux infrarouges du satellite MSG et les sorties sont trois classes dérivées des données PR du TRMM à savoir : non-pluie, pluie modérée et pluie intense. Les résultats de cette deuxième technique sont comparés aux données au sol», indique le chercheur. Ainsi donc, le chercheur indique que «le nord de l'Algérie qui fait partie du bassin Méditerranéen est régulièrement soumis à des phénomènes météorologiques violents caractérisés notamment par des pluies intenses et des vents violents. Ce climat particulier trouve son origine dans la configuration spécifique de la mer Méditerranée», précise Ouallouche Fethi. Et de poursuivre : «En effet, du fait du peu d'échanges avec l'océan Atlantique et du rayonnement solaire intense reçu à sa surface, la mer méditerranée constitue un gigantesque réservoir d'humidité et d'énergie pour les surfaces continentales qui la ceinturent». Par ailleurs, Ouallouche Fethi fait savoir que les nombreux reliefs existant dans le nord algérien créent une circulation complexe dans les basses couches de l'atmosphère. «Ce phénomène favorise la formation de systèmes pluvieux intenses qui provoquent souvent des dégâts considérables», instruit-il. En dépit de ces connaissances, les instruments de mesure au sol pour la collecte des données pluviométriques restent insuffisants en Algérie pour une évaluation fiable des précipitations. «Actuellement, seuls 320 stations pluviométriques, réparties sur l'ensemble du territoire national, sont opérationnelles. La télédétection par radar météorologique apparaît comme une alternative au manque de données au sol, mais exige un coût élevé et un personnel qualifié», assure-t-il. Nouvelle méthode d'estimation Pour pallier au manque de réseaux radar étoffés et de mesures au sol pour les calibrer, faute de moyens, le chercheur préconise l'utilisation d'une autre technique d'estimation des précipitations, qui est l'observation de l'atmosphère par satellite météorologique : «L'estimation par satellite du taux de précipitation consiste à trouver une relation entre les précipitations et les caractéristiques des nuages telles que leurs épaisseurs, la température de leurs sommets,etc.» Choisissant une zone d'étude couvrant le nord du pays, délimitée par les latitudes 34° nord et 37° nord et par les longitudes 2° ouest et 9° est, qui s'étend, faut-il le préciser, sur environ 1014 km de long et 334 km de large, Ouallouche Fethi explique que les méthodes multispectrales présentent l'avantage de pouvoir être appliquées aussi bien pour identifier les nuages précipitants dans les systèmes frontaux de moyennes latitudes que pour identifier les nuages dans les systèmes convectifs. «Leur principal inconvénient réside dans leur incapacité à différencier entre les systèmes convectifs et stratiformes. Cette faiblesse conduit à de mauvais résultats dans les régions où les précipitations convectives et stratiformes coexistent ; c'est le cas du nord de l'Algérie», écrit le docteur. En guise de conclusion, Ouallouche Fethi précise que l'étude présente une nouvelle méthode pour détecter et estimer les précipitations en utilisant une fusion de données issues de capteurs infrarouges et microondes : «Cette étude montre qu'avec la méthode Scattering Index (SI) nous obtenons des résultats acceptables de délimitation des zones de pluie sur le nord de l'Algérie, mais entachés par la détection de plusieurs faux pixels précipitant.» Le docteur Ouallouche ajoute que ce problème est dû principalement «au fait que la relation entre un grand index de diffusion et le taux de pluie n'est pas stable et l'apparition des précipitations peut être perturbée par de nombreux autres facteurs comme le relief et la présence de zones de montagne. Nous trouvons donc des pixels à haute valeur de SI qui sont classés à tort comme des zones de pluie». Par ailleurs, Ouallouche Fethi explique que certaines zones nuageuses précipitantes sont essentiellement formées par des processus d'élévation répandues le long des zones frontales et sont caractérisées par des températures au sommet relativement chaudes et une répartition spatiale plus homogène de la température du sommet des nuages, qui ne permet pas de discriminer significativement entre précipitation et les régions non précipitantes. Néanmoins, en raison de la disponibilité des données du satellite TRMM uniquement deux fois par jour sur le nord de l'Algérie, la première méthode développée est adaptée à l'estimation instantanée des précipitations. Ainsi, pour l'estimation des cumuls de pluie, le chercheur a dû modifier les entrées du premier réseau de neurones. «Les résultats obtenus montrent que cette deuxième méthode est satisfaisante pour la région étudiée. Afin d'améliorer ces estimations, l'ajout d'autres entrées au réseau de neurones peut être envisagée. Il serait intéressant d'introduire d'autres données issues des stations automatiques au sol (vitesse du vent) ou d'autres instruments tels que le lidar ou le photomètre», conclut M. Ouallouche.