Les systèmes d'alerte actuels reposent sur des instruments de mesure sophistiqués utilisés en télédétection, en météorologie, en physique et en géophysique et sur les moyens de communication modernes. Cependant, la prédiction des risques naturels n'est pas encore une science exacte. Les observations précises et les relevés systématiques des phénomènes naturels ne sont pas très anciens, puisque la collecte des données quantitatives remonte aux années quarante pour la météorologie, aux années soixante pour la sismologie, et encore plus récemment pour la vulcanologie. Quant aux techniques de la télédétection par satellite, elles ont trente ans à peine.En règle générale, la capacité à prévenir un événement exige que l'on dispose d'appareils de surveillance adéquats et opérationnels, que l'on ait une bonne idée des causes spécifiques du risque en question et que l'on dispose d'un ou de plusieurs modèles de simulation permettant de décrire le déroulement du phénomène dans l'espace et dans le temps pour que l'on puisse transmettre l'information avant le déclenchement du cataclysme. Les événements météorologiques Les moyens d'alerte anticipée en météorologie sont généralement fiables. Les spécialistes savent modéliser avec précision le comportement des masses d'air et disposent de données très complètes, relevées à diverses échelles, sur toute la surface du globe. Les satellites météorologiques diffusent continuellement des données et des images sur la répartition des masses d'air au-dessus des continents et des océans. Nous disposons sur le globe d'un réseau dense de stations terrestres et marines qui recueillent en permanence les données sur tous les éléments météorologiques (température, humidité, orientation et vitesse des vents) dans les basses couches de l'atmosphère. Ces observations terrestres et spatiales relayées par un système de télécommunications efficace permettent de compiler les différentes prévisions locales en un système global capable de prédire les manifestations les plus extrêmes en temps utile pour que des mesures préventives soient prises. Les prévisions météorologiques permettent d'être informés à l'avance des fortes perturbations qui, du fait de leur intensité et de leur fréquence, risquent de provoquer une catastrophe. Les radars météorologiques au sol jouent ici un rôle important dans la prévision à court terme. Ils permettent d'apprécier le point d'impact et l'importance des précipitations dont les répercussions sur le débit des cours d'eau sont contrôlées par des capteurs, ce qui permet de déclencher l'alerte à temps pour éviter ou limiter le débordement des fleuves. La plupart des pays du monde disposent de relevés topographiques des cours d'eau et des bassins hydrologiques, ce qui permet de prédire aisément le comportement des eaux en fonction de la durée et du volume des précipitations. Cependant, ces dispositifs manquent parfois de précisions ou sont mal interprétés en temps utile. Les éruptions volcaniques Les éruptions volcaniques sont relativement aisées à prévoir, car elles s'accompagnent de nombreux phénomènes physiques et de réactions chimiques qu'il est possible de surveiller indépendamment les uns des autres. Les éruptions sont toujours précédées d'une intense activité sismique et d'une dilatation de la croûte terrestre. Quant au réveil des volcans endormis, quelques capteurs sismiques suffisent pour le détecter à temps et pour donner l'alerte.Lorsqu'il y a un risque volcanique imminent, on constate, à mesure que la lave progresse vers la surface, que le sol se gonfle, que des gaz sont libérés, en même temps on enregistre des perturbations locales du champ gravitationnel et du champ magnétique de la Terre.L'apparition, la fréquence et l'intensité de ces phénomènes permettent de donner l'alerte à moyen terme à partir des données fournies par un ensemble d'instruments de détection. Les choses se compliquent à mesure que la lave se rapproche de la surface, concentrant ses effets sur une superficie de plus en plus réduite. Il est alors nécessaire de déployer un nombre croissant d'instruments de mesure pour bien circonscrire la zone la plus à risque. A mesure que la pression augmente, les manifestations chimiques et physiques se multiplient. Plus l'éruption est imminente et plus sa prévision devient délicate. C'est pourquoi les prévisions à court terme dans ce domaine sont rares et d'autant moins fiables que l'on ne dispose pas actuellement de capteurs et d'instruments de mesure pour l'ensemble des volcans en activité dans le monde. Les tremblements de terre Contrairement aux autres cataclysmes, les tremblements de terre sont très difficiles à prévoir à court terme, non pas par manque de signes et d'instruments de mesure, mais plutôt par la complexité et la multitude des données à prendre en compte. Les séismes sont souvent précédés de secousses, de déformations du sol, de modifications des champs électrique et magnétique terrestres et du niveau de la nappe phréatique, ainsi que d'émissions de gaz le long des lignes de fracture.Malheureusement, ces phénomènes se produisent aussi indépendamment de toute activité sismique et dans le cas de séismes violents, ils n'ont jamais été enregistrés de façon cohérente et précise par les réseaux de surveillance. Jusqu'à présent, la science et le progrès technique ne nous permettent pas de prédire un séisme quelques jours ou quelques semaines à l'avance, ni l'endroit exact où un fort séisme se produira. On peut tout au plus, dans les régions géologiquement très actives, prédire qu'il y aura un fort risque de séisme dans quelques décennies. Si les tremblements de terre ne peuvent pas être prédits, on peut cependant déterminer des zones où la probabilité d'un séisme est plus ou moins importante. On peut ainsi installer dans les régions à haut risque un réseau de sismographes. Ces derniers, reliés à des systèmes capables de traiter les données fournies en temps réel, permettent de calculer en quelques minutes l'amplitude et l'épicentre de chaque secousse, d'organiser et d'orienter les opérations de secours en conséquence. Même si nous en savons davantage aujourd'hui sur l'origine des séismes, nous sommes beaucoup moins bien informés sur la suite des événements qui les précèdent et la signification de certains phénomènes ponctuels qui pourraient en être les signes avant-coureurs.On comprend dès lors que les scientifiques hésitent à engager leur crédibilité dans des prédictions forcément hasardeuses. En fait, la meilleure solution à l'heure actuelle consiste à enregistrer la localisation, la fréquence et la nature des accidents antérieurs et à prendre des mesures en conséquence. Jusqu'à présent, les spécialistes des séismes ne peuvent pas répondre précisément aux questions «où ?» et «quand ?». L'histoire des statistiques sismiques indique, toutefois, que les tremblements de terre tendent à se reproduire là ils ont eu lieu dans le passé. La collision de la plaque africaine contre la plaque eurasienne entraîne un réajustement des failles et des formations géologiques. Ce processus géologique engendre une intense activité sismique relativement forte. Lorsque les contraintes sont trop fortes, il y a une grande probabilité de tremblement de terre. Les séismes destructeurs sont presque tous causés par la rupture des roches à proximité d'une faille géologiquement active. Le point initial de rupture se situe le plus souvent vers 10 ou 15 km de profondeur. Une fois la faille mise en mouvement à partir de ce point initial, la rupture s'étend sur une zone concernant plusieurs failles secondaires. Quant à la cause première du séisme, elle reste inaccessible à l'investigation directe, et les techniques géophysiques actuelles demeurent très limitées pour identifier les signes prémonitoires d'une telle rupture.De nombreux centres de recherche en sismologie étudient les régions où de telles failles ont provoqué des séismes dans le passé. Là où les séismes sont fréquents, comme en Turquie, au Japon, en Californie, les lieux probables des futurs grands séismes sont assez bien identifiés. Depuis le séisme de San Francisco de 1906, le concept retenu par les géophysiciens pour expliquer les séismes est basé sur les observations géodésiques par satellite faites autour de la faille de San Andreas. Dans les régions où les séismes sont plus rares, il est beaucoup plus difficile de savoir à l'avance où ils se produiront. Les signes géologiques visibles en surface sont alors peu évidents et l'histoire sismologique porte sur une durée généralement trop courte sur un site donné. En ayant recours à des études statistiques qui englobent des régions plus ou moins vastes, on peut retrouver quelques certitudes et dire qu'un séisme destructeur y est probable à l'échelle de 100 ou de 1 000 ans. 6e sens ou progrès scientifique ? La légende qui dit que les animaux sont très sensibles à l'imminence d'un danger, particulièrement aux changements du champ électromagnétique qui précèdent un tremblement de terre, est invraisemblable. Certes, les animaux possèdent certains sens beaucoup plus développés que les humains, mais aucune prédiction fiable n'a pu être obtenue par l'observation de leurs comportements. Des milliers d'animaux ont péri et ont été retrouvés sur les plages asiatiques lors du dernier tsunami. Signalons, à titre de référence, que les tremblements de terre sont très fréquents au Japon et qu'aucun Japonais n'a jamais formulé l'hypothèse d'un sixième sens animal pour prédire les séismes. En conclusion, si l'on sait aujourd'hui prévenir certains types de catastrophes naturelles, on sait aussi pourquoi on est incapables d'en prévenir d'autres. Mais on est en droit de croire que le progrès technique dans le domaine des sciences et des technologies de l'information nous permettra, dans l'avenir, de déceler à temps les catastrophes naturelles pour les affronter. M. S. *Ingénieur en télédétection aérospatiale – Toulouse (France)