Le design est né à la confluence de l'industrie et de l'art. Il se trouve que l'Italie, qui n'a réalisé son unité qu'au XIXe siècle, est l'un des derniers pays européens à avoir accompli sa révolution industrielle. Pourtant, son design a réussi par la suite et jusqu'à nos jours à s'imposer comme l'un des plus brillants au monde. Il est certain que l'héritage de la Renaissance a permis à l'Italie d'insuffler une formidable créativité dans son mouvement industriel. Léonard de Vinci, capable de peindre des chefs-d'œuvre et d'inventer des machines alors révolutionnaires, pourrait d'ailleurs incarner cette émergence «anticipée» du design. Les panneaux historiques exposés au MaMa* montrent d'ailleurs que le design existait avant même que cette discipline ne soit nommée ainsi et même envisagée en tant que discipline. Dès l'essor de l'industrie en Italie, plusieurs facteurs ont concouru à mettre le design italien en orbite. Les expositions internationales, dont l'exposition universelle de Milan en 1906 où sera lancé un concours pour l'ameublement de la maison ouvrière, ouvrent de nouveaux champs d'innovation technologique, d'échange et de promotion. A l'exposition de Turin en 1902, on parlait déjà de «design italien». Parallèlement, avec le développement de l'enseignement, apparaissent des écoles spécialisées : Ecole polytechnique de Milan, Ecoles d'arts et métiers ou Ecoles d'art appliqué à l'industrie… L'essor de l'industrie automobile (Fiat, Lancia, Alfa Roméo…) et aéronautique sert de tremplin au design industriel. C'est une période d'effervescence où des créateurs rédigent une proclamation de La reconstruction futuriste de l'Univers (1915). Le design se répand dans le mobilier, avec le mouvement artistique Novecento, et même dans la construction. Dans les années 1930 et 1940, le reste de l'industrie se met aussi au design, comme les fameuses machines à écrire Olivetti. Malgré la Seconde Guerre mondiale, la discipline se diversifie et impose ses méthodes à partir des années 1940. Le Made in Italy gagne ses lettres de noblesse internationales avec des produits comme la Vespa (1946), un scooter alors révolutionnaire qui continue aujourd'hui à être produit et distribué dans le monde entier. Des architectes et artistes conçoivent des meubles rationnels destinés aux espaces plus limités des appartements. Dans les années 1950, la popularisation des appareils électroménagers dans les couches moyennes de la société donne lieu à une émulation créative très importante qui touche aussi les luminaires et autres objets de la maison. Grands amateurs de café, les Italiens se surpassent aussi dans l'invention de machines à café diverses pour ménages ou établissements. En dix ans (1951-1961), les exportations italiennes augmentent de 257%. Les produits sont commercialisés dans le monde entier et le design italien commence à être reconnu comme référence incontournable. Londres accueille deux expositions qui lui sont consacrées (1955 et 1958). Une année après, a lieu une exposition similaire à Chicago. Le design devient alors le fer de lance mondial de la production italienne, un label de qualité et d'originalité porté par des créateurs hors pair qui inventent de nouvelles formes avec de nouveaux matériaux comme les polymères. Cette irrésistible ascension est sanctifiée par l'exposition de design italien au MoMa de New York en 1972. Le développement des services puis des nouvelles technologies de communication permet au design italien d'élargir sa gamme d'applications et d'influer encore sur l'ensemble des designers du monde. Aujourd'hui, des centaines d'objets autour de nous, souvent très familiers, portent sa marque, même quand ils sont fabriqués ailleurs qu'en Italie ! Et il poursuit son aventure dans la mode, l'architecture intérieure, les automobiles, les mobiliers et appareils de toutes sortes, presque comme une résurgence contemporaine de la civilisation romaine et de son goût pour la rationalité et la beauté. *Deux expositions en une : «Le grand jeu de l'industrie» et «Le design italien rencontre le design algérien». Musée national d'art moderne et contemporain. 25, rue Larbi Ben M'hidi, Alger, du 4 au 18 mars 2017.