Après 35 ans de service, Ahcène a eu droit à deux coups assénés à l'œil. Dans ce bureau de contrôle à la gare de l'Agha, Ahcène répond à la question sur la violence que subissent les contrôleurs par une preuve tangible. Il sort une photo. Au verso de cette photo est écrit son nom, la date du 22 septembre 2015 et le nom d'une autre personne. C'est celui de son agresseur. Il s'agit de sa propre photo, sur son visage figurent les stigmates des coups de son agresseur : un œil tout bleu. L'assaillant, un jeune de 19 ans sans antécédents judiciaires. Il n'est ni délinquant ni consommateur de stupéfiants. «J'étais en brigade avec 5 autres contrôleurs. Suite à cet incident, le train est resté immobilisé pendant 30 minutes à la gare de Boufarik. Dès que je lui ai demandé son billet, il m'assène deux coups à l'œil. Un voyageur sans ticket est dangereux pour les autres voyageurs et contrôleurs et la SNTF», déclare ce chef de train. Après l'avoir poursuivi en justice, le jeune garçon écope de 6 mois de prison ferme pour "coups et blessures volontaires". Mais cet ancien contrôleur a du mal à oublier ce qui lui est arrivé. Il a recouru d'ailleurs à la justice plus d'une dizaine de fois, en raison de l'incivilité de certains voyageurs. Notre interlocuteur aux yeux larmoyants continue de relater ce qui lui est arrivé ce jour-là : «Il m'a agressé parce que je suis vieux.» Ce chef des contrôleurs déplore l'absence des forces publiques au niveau des stations et à l'intérieur des trains. «La présence de la police et de la gendarmerie aurait facilité le travail des contrôleurs et surtout les aurait protégés de toute forme d'agression», estime-t-il. Ce dernier fait le parallèle avec les moyens dont sont dotés les contrôleurs du métro. Contrairement au métro, où la police est présente aux stations et à l'intérieur des rames, au niveau des trains, la police est absente. Pour les stations, il n'y a que l'Agha, Hussein Dey, El Harrach et Alger qui sont dotées de postes de police. Il y a aussi un poste de police à la gare de Boumerdès et la gendarmerie à Blida. De l'avis de ce contrôleur, l'absence des autorités à l'intérieur des trains est en partie responsable de la montée de la violence. Le flux des voyageurs est tel que les contrôleurs ne peuvent pas assurer leur travail sans être appuyés par les éléments de la sécurité. A titre d'exemple : durant les heures de pointe, on dénombre 9 trains pleins venant de l'ouest et 10 de l'est d'Alger. Chaque train transporte 2400 voyageurs. Au manque de sécurité, s'ajoute le phénomène de la solidarité entre voyageurs. M. Lounici dénonce le fait que des voyageurs ayant des tickets se solidarisent avec ceux qui n'en ont pas. Encore une fois, le chef des contrôleurs nous montre une vidéo d'un voyageur qui refuse de payer son billet, entouré d'autres voyageurs qui le soutiennent à l'intérieur d'un train à la gare de Réghaïa. Le train s'est arrêté pendant 30 minutes. Les contrôleurs tentent de le contraindre à payer son billet. La pagaille était à son comble. Même l'intervention de la police n'a pas pu contenir la folie effrénée, ni contraindre le voyageur à payer son billet. Le train en question a été simplement supprimé et les milliers de voyageurs ayant payé leur billet se sont retrouvés dans l'obligation de continuer leur chemin par bus. M. Lounici charge les voyageurs quant au retard et perturbations que connaît la SNTF. «Ce sont eux (les voyageurs ndlr) qui provoquent les retards en bloquant les portes. Si le train enregistre un retard de 2 minutes par station, cela va donner un total de 30 minutes par voyage. Ce qui provoque des perturbations dans les rotations et même la suppression de certaines», explique-t-il.