Le président du RCD, Mohcine Belabbas, revient dans cet entretien sur la situation générale du pays, la maladie du président Bouteflika, l'opposition et sa plateforme pour la transition démocratique. Il s'exprime aussi sur les prochaines législatives et la participation de sa formation. Moins de deux mois nous séparent des élections législatives du 4 mai prochain. Dans quelles conditions se déroulera ce scrutin, selon vous ? Le RCD est le premier parti qui s'était exprimé sur les législatives de 2107. J'avais fait deux déclarations sur ce sujet, l'une dans une interview accordée à un quotidien francophone et l'autre dans un journal arabophone. J'avais alors dit que tout indique que le pouvoir se dirige vers un système unique à têtes multiples. A l'époque, en parlant de la nouvelle loi électorale déjà programmée, mais pas encore adoptée par l'APN, j'avais souligné la volonté du pouvoir d'exclure les partis de l'opposition de cette compétition. J'avais dit également que si on voulait peser en tant qu'opposition sur cette élection, il fallait construire un consensus autour d'un boycott collectif. Cette proposition n'a pas été suivie. La dernière campagne de collecte des signatures nécessaires pour la participation à ce scrutin a confirmé ces appréhensions. La volonté des clans dominants d'en finir avec le multipartisme est aujourd'hui une réalité. Les blocages et les entraves dressés par les lois devant les partis de l'opposition et les listes indépendantes sont avérés. De même que des partis alibis ont été propulsés à des niveaux inversement proportionnels à leur poids dans la société. La seule conclusion qui découle de cet épisode de la collecte de signatures est que l'on veut se diriger autoritairement vers l'émergence de partis artificiels, des sortes de RND bis ou ter devant parasiter les mouvances démocratique, nationaliste et islamiste. En un mot, la mise à mort du multipartisme. Donc, il y aura une sorte de bipolarité… Ce n'est pas tout à fait cela. C'est une pluralité contrôlée dans le sens où ce sont des partis du système qui vont polluer l'expression de tous les courants politiques existant dans la société. Il ne faut pas oublier que le RND a été créé pour cloner le RCD, y compris par la proximité de son sigle. La tactique est maintenant étendue à l'ensemble des sensibilités politiques. En 2004, le président Bouteflika parlait de son souhait d'instaurer un système à l'américaine avec deux grands partis. C'est ce projet qui commence à se mettre en place ? Aux Etats-Unis, la liberté de la presse est sacrée. Le Congrès contrôle l'Exécutif et la Cour constitutionnelle peut destituer un président. Dans les apparences, mais dans les apparences seulement, Bouteflika veut aller vers un système qui mime le modèle anglo-saxon ou même français. Le problème est qu'en Algérie tous les partis, je devrais dire les parties, du pouvoir ont les mêmes pratiques et sont issus du même moule. Ils ne prennent même pas la peine de se distinguer par des programmes. L'usure et la confusion volontairement entretenues ont fini par banaliser l'invraisemblable. Les partis qui revendiquent l'hégémonie politique expliquent qu'ils appliquent le programme du chef de l'Etat. Si on applique le même programme, on ne comprend pas bien pourquoi les officines multiplient autant les sigles ; mais ce qu'il y a de plus pitoyable dans cette imposture, c'est que ledit programme du chef de l'Etat n'existe nulle part. Et cela ne choque personne. Même pour ces législatives et jusqu'à maintenant le RCD est le seul parti à avoir rendu public un programme global et cohérent. Il n'y a ni bipolarité ni pluralisme. Le système vit et tourne pour lui-même, c'est-à-dire qu'il ajuste ses équilibres internes en fonction des appétits des clans voire de sectes. Combien de temps ce manège peut-il durer ? Certains partis de l'opposition, à l'image du MSP, estiment que les prochaines élections pourraient ne pas être entachées de fraude. Partagez-vous cet optimisme ? Au niveau du RCD, nous étions clairs dès le début ; il ne peut y avoir d'élections libres et transparentes en Algérie tant que le ministère de l'Intérieur continue de les organiser. Nous avons posé cette problématique depuis 2012. En juillet 2013, nous avons fait une offre politique qui préconise l'institutionnalisation, voire même la constitutionnalisation d'une instance indépendante de gestion et d'organisation des élections, comme c'est le cas dans la majorité des pays dans le monde. L'essentiel des partis de l'opposition ont maintenant adopté cette proposition et la revendiquent. Cette solution est dans notre programme électoral. Le RCD se bat et continuera à se battre pour concrétiser cette exigence démocratique parce que c'est la seule qui permettra de résoudre la crise de légitimité des institutions et des dirigeants. Au RCD, nous avons dit que dans nos fiefs électoraux comme Tizi Ouzou, Béjaïa, une partie de Bouira et de Boumerdès, la fraude électorale est moins significative. Le problème qui demeure dans ces régions du Centre, c'est le vote des corps constitués. Mais quand il y a une forte mobilisation des populations, le choix libre des citoyens est plus conforme aux résultats. Au niveau des autres régions du pays, il y aura des fraudes, même si dans certaines circonscriptions où nous avons une présence suffisante nous pouvons en partie surveiller l'opération électorale. Je cite, dans ce cas, les wilayas d'Alger, de Tipasa, de Sétif, de Batna… Nous appelons aussi les citoyens de toutes les régions du pays à protéger leur choix par leur implication dans les opérations de surveillance et de dépouillement des votes. Mais le RCD ne cherche pas à tromper le citoyen. L'opération de collecte des signatures est déjà une flagrante fraude en amont du vote. En parlant de la participation, la hantise des partis, et même du pouvoir, est sans doute l'abstention. Peut-il y avoir un changement des mentalités à l'occasion du prochain scrutin ? Le problème chez une partie de la presse algérienne, c'est de croire que l'abstention est une hantise du pouvoir. Les candidats du pouvoir passeront d'autant plus facilement que la participation est faible. Même en Kabylie où les luttes citoyennes peuvent limiter les manipulations, l'abstention favorisera mécaniquement les relais du pouvoir. Dans les cafés, les marchés, les transports publics, les administrations, les agents de la police politique ne manquent pas une occasion de laisser entendre qu'il ne sert à rien de voter, que tous les candidats sont les mêmes… Et la stratégie est payante puisque l'abstention facilite la fraude électorale sans aucun risque de contestation. Pour ce qui est de l'opinion internationale, il suffira d'augmenter les taux de participation à annoncer. Quand on veut un fort taux de participation, c'est une règle dans le monde entier, il faut ouvrir les médias lourds, à commencer par les médias publics, aux débats contradictoires. Quand il n'y a pas ce débat entre les différents acteurs politiques autour des programmes électoraux et politiques des partis et des candidats, quand il n'y a pas de débats contradictoires autour des solutions que préconisent les uns et les autres, le citoyen ne peut se mobiliser. La seule élection qui a connu une mobilisation record était celle de 1991. Parce qu'à l'époque, la chaîne publique avait organisé des débats qui ont duré des mois et des mois avec la participation de tous les partis politiques. Ce n'est plus le cas depuis plusieurs années. Jusqu'à aujourd'hui, le RCD n'est pas invité sur les plateaux de l'ENTV. C'est pareil pour la radio nationale et les journaux publics. Il n'y a pas de volonté d'encourager le citoyen à aller voter. Il y a aujourd'hui une Autorité de régulation de l'audiovisuel qui doit veiller au respect des règles en matière d'accès aux médias, notamment publics. Est-ce que vous ne comptez pas la saisir pour arracher votre droit ? Il y a un certain nombre d'instances, dont on a décidé d'en faire des façades d'un supposé fonctionnement démocratique. Si, vraiment, cette autorité voulait avoir une existence réelle, elle aurait assaini, depuis longtemps, le champ audiovisuel. Or, jusqu'à aujourd'hui, aucune chaîne privée n'a un agrément. J'ai entendu de la bouche des journalistes de ces chaînes que le ministre de la Communication leur a dit que les agréments vont être octroyés après les législatives. Décodé : cela se fera en fonction de leur comportement durant ces élections. Donc, il y a une sorte de chantage exercé sur ces organes, une autre forme de fraude électorale anticipée. Le DRS est dissous depuis quelques mois. Y a-t-il des chances de voir cette élection se dérouler sans l'intervention des éléments des services ? Je ne sais pas si le DRS a été dissous et je ne crois pas à cela. Il y a une structure qui a changé d'appellation. Il y a le premier responsable de cette institution qui a été limogé et envoyé à la retraite. Mais dire que cette structure n'est plus opérationnelle, ou croire qu'elle n'aura pas d'influence à l'occasion de cette élection est un leurre. Qui a permis à deux sigles de se présenter dans tout le pays alors que ces fantômes n'ont pas eu une seule activité depuis des années ? Tant qu'il n'y a pas une instance indépendante d'organisation des élections, il y a un certain nombre de structures telles que le renseignement, la police politique et les cabinets noirs — il y en a beaucoup en Algérie — qui vont peser sur les élections. Ils ont déjà pesé à l'intérieur des partis politiques du pouvoir dans le choix et l'élimination des candidats. Il y a un parti politique qui continue à revoir ses listes au niveau des wilayas en totale violation de la loi ; c'est-à-dire après l'expiration des délais légaux. Le RCD n'a réussi à présenter que 13 listes de candidatures à cette joute. Comment expliquer ce recul ? Arrêtons la démagogie. Il y a deux façons de faire les listes. Soit on dispose de 4% des suffrages exprimés lors de la dernière élection ou de dix élus dans la wilaya, soit on collecte des signatures. Vous savez très bien que le RCD n'a pas participé aux dernières élections. Ce qui revient à recourir dans la grande majorité des wilayas à la deuxième solution. Tous les partis peuvent s'ils veulent se compromettre dans le marchandage électoral en charriant du tout-venant présenter des listes partout. Pour nous, il s'agit d'être présent là où on peut garantir au maximum le déroulement du scrutin. Savez-vous qu'à Saïda la liste du RCD a été invalidée parce que le cachet humide du notaire a touché la signature des citoyens. A Souk Ahras, des signatures ont été rejetées deux jours avant la fin du délai sans que le RCD puisse les remplacer. A Mascara et Illizi, le logiciel était inutilisable… Le RCD anime et assume un combat clair et déterminé dans l'opposition. C'est la cible prioritaire du système dont il est la figure inversée. Sur les 29 APC remportées en 2007 dans 15 wilayas en dehors de la Kabylie, aucune n'a résisté aux pressions et attaques du DRS. L'Algérie est dans une phase instable, nous avons fait un choix clair. Notre but est d'avoir des élus qui ne changent pas de casquette du jour au lendemain. La question n'est pas de prétendre renverser le rapport de force dans le Parlement avec une administration et une justice aux ordres. Il s'agit de disposer de députés crédibles et fiables qui respectent leurs électeurs et apportent la preuve que dans les régions où les citoyens se battent ils peuvent avoir des représentants dignes de leur confiance. Ces conditions n'existent que dans des zones très réduites. Au RCD, nous avons décidé de collecter des signatures dans 25 wilayas. Nous opérions de cette manière, y compris lorsqu'il n'y avait pas l'exigence des parrainages. Nous n'avons pas dérogé à la règle cette année. Il y a aussi une autre question sur laquelle la presse ne s'est pas attardée ou que certains organes manipulent. La plupart des partis qui ont présenté plus de 10 listes l'ont fait sur la base de leur participation à l'élection de 2012 dans laquelle, je le rappelle, nous étions absents, ou, pour certains, grâce à l'argent sale et à l'aide de l'administration. Le dispositif officiel mis en place avec en particulier l'introduction d'un logiciel de vérification était une machine à éliminer qui on voulait sans aucun moyen de recours. Nous sommes les seuls à être contraints de démarrer de zéro, comme on dit. Votre question me permet de parler du comportement de la presse à notre égard. Un journal, c'est une ligne éditoriale qui, à défaut d'appartenir à ses lecteurs, appartient à la direction du journal. Je veux dire qu'une rédaction est libre de sponsoriser un parti politique ou des listes électorales. Mais cela peut se faire sans dénaturer les faits concernant les autres formations. Il y a aussi la question de la qualité de notre participation et de nos choix. Au RCD, il s'agit dans ce scrutin de consolider des segments de résistance à l'ordre établi et non de semer l'illusion d'un changement radical. Prouver que la démocratie citoyenne est possible soulage une partie de la population et redonne espoir à d'autres régions. On peut ne pas être d'accord avec nous, mais c'est notre stratégie. Notre slogan de campagne est «Un nouveau départ pour l'Algérie». Y a-t-il des partis qui ont été soutenus par l'administration ? Oui. Il y a plusieurs manières de donner un coup de pouce aux listes de candidatures. Il y a des wilayas où on a mis carrément le fichier électoral à la disposition de certains partis. Il y a aussi l'achat et la vente des signatures qui ont été confirmés même par l'administration de M. Derbal. Et il y a, comme cela s'est fait en Kabylie, un «versement» par des opérations d'écriture des listes de militaires attribuées à des candidats «utiles» pour le régime, c'est-à-dire toxiques pour la population. Il ne faut pas oublier que dans cette région, les walis de Béjaïa et de Tizi Ouzou ont été changés juste avant ces élections. Des cadres de votre parti exclus des listes de candidatures sont mécontents. Quels sont les critères adoptés pour choisir vos candidats ? La commission électorale a eu des recours formulés par des cadres du parti candidats à la candidature. Dans la note que nous avons envoyée à nos instances, nous avons expliqué la démarche à suivre. La commission de candidature devait étudier tous les recours avant de valider les listes. Et c'est comme ça que nous avons fonctionné. Il est normal que des cadres non retenus ou mal classés sur les listes soient déçus. Mais la déception est un sentiment passager. Parce que nous sommes un parti qui recèle plusieurs compétences, particulièrement dans nos fiefs électoraux. Nous avons des élus, d'anciens députés, d'anciens sénateurs et des universitaires… donc il n'était pas toujours facile pour la commission électorale de trancher. Mais ses membres ont travaillé avec des critères fixés et acceptés par tous dès le départ. Le 14 mars, c'est-à-dire bien après la publication des listes, lors du procès de Médéa qui a permis de libérer notre militant Noureddine Kerrouchi, le collectif des avocats du RCD était constitué de cinq personnes. Sur ces cinq avocats, deux ont été retenus et trois ne l'ont pas été. Cela ne les a pas empêchés de mener le combat ensemble et avec succès. Cela ne risque-t-il pas de perturber la campagne du RCD ? Des cadres dont les candidatures n'ont pas été retenues sont membres des directoires de campagne. Le militantisme pour le carriérisme n'est pas dans la culture du RCD. Des militants et non des moindres sont morts pour que ce parti agisse et active pour l'intérêt général. Comment évaluez-vous la situation politique nationale ? Au RCD, nous avons décidé, à partir du moment où il n'y avait pas de consensus autour du boycott, de mettre à profit cette élection pour multiplier nos rencontres avec les citoyens. J'en profite d'ailleurs pour rappeler que le RCD, même boycotté par les médias publics ou entravé par des abus de l'administration comme cela s'est vu à Tamanrasset, n'a jamais cessé d'être présent sur le terrain. Il est cependant plus facile de se faire entendre en cette période, parce qu'il y a moins de refus d'autorisation aux activités des partis. Mais nous ne voulons pas seulement parler de la crise, dont l'ampleur est connue de tous. Tout comme d'ailleurs sont connus les responsables qui l'ont provoquée. Pour nous, le plus important est de proposer des solutions au débat. Dans cette élection, nous sommes le seul parti à avoir rendu publiques des solutions par secteur d'activité. Nous le faisons depuis deux mois dans les médias avant d'aller les porter lors de la campagne électorale. Pour nous, faire de la politique, c'est d'abord trouver des solutions aux problèmes des citoyens. Nous disons à nos compatriotes que si vous votez pour le RCD, il y a des solutions que nous pouvons mettre en œuvre. Nous sommes convaincus que malgré l'ampleur de la crise, il y a toujours des solutions qui sont à notre portée. Nous sommes même convaincus de la possibilité de faire de l'Algérie une puissance régionale grâce à son histoire, sa position géographique, ses ressources naturelles, sa diaspora aujourd'hui diabolisée et, surtout, les ambitions de notre peuple. L'état de santé du Président suscite à nouveau une polémique en raison de l'annulation de rendez-vous importants, dont la visite de la chancelière allemande, Angela Merkel. Et votre récente déclaration dans laquelle vous avez affirmé que «c'est Bouteflika qui gère le pays» vous a valu des critiques sur les réseaux sociaux… Nous avons maintenant l'habitude avec ce genre de manipulations qui consistent à faire sortir les propos de leur contexte. La question qui m'a été posée était celle-là : est-ce que le chef de l'Etat gère le pays ? Et j'avais répondu en expliquant que je ne suis pas de ceux qui déresponsabilisent le chef de l'Etat. Le chef de l'Etat a mal géré voire gère plus mal encore que par le passé, mais il gère. De 1999 à ce jour, M. Bouteflika est passé par deux périodes essentielles. Durant la première partie de son règne, la majeure partie de la presse ainsi que les partis du pouvoir, mais aussi quelques partis catalogués d'opposition disaient qu'il était mal informé et mal entouré pour le dédouaner de l'ampleur de la corruption, de l'impunité et des passe-droits qui gangrènent le pays. Le message indirect était qu'il n'était pas responsable de cette situation ! Depuis son hospitalisation en 2013, ces commentateurs plus ou moins inspirés sont passés à une autre étape pour affirmer que ce sont d'autres personnes qui gèrent le pays en son nom. Tout cela vise à dire que M. Bouteflika n'est responsable de rien depuis son arrivée au pouvoir. Ce n'est pas notre avis. Au RCD, nous pensons qu'il est responsable de sa gestion de 1999 à ce jour parce qu'il est le chef de l'Etat. De par le monde, le chef de l'Etat ne gère pas seul. Il le fait à travers ses conseillers, son gouvernement et ses structures décentralisées, etc. Mais toutes ces décisions l'engagent, sinon il se démet. Maintenant, il y a des personnes qui disent que la santé du chef de l'Etat s'est dégradée un peu plus depuis deux ans. Nous, nous disons depuis 2012 qu'il est gravement malade et donc qu'il ne peut pas assumer la totalité des fonctions liées à son rang. Il fallait alors mettre en application ce qui était prévu par la Constitution, lui-même pouvait le faire en 2012 déjà. Il ne l'a pas fait, c'est un choix. En quoi cela le dédouanerait-il de la gestion du pays ? Donc, il est puissant… La question n'est pas là. Il ne faut pas tirer une conclusion que ne suggère pas une déclaration. On ne peut pas être puissant quand on n'est pas légitime et qu'on n'est pas issu d'une élection libre. C'est pourquoi le RCD utilise toujours le vocable de chef de l'Etat qui est un statut de fait et non une légitimité et pas celui de président de la République parce que dans notre pays les présidents sont d'abord cooptés par les cercles occultes du système avant de les présenter devant le peuple pour faire valider une candidature par des urnes, de surcroît manipulées. Mais son état de santé influe sur le fonctionnement du pays… Encore une fois, on prend le problème à l'envers. Vous croyez que si on nous imposait encore un athlète dans un autre conclave de parrains, le pays serait mieux géré ? Ce n'est pas la maladie de Bouteflika qui fait souffrir l'Algérie, c'est parce que l'Algérie est malade d'illégitimité depuis 1962 que des régents lui imposent un chef d'Etat agonisant. Moi, je suis de ceux qui disent que les plus grands ratages de ce dirigeant ont eu lieu durant la période allant de 1999 à 2004. C'est à cette époque que le pays disposait de moyens financiers importants pour donner un nouveau départ à l'Algérie. Il y avait aussi un éveil citoyen pour aller de l'avant après une décennie tragique, mais rien n'a été fait. Donc, ce n'est pas vraiment sa maladie qui a aggravé la situation. La situation était mal engagée de tout temps. Il a mal géré déjà dès le départ. Comment pourrait-il mieux gérer maintenant qu'il est diminué ? L'opposition n'a pas réalisé son objectif d'imposer une transition démocratique. Quel avenir pour votre coalition ? Il faut rappeler que la question de la transition est une idée du RCD lancée depuis 2001. La direction du RCD avait élaboré, à l'époque, un document qui évoque la manière avec laquelle devait être gérée une période de transition. En 2014, nous avons réussi à construire un consensus plus large autour de cette idée et élaboré la plateforme pour les libertés et la transition démocratique adoptée à l'occasion de la rencontre de Mazafran. Il s'agit d'une feuille de route pour la gestion de la période de transition. Mais le cheminement n'est pas linéaire. Par contre, le but est de réunir les conditions de l'expression de la volonté du peuple. L'essentiel est que les acteurs qui ont participé à la conférence sont d'accord sur cette plateforme. Reste à ramener le pouvoir dans cette voie avant que les conditions politiques ne se dégradent davantage. Concernant l'ICSO, il faut savoir que sa création obéit au souci de permettre à des acteurs sans parti ou dont les partis ne sont pas agréés de participer à ce travail collectif. Je suis sûr, que ce soit d'ailleurs avec cette même structure ou avec une autre semblable à celle-ci que le travail commencé en 2014 continuera. Est-ce qu'on peut comprendre par là que la feuille de route de Mazafran est une feuille morte ? Non ! Cette plateforme servira de guide pour gérer la transition. Mais nous n'en sommes pas là. Pour l'instant, nous n'avons pas le rapport de force nécessaire qui nous permettrait de contraindre le pouvoir à venir à la table des négociations. Nous devons œuvrer à la construction de ce rapport de force. Et chacun a sa propre stratégie pour ça. Depuis 2014, le RCD a multiplié ses actions de terrain en organisant des marches, des meetings et des rencontres de proximité, des colloques sur des thématiques spécifiques ainsi qu'un certain nombre d'actions organisées avec ses partenaires dans la CLTD. En tout cas, l'objectif des uns et des autres est de changer les rapports de force. Et le pouvoir a tout fait pour priver l'opposition de cette capacité en bloquant ses activités depuis 2014. Mais quel pouvoir peut indéfiniment compter sur des forces de répression budgétivores pour régler une impasse structurelle dans une situation de crise financière aussi sévère et de profonde récession économique ? Nous avons raison et il n'y a pas d'autres choix pour le ou les pouvoirs, apparent(s) ou occulte(s), que d'entendre raison. Il faut simplement espérer que cette lucidité arrivera avant qu'il ne soit trop tard. Et c'est vrai que le temps presse.