L'élection présidentielle d'avril 2004 ne risque pas de se tenir sans la présence d'une candidature issue du pôle démocratique. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie a officiellement investi, jeudi, son président, Saïd Sadi, pour postuler à la magistrature suprême. Cette décision est prise à l'issue de la session ordinaire de son conseil national, tenu au club du Moudjahid (Alger). Contacté, Hamid Lounaouci, responsable à la communication au sein du parti, explique : “Le RCD en tant que parti a investi son président pour la candidature. Mais la décision définitive de se présenter ou non revient en dernier ressort au président du parti lui-même. Car l'élection présidentielle n'est pas comme les législatives ou les locales. C'est un contrat entre le candidat et les citoyens.” Il est noté dans les résolutions sanctionnant ce rendez-vous organique que “le RCD est partie prenante” de ce scrutin qui “peut être une occasion majeure pour sortir le pays de la crise si des mutations fondamentales l'accompagnent”. Les conditions avancées depuis quelques mois par le RCD pour participer à cette élection sont toujours de mise. Le parti de Saïd Sadi voit d'un très mauvais œil que cette élection capitale pour l'avenir du pays soit gérée par le gouvernement d'Ahmed Ouyahia qu'il a eu à gratifier de la peu enviable épithète d'“état-major de la fraude”. Dans son allocution d'ouverture des travaux du conseil national de son parti, Saïd Sadi a soutenu que l'opposition démocratique serait présente au rendez-vous d'avril 2004 “sous réserve d'un nettoyage de la pollution institutionnelle qui grève sur la prochaine échéance”. Bien plus, il a jugé plus que nécessaire de mettre en place, dans cette perspective, une structure de transition — elle ne sera pas le gouvernement actuel — où l'opposition démocratique sera présente “ès qualités”. Mais sans le RCD, cette transition ne peut en aucun cas avoir lieu et ne peut aboutir qu'à un rééquilibrage clientéliste du système a, d'ores et déjà, averti Sadi. Ne se contentant pas du seul constat, le conseil national du RCD a mis l'accent, dans ses résolutions de jeudi dernier, sur la nécessité de “mobiliser l'ensemble des forces patriotiques pour imposer des règles qui rompent définitivement avec les trafics et les détournements de la volonté populaire”. Bien plus, il est précisé que “le conseil national mandate le comité exécutif pour prendre langue avec les candidats potentiels et étudier les actions à mener en vue d'ouvrir une nouvelle ère au pays à travers la prochaine élection”. Mais la volonté affichée par l'institution militaire de ne pas s'impliquer dans cette élection ne semble pas agréer le parti de Saïd Sadi qui considère que “la neutralité ne vaut que si elle s'impose à l'ensemble des institutions. Si un seul segment de l'Etat est invité au désengagement, cela n'est plus une neutralité mais une neutralisation”. L'autre constat du RCD est que “la crise politique est désormais une impasse institutionnelle”. Une crise dont l'exacerbation est le résultat de “la conjugaison des effets des deux têtes de l'Exécutif”, Bouteflika et Ouyahia, que Saïd Sadi a qualifiées, jeudi, de “couple luciférien”. “Le président de la République et le Chef du gouvernement, installés dans la certitude que le cynisme et la corruption d'Etat sont les deux leviers du pouvoir, s'engagent dans une compétition du pire. Lorsque la corruption devient une gestion institutionnalisée et que la soumission de l'Etat confine à une gestion tribale, cela s'appelle une dérive maffieuse”, lit-on dans le texte des résolutions. Pour ce qui est de la crise de Kabylie, le RCD a qualifié les dernières réponses d'Ouyahia aux préalables des archs de “petite manipulation”. Pour lui, les revendications du mouvement citoyen sont loin d'être satisfaites. “À la revendication de la défiscalisation des opérateurs économiques, il répond par une promesse d'un dégrèvement fiscal ; opération ordinaire à laquelle peut déjà recourir n'importe quel commerçant. Comble pour un commis de l'Etat, M. Ouyahia convient, cyniquement, qu'il a affaire à des indus élus dans les institutions de l'Etat”. Ce qui est reproché à Ouyahia, par dessus tout, c'est sa “démarche criminelle” consistant en “la recherche délibérée d'affrontement à travers des provocations et la volonté de démanteler le maigre tissu économique de la région”. Pour le RCD, “la crise de Kabylie et le traitement qui lui est réservé sont des indicateurs majeurs des intentions du pouvoir”. A. C. Saïd Sadi : “2004 ne sera pas une année banale” La conviction de Saïd Sadi est que “2004 ne sera pas une année banale”. Et pour cause, en 2004 se tiendra une élection présidentielle qui déterminera dans une large mesure l'avenir du pays. Mais sa participation ne peut se faire sans la réunion de quelques conditions dont le départ du gouvernement Ouyahia qui ne peut garantir l'expression libre des citoyens. Dans le “couple luciférien” Bouteflika-Ouyahia, Saïd Sadi voit une “synergie du pire”. La solution à cette crise ? “La présidentielle peut être une phase qui pourrait engager le pays vers un nouveau destin, pour peu qu'il y ait un compromis historique entre les forces politiques”, suggère Saïd Sadi. Le présent mandat du président Bouteflika est des plus insignifiants puisque de l'avis de Saïd Sadi, “il a réellement discrédité les institutions et attenté à la cohésion de la nation”. Mais il n'est pas d'accord avec ceux qui font la fixation sur le départ de Bouteflika, auquel il reconnaît de se présenter à la prochaine présidentielle. “Mais ça ne suffit pas de dire que cet homme doit partir. Il faut prévenir cette dérive qui menace la nation”, a-t-il soutenu. Concernant le dossier de la Kabylie, Saïd Sadi accuse Bouteflika et Ouyahia de vouloir “reconstituer une véritable mafia locale”. “La Maison de la culture Mouloud-Mammeri est devenue le siège social de la maffia locale où des enveloppes sont distribuées”, s'est indigné le leader du RCD. Pour sa part, la Coordination pour l'alternative démocratique et sociale (CADS), issue des états généraux des républicains démocrates, a rendu public, jeudi, un communiqué estimant que la prochaine présidentielle “peut constituer un moyen efficace pour déterminer un autre destin pour la nation”. Pour la CADS, il y a lieu “de soutenir le candidat le plus à même de défendre et de promouvoir” sa charte. A. C.