De plus en plus d'Algériens sont accros aux réseaux sociaux et au téléphone mobile. Ils y enregistrent leur vie, interagissent avec les autres et sans la moindre hésitation, ils y partagent toutes les facettes de leur vie. C'est l'expression moderne d'un besoin de communication. Les smartphones ont favorisé l'émergence de nouvelles habitudes de consultation rapides et répétées, à tel point que nous les regardons compulsivement souvent, même sans en avoir conscience. Un utilisateur consulte en moyenne son smartphone toutes les 10 minutes pour une durée inférieure à 30 secondes. Comme avec la cigarette, les réseaux sociaux sont maintenant accessibles directement depuis notre poche. Rares sont ceux qui peuvent se passer de lire et d'envoyer des SMS en permanence, consulter leurs e-mails ou jouer à un jeu vidéo. On les voit de plus en plus souvent dans les transports (bus, métro, tramway) tapoter sur leur smartphones à longueur de trajet comme des robots. Ils sont dans leur bulle, quasi en transe, les yeux exorbités. Ils n'ont plus de vie sociale, donc moins de liens avec les autres, toute la vie se passe devant l'écran. Les jeunes ne communiquent plus que par écrans interposés, ont des amis virtuels et des conversations entières par texto. Quel est le premier geste au réveil ? Face à cette interrogation, beaucoup de jeunes répondent : «Le téléphone», éteindre l'alarme et ensuite se connecter à internet pour consulter leurs mails, regarder l'actualité ou les réseaux sociaux. Il faut cependant se garder de dramatiser. Tout est une question d'usage et de dosage. Selon Catherine Lejealle, sociologue et auteur de J'arrête d'être hyperconnecté (éd. Eyrolles), «il n'y a addiction que lorsqu'il y a une réelle souffrance, observable médicalement. Sauf cas extrêmes, la dépendance que nous développons face aux technologies est parfaitement normale : ces dernières nous simplifient la vie en nous offrant de multiples services et réponses à portée de main. Il faut donc se garder de voir la technologie en noir, mais observer simplement quelques précautions.» Bien que le temps soit un facteur de risque de cyberaddiction, un usage excessif n'est pas forcément une addiction, surtout s'il n'existe pas de souffrances ni de conséquences de cet usage sur les domaines importants de la vie. Outil bénéfique, moyen maléfique ? En cas d'excès, ces troubles ont en commun la perte de contrôle et la négligence des activités quotidiennes, des symptômes de manque comme l'irritabilité et la tension interne, une tolérance avec un besoin accru de temps passé sur internet et des effets sur la vie privée, tel le mensonge à son entourage. Les cas les plus graves mènent à l'isolement social, à l'exclusion scolaire, au chômage, à des troubles graves du sommeil ou à une dépression sévère. Les Algériens s'affichent de plus en plus sur le Net. Ils y consacrent plusieurs heures comme pour rechercher une évasion ou bien rechercher ce qu'ils n'arrivent pas à avoir dans la vraie vie (l'âme sœur par exemple). Il y a aussi le manque de loisirs et de consommation culturelle qui jettent les Algériens dans la Toile. «Le nombre total d'Algériens présents sur Facebook est considérable, car il constitue la 5e population la plus nombreuse parmi les pays arabes après l'Egypte, l'Arabie Saoudite, le Maroc et l'Irak», a indiqué Younès Grar, consultant en TIC. Les médias sociaux : outil bénéfique, moyen maléfique ? Ali Kahlane, président de Satlinker, a tenté d'y répondre lors du 5e symposium sur la cybercriminalité qui a eu lieu en novembre 2016 à Alger. Les utilisateurs de mobile constituent la moitié de la population mondiale, il est vendu 2,5 million de smartphones par jour. 15 nouveaux utilisateurs de médias sociaux s'inscrivent chaque seconde, c'est 1 million par jour. Facebook gagne un demi-million de nouveaux utilisateurs par jour, 6 nouveaux profils par seconde. Le nombre d'utilisateurs des médias sociaux a augmenté de 300 millions depuis 2015. Chatter est l'activité principale des utilisateurs des médias sociaux, vient ensuite la lecture des posts publiés par les autres. Rencontrer des gens est la raison principale à l'usage des médias sociaux qui représente 59% dans le monde arabe, ensuite vient le besoin de s'informer, visionner des vidéos, écouter de la musique et partager des photos. Les aspects positifs sont nombreux : connecter les gens et réduire les distances, le rapprochement des familles, se faire rapidement de nouveaux amis sans aucune limite ni frontière, plateforme instantanée pour s'informer rapidement, partage de tous types de variétés et de divertissements, gratuité dans la communication et remède contre la solitude qui permet l'évasion virtuelle. Les aspects négatifs sont aussi nombreux : internet ne favorise pas l'interaction réelle avec les gens, fragmentation familiale, terrain favorable pour une vie léthargique et inactive, risque d'être exposé à du contenu inapproprié, désinformation, incompatibilité avec la culture berbéro-arabo-musulmane et diffamation. «En 2025, nous passerons plus de temps connectés qu'à dormir», note Ali Kahlane. Selon le cabinet d'analyse Forester, un possesseur de smartphone consulte l'écran de son terminal 150 fois par jour.
Les dangers de la «magie bleue» En Algérie, le nombre d'utilisateurs de smartphones a dépassé les 16 millions d'individus en 2015, selon les chiffres de l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT) qui reprennent le nombre d'abonnements à l'internet via la technologie 3G. Une étude réalisée par Ericsson Lab estime que les smartphones représentaient en 2014 plus de 26% des moyens d'accès à internet en Algérie, sachant que 63% des intentions d'achat de téléphone concernent ce type d'appareil, soit plus de 10 millions d'utilisateurs au tout début du lancement de la 3G mobile. Les dangers de la dépendance aux réseaux sociaux, notamment Facebook, sont qualifiés de «magie bleue». Les spécialistes estiment que cette addiction suscite les mêmes dangers sociaux et psychologiques que les drogues physiques chez leurs consommateurs. Cette dépendance des jeunes Algériens aux réseaux sociaux est un phénomène de société qui se propage à vitesse grand V. Les parents, eux, commencent à s'inquiéter du comportement de leurs enfants et adolescents qui passent plusieurs heures par jour devant leurs écrans. La frontière entre un usage normal, même important, et un usage devenu pathologique n'est pas toujours évidente à cerner. Il y a addiction lorsque l'usage d'internet a un impact sur la scolarité, le travail, ou lorsque la personne s'isole, cesse de s'alimenter normalement et n'arrive plus à dormir suffisamment. Mais l'addiction a parfois d'autres causes, comme la difficulté de certaines personnes à établir des rapports avec les autres. Chez les adolescents, il faut veiller à bien faire la différence entre, d'une part, un fort intérêt passager, qui est l'occasion d'expérimenter de nouvelles modalités relationnelles et relève du développement de l'individu en tant que personne et, d'autre part, l'addiction qui s'accompagne d'un repli sur soi marqué et de l'abandon des autres modes d'échange. Chez les enfants, l'absence de cadre fixé par les parents ou de dialogue familial sur le sujet semble contribuer à l'apparition de ces troubles. Le manque d'opportunités d'activités physiques ou sportives, comme l'absence de réseau amical, peuvent également favoriser la dépendance aux jeux vidéo chez les plus jeunes.