Par Nidam Abdi Ancien journaliste, expert en transition numérique des territoires L'idée m'est venue, en juin 2010, dans les locaux de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC) à Paris. Ce jour, dans l'auditorium de la fédération des syndicats patronaux des filières françaises de l'équipement électrique et numérique, se tenait une des premières rencontres, en France, sur un sujet en devenir : les smart grids ou réseaux intelligents pour la gestion numérique de l'énergie électrique. Avec une agréable surprise, je découvre, dans un tel programme où interviennent des experts qui font la fierté de la France comme référence mondiale dans les industries de l'équipement électrique, que l'introduction et la conclusion de cette journée dédiée aux smart grids, revenaient à deux scientifiques algériens de la diaspora. Deux directeurs de laboratoire devenus des références internationales : pour le premier, en matière de transport de l'électricité et, pour le second, en matière de réseaux de télécommunication du futur. A eux deux, ils se trouvent par le hasard de l'histoire et de leur itinéraire scientifique, au sommet de la recherche française en matière de convergence énergie/numérique. Plus que cela, ils sont dans leur domaine de vrais stars du transfert technologique entre l'université et l'industrie française et mondiale. L'idée de juin 2010 s'est concrétisée le 15 janvier dernier, dans la salle de conférence de la wilaya d'Alger. Ce jour-là, les deux experts étaient avec dix autres collègues franco-algériens, chacun spécialiste dans un domaine qui relève des attributions de la wilaya. Ils étaient 12 scientifiques, entourés par une centaine de responsables et cadres de la première collectivité territoriale d'Algérie, à découvrir les atouts et les handicaps urbains de la région capitale. Fin octobre dernier, pour convaincre le wali d'une telle opération qui sort des habitudes de la relation entre sa collectivité locale et les entreprises étrangères, j'ai suggéré d'inscrire le choix de ces compétences algériennes, dans le concept des 4P défini, en 2000, par l'ex-patron de l'administration de la santé aux Etats-Unis, le docteur algéro-américain Elias Zerhouni : -P : pour personnalisation -P : pour prédictif -P : pour préventif -P : pour participatif Une telle approche par les 4P a été légitimée en France, car au moment où les métropoles du monde entier vivent leur transition numérique, elle commence, pour ou par la gouvernance algorithmique des territoires, à être adoptée par certaines collectivités locales. La consultante Elisabeth Grosdhomme-Lulin, dans son rapport «Gouverner à l'ère du Big Data» édité par l'Institut de l'entreprise qui réunit des personnalités françaises de l'économie et l'entreprenariat, a suggéré l'adoption, par les collectivités urbaines et à l'heure de leur mutation algorithmique, du concept des 4P du docteur Elias Zerhouni. Ainsi, inscrire ma démarche pour constituer cette délégation d'experts de la diaspora pour la wilaya d'Alger, dans la pensée pertinente d'un éminent scientifique algérien, revient à donner à cette opération, non pas une simple image d'opportunité de «business» avec le pays natal, mais bien dans une vision d'avenir pour les 57 communes du Grand Alger. Elle dépasse même la simple obéissance au Plan d'aménagement urbain (PDAU) de notre capitale, élaboré pour 4 millions d'euros par le bureau d'études portugais, Parque Expo SA, qui a disparu depuis le 30 décembre dernier, pour cause de dette à hauteur de 200 millions d'euros. Un bureau d'études en forme d'établissement public qui a accompagné depuis les années 90, la construction puis l'exploitation du Parc des nations à Lisbonne, pour l'exposition universelle de 1998. Les 12 scientifiques algériens de la diaspora constituant la délégation qui a été reçue mi-janvier par la wilaya d'Alger, conviennent que la capitale d'un pays doit avoir un plan d'aménagement urbain pour gérer avec efficience et dans les règles de l'art un territoire. Mais le PDAU ne peut s'imposer d'une manière rigide et administrative à des experts qui, par expérience, ont réglé les problématiques de bien de métropoles à travers le monde dans les secteurs du bâtiment à énergie positive, la cyber-sécurité, les réseaux intelligents de l'électrique, les télécoms, l'environnement et les déchets, les transports du futur, les eaux, le génie civil et la santé. D'autant qu'un trouble persiste au regard de l'évolution du quartier moderne Parc des nations à Lisbonne depuis la disparition de la société publique qui l'a construit et géré. Il n'y a pas une semaine où la presse portugaise n'alerte pas sur tel ou tel problème de contamination des sols, mauvais entretien des airs de loisirs et des jardins du quartier, construction de bâtiments sans respect des règles anti-sismiques. Il est de notre rôle de rester éveillé par rapport aux bonnes et mauvaises pratiques en matière d'aménagement urbain. La ville portuaire de Bilabao mérite toute notre attention Car le pari basque dans la culture, sous l'impulsion de son visionnaire IbonAreso, architecte, directeur de l'urbanisme puis maire, semble être devenu un exemple international. Une ville de l'industrie sidérurgique, en crise économique et sociale aiguë à la fin des années 80 qui met sur la table 132 millions d'euros, pour construire un musée international qui va permettre à sa population de quitter le monde finissant des usines pour intégrer celui des services, notamment du tourisme culturel et du numérique. Alger ne doit-elle pas être à l'écoute d'IbonAreso, lorsqu'il raconte dans les conférences internationales : «En 1997, on ne croyait pas atteindre les 400 000 visiteurs au musée Guggenheim, le chiffre pour amortir sa construction. Eh bien, c'est plus d'un million de visiteurs qui sont venus à Bilbao pour sa première année d'existence…». La wilaya d'Alger, ce sont 57 communes qui méritent chacune notre attention. Ce sont peut-être 57 communes qui se cherchent encore une identité propre et dont la population, surtout la jeunesse, aspire à des territoires urbains qui, à la fois, valorisent le patrimoine et offrent un bien-être digne, en phase avec les métropoles méditerranéennes. Il est certain que le port d'Alger et le projet de le transformer en marina géante, fait saliver tous les enfants de la diaspora algérienne, architectes comme ingénieurs. Mais si la Casbah, Bab El Oued, Alger-centre comme El Hamma parlent à notre imaginaire d'exilé, il ne faut pas ignorer que Draria, Baraki, Birtouta comme Douira et bien d'autres communes du Sud méritent, peut-être, plus d'attention et d'expertise urbaine en termes d'infrastructures. Ce sont ces communes qui enserrent Alger, entre ruralité et urbanité, pour lesquelles il faut déjà imaginer une stratégie à long terme ; une stratégie de décongestion de la ville et d'ouverture vers l'arrière-pays, gage de bonne gouvernance durable. Les experts algériens peuvent être d'un grand apport A ce sujet, les Algériens, à travers le monde, peuvent être des alertes en conseils dans leur domaine pour aider et accompagner les choix des autorités locales algériennes. La délégation qui a séjourné mi-janvier à Alger était composée d'experts dans des domaines où la capitale a de réels soucis de développement durable. On peut même citer des points dans lesquels ces experts ont à cœur d'apporter leur contribution : La cyber sécurité pour permettre à l'administration et aux citoyens d'Alger de se prémunir des abus digitaux. La télécommunication mobile afin de supprimer les câbles qui encombrent les bâtiments de la capitale. Les smart grids pour faire rentrer la wilaya dans l'offre intelligente de l'électricité. Le big data pour configurer l'historique de la distribution d'eaux et des installations. Le génie civil à l'heure de la maquette numérique pour une optimisation des infrastructures du BTP. Le transport et son avenir dans une ville de plus en plus numérisée. Enfin, la santé et sa modernisation grâce à des outils digitaux prédictifs. Il est du devoir des autorités d'accepter la singularité et la spécificité de chacun des spécialistes qui ambitionnent d'apporter des solutions à la bonne gestion de la collectivité locale. Laissons-le s'organiser pour donner le meilleur de lui-même en ne lui imposant pas des cadres de «business» qui risque de l'éloigner de son objectif initial. Apporter des solutions par l'innovation aux territoires du pays d'origine, à l'exemple des deux actualités marquantes qui ont eu lieu ces dernières semaines, avec l'accord de coopération dans le domaine des bâtiments à énergie positive, entre l'université de Constantine et celle de Regensburg en Allemagne et l'accord franco-algérien d'aide à la création de l'institut national de plasturgie à Blida, initié par le Club des entrepreneurs et industriels de la Mitidja (CEIMI). C'est mon souhait encore trois mois après avoir concrétisé le projet auprès de la wilaya d'Alger que les experts de la délégation, travaillent dans l'esprit des deux projets de Constantine et Blida, pour offrir d'une manière efficace, leurs connaissances à la capitale de leur pays.