La gauche et la droite de gouvernement en sont désormais réduites à être les spectateurs du second tour de la présidentielle avec une douloureuse recomposition à venir. L'enseignement le plus attendu de l'élection de dimanche est l'éviction des partis de gouvernement de droite, comme de gauche. Les deux tendances lourdes de la politique française se disputaient le pouvoir depuis 1974. C'est la première fois que ni l'une ni l'autre ne seront en mesure de gouverner le pays. Lassés d'une alternance sans fondement utile pour eux, les électeurs ont décidé de passer une barrière qui mène vers l'inconnu. Englué dans les affaires depuis le mois de janvier, François Fillon (19,6%), qui avait un programme très dur pour les catégories laborieuses, est éliminé comme prévu, malgré ses gesticulations de campagne. Au sein de son parti Les Républicains (LR), les manœuvres ont commencé dès hier pour l'écarter de la direction du mouvement, en vue des élections législatives des 11 et 18 juin prochain. Cette défaite historique pour la droite républicaine française est en effet en grande partie due à l'obstination de François Fillon de concourir malgré les affaires de détournements de biens, d'escroquerie et des emplois fictifs de son épouse et de deux de ses enfants. La faute morale de se présenter malgré sa mise en examen coûtera cher à la droite qui avait tenté de l'en dissuader. Ces prochains jours, les couteaux vont s'affûter pour la prochaine étape, maintenant qu'une bonne partie du camp de la droite a pris acte, rapidement, de sa défaite et que ses ténors, dont Fillon, ont appelé à voter pour Emmanuel Macron afin de battre la réactionnaire Marine Le Pen le 7 mai prochain. Une recomposition socialiste à gauche de la gauche ? A gauche, la déculottée de Benoît Hamon (6,3%) présage la réorganisation complète du Parti socialiste. Le candidat socialiste, désigné par une primaire et rejoint par les écologistes, n'aura pas réussi, malgré une belle pugnacité, à remonter le courant du fleuve, d'autant qu'au début de sa campagne, il a hésité à faire front commun avec la gauche radicale représentée par Jean-Luc Mélenchon et son mouvement La France insoumise (19,2% des suffrages). Il n'avait pas franchi cette ligne rouge de la transgression pour tenter de sauvegarder ce qui ne l'était plus : l'unité du Parti socialiste. Mauvais calcul, puisqu'il avait été lâché au milieu du gué par l'aile droite de son parti, notamment par l'ancien Premier ministre, Manuel Valls, et tous ceux qui avaient rejoint Emmanuel Macron comme on quitte le Titanic. La débandade socialiste était dès lors actée. Le parti, qui avait été organisé en tendances en 1971 par François Mitterrand, prend désormais l'eau de toutes parts. L'irrésistible campagne très à gauche de Mélenchon ne lui a pas permis d'affirmer sa différence et son originalité aux électeurs, mais elle permettra aux déçus d'un PS jugé trop à droite de trouver un refuge à aménager, si ce n'est au moins une porte de sortie. Alors que le très consensuel Bernard Cazeneuve (Premier ministre qui est intervenu très vite dimanche soir sur les écrans, avant Hamon !)semblait hier sur la lancée pour prendre les rênes de ce qui reste du PS pour les législatives ; il est fort à parier que les derniers militants de la tendance la plus à gauche vont quitter le navire. Une recomposition à gauche de la gauche va donc s'opérer dans les mois qui viennent. Les législatives de juin en seront un premier marqueur. Par contre, pour ce qui est des centristes du parti, ils devraient reconstituer une mouvance dont on ne sait pas encore si elle s'intitulera socialiste. Cela afin de s'agréger pour tenter de créer une majorité autour du futur probable président Emmanuel Macron. A remarquer du reste que Macron occupe une place nouvelle sur l'échiquier politique : le centre gauche qui va jusqu'au centre droit. Dans les années 1970 et 1980, certains en ont rêvé (Giscard, Barre, Lecanuet, Chaban-Delmas… puis plus tard Borloo et Bayrou), lui, il l'a fait ! Ainsi donc, dès aujourd'hui, les partis de la droite et de la gauche classique, exclus du poste de la magistrature suprême, devront commencer une reconstruction qui risque fort de ne pas être simple. Les législatives de juin seront le véritable baromètre pour connaître l'état de recomposition des forces politiques clairement défaites lors de ce scrutin pour l'Elysée. Avec une question essentielle : quel sera le poids du Front national (extrême droite) dans la prochaine législature. Les surprises sont encore à attendre…