Le spectre électoral français gagne en visibilité avant le scrutin présidentiel d'avril et mai prochains et les élections législatives de juin. Avec la victoire de Benoît Hamon à la primaire de gauche, les cartes sont rebattues et nul ne peut dire aujourd'hui quel sera le trio gagnant des échéances politiques du printemps, comme nous l'écrivions déjà dans ces colonnes au lendemain de la primaire de la droite en novembre. En tout cas, la gauche peut désormais se permettre de jouer une carte, alors que François Fillon, le candidat de la droite, est embourbé dans des méandres judiciaires (lire par ailleurs). Lui qui avait fait campagne sur la probité, face à un Nicolas Sarkozy mis en cause dans plusieurs affaires, a été rattrapé par la justice. Jusque-là, les médias imaginaient un jeu sclérosé. Ils projetaient déjà une lutte fermée entre variantes du néolibéralisme avec des candidats libéraux qui ne changeraient rien au fond des choses, alors que la crise économique et du travail (perturbé par la numérisation, la robotisation et les délocalisations) impose des choix novateurs, autant que les impératifs écologiques et énergétiques. Du côté libéral, Emmanuel Macron est estampillé «ni gauche ni droite». Transfuge de la mandature de François Hollande, ancrée à droite par les bons soins du candidat, il est sorti de nulle part pour lancer un mouvement nommé «En marche», qui prend plus à droite qu'à gauche, tout en étant suivi par nombre de socialistes éloignés des aspirations de la gauche. De l'autre côté, François Fillon, candidat de la droite pure, dure et réactionnaire sous bien des aspects, qui propose dans son discours quelques dizaines d'euros de gain par an aux familles ou aux retraités, alors que les difficultés sociales «déplument» aujourd'hui plus de 4 millions de personnes. Face à cette situation socio-économique difficile, tenus à distance par un rideau sanitaire politico-médiatique, deux candidats qui, aux abords du ring électoral, font peur à l'ordre établi, car ils mettent des mots sur la souffrance. Les deux candidats sont qualifiés, à égalité (?), de populisme : Marine Le Pen pour le Front national et Jean-Luc Mélenchon, soutenu par le Parti communiste, mais qui se présente sans étiquette, sous l'appellation «La France insoumise». Comme si on pouvait mettre en parallèle le fascisme déguisé en nationalisme de Le Pen et la tendance très à gauche, mais progressiste de Mélenchon. A gauche justement, dans les rangs socialistes décimés par le passage en force du social libéralisme du duo gouvernemental Valls-Macron, c'était le no man's land jusqu'à dimanche soir. Le dernier débat, de mercredi dernier, puis la sanction des urnes ont tranché. L'ancien Premier ministre, Manuel Valls, qui aurait été le troisième profil néolibéral, entre Macron et Fillon, a perdu. Avec cette défaite, c'est la gauche sociale, progressiste et écologiste qui se remet à espérer. Le premier sondage donne d'ailleurs au vainqueur, Benoît Hamon, 15% des intentions de vote. De nouveau donc, le programme de gauche revient dans la course. C'est un marqueur important, car n'écoutant pas ce qui lui remontait de la gauche, le président François Hollande, avec son Premier ministre, Manuel Valls, s'était entêté. Il a appliqué un programme penchant à droite, alors qu'il avait été élu sur un programme clairement à gauche. Ce qui lui a valu d'ailleurs de renoncer à se représenter tant il était devenu impopulaire.