Il est difficile d'analyser objectivement les résultats des élections législatives du 4 mai, tant la confiance entre le citoyen et le pouvoir a été rompue suite au lourd passif de la fraude électorale massive. Le Fln et le Rnd, suivis des partis proches du pouvoir peuvent pavoiser et renvoyer cyniquement au verdict des urnes l'opposition impliquée dans ce scrutin qui s'est contentée de miettes ou celle ayant opté pour le boycott. Mais ils ne peuvent rester insensibles aux accusations de tripatouillage des résultats qui a entaché ce scrutin. La sociologie électorale algérienne est aussi imprévisible et insaisissable que le fond de l'urne, quand on sait que le seul déterminisme qui compte en termes de chance et d'ambition électorales, c'est la proximité du pouvoir. L'expérience des scrutins successifs de ces dernières années l'a bien montré. On a vu, en effet, comment des partis se réclamant de l'opposition ayant tenté un rapprochement tactique, de conviction ou opportuniste ont réussi à engranger une belle moisson lors des les élections locales et au Parlement. Ceci, avant de sombrer corps et âme dans l'abîme dès l'instant où ces formations se démarquèrent du pouvoir et (ré)enfilèrent leur habit d'opposant. Sinon, comment peut-on expliquer qu'une formation politique restée fidèle à son programme, qui n'a pas connu de changement dans le sens de rupture de sa ligne doctrinale à la tête de sa direction politique alterne ainsi avec une telle légèreté les performances et les contre-performances électorales ? La sanction populaire ne saurait justifier à elle seule ce jeu de yo-yo qui pénalise curieusement des cibles bien choisies. Partant donc de ce constat, les résultats de ces législatives peuvent-ils refléter objectivement l'ancrage et le poids réel des formations politiques en lice ? L'arrogance et la provocation dont avaient fait montre les deux partis du pouvoir, le Fln et le Rnd, qui clamaient sur tous les toits avant les élections qu'ils seront encore au pouvoir pendant un siècle, ont conforté les doutes de ceux qui pensaient que le scrutin était scellé à l'avance. Cette stratégie de la surenchère s'est avérée électoralement payante pour ces partis qui ont fait consciemment ou non le lit de l'abstentionnisme. Par leur discours conquérant avant l'heure et les conditions politiques peu propices à une saine compétition dans lesquelles a été préparé et s'est déroulé ce scrutin. Le libre jeu électoral a été faussé et verrouillé au départ. Alors que ces partis ont fait le plein de voix en mobilisant leurs militants, en revanche, les voix des abstentionnistes et des bulletins nuls et blancs qui ont atteint des seuils préoccupants jamais égalés ont cruellement fait défaut à leurs adversaires. Le taux élevé de l'abstention a facilité les choses à l'administration qui n'a pas eu à recourir, comme par le passé, à une fraude massive pour asseoir les équilibres qui assurent la continuité du système. Le silence observé par le président de la République et par le gouvernement face à cette colère qui s'est puissamment exprimée à travers l'abstention record est le signe patent que ces résultats répondent aux attentes du pouvoir. Mais celui-ci peut-il rester sourd au message d'alerte des Algériens qui ont majoritairement boudé les urnes jeudi sans courir le risque d'un désordre politique et social dont personne ne pourra prédire l'issue ?