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«L'ouverture des frontières devrait être de mise» Abdelbasset Azzaoui. Expert en modélisation et économétrie à propos de la construction d'une base logistique à Tamanrasset
Lors d'une sortie officielle menée récemment dans l'algérois, Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, a encore une fois mis l'accent sur le caractère prioritaire de la plate-forme d'échanges entre l'Algérie et l'Afrique devant être concrétisée via l'érection d'un port sec d'envergure à Tamanrasset. A l'heure ou cette wilaya du Grand-Sud concentre toutes les formes imaginables d'inégalités régionales en termes de développement local et de bien-être du citoyen avec en plus la grande problématique de la gestion des flux migratoires subsahariens ou des dizaines de personnes sont livrées à elles-mêmes sur les bords de la transsaharienne, les populations locales restent dans l'expectative. Ainsi, à la veille de la nomination d'un nouveau gouvernement et au moment ou le nouveau modèle de croissance économique du pays semble s'intéresser à la piste africaine via cette ville ancrée dans l'Ahaggar qui tarde à opérer sa mue, s'adresser à une population qui attend son heure depuis des lustres, en termes de développement des échanges économiques avec les pays voisins, ouvre plus qu'une piste de réflexion voire une autoroute d'interrogations. Des échanges ancestraux ? Basé sur le troc, l'acheminement actuel des marchandises en provenance de l'Afrique subsaharienne ne profite point à notre pays nous dit Abdelbasset Azzaoui, enseignant au centre universitaire de Tamanrasset, également expert en modélisation et économétrie, qui explique la praticabilité de cette nouvelle stratégie compte tenu des potentialités existantes et qui dit en substance qu'il y a absence de volonté politique et d'engagement des autorités. Quelle crédibilité donner aux déclarations de Abdelmalek Sellal dés lors? La création d'une base logistique à Tamanrasset semble être une alternative stratégique pour sortir de la crise qui plombe l'économie du pays. Qu'en pensez-vous ? L'idée n'est pas nouvelle. On a toujours plaidé pour l'érection de cette plate-forme qui consiste en l'organisation du trafic en étoile autour d'un nœud géographique permettant d'optimiser les liaisons vers le marché africain. Le hub d'échanges économiques donne à l'Algérie en général et à Tamanrasset en particulier, le moyen de construire un réseau plus efficace, tout en réalisant, grâce à la concentration des moyens matériels et humains, des économies d'échelles par rapport aux coûts de production et de coûts de revient des produits destinés à l'exportation. En effet, c'est une alternative stratégique qui illustre l'insertion de l'Algérie dans l'espace africain et la mondialisation via la constitution d'une porte d'entrée internationale vers l'Europe. Laissez-moi vous rappeler que l'acheminement actuel des marchandises en provenance de l'Afrique subsaharienne ne profite point à notre pays. L'itinéraire passe par l'Afrique du Sud, la Zambie, la République Démocratique du Congo, le Nigeria, le Bénin, le Burkina-Faso, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie et le Maroc pour atteindre le vieux continent en marquant une petite escale dans l'ouest algérien. L'une des raisons qui fait de la Belgique, premier importateur des produits africains, le premier exportateur des mêmes produits grâce à ses jeux stratégiques. La construction d'une base logistique à Tamanrasset conduit inévitablement au changement du couloir d'approvisionnement et permet ainsi à l'Algérie de s'ouvrir à des logiques concurrentielles en se positionnant au cœur du marché africain qui devra concentrer de nombreuses lignes internationales dans cette wilaya du Grand sud, laquelle assurera la principale jonction avec l'Europe. Ce nœud de communications générera sans nul doute le développement d'un bassin d'activités permettant de booster l'économie locale et nationale. Pour ce faire, il est impératif d'adapter la juridiction d'usage aux exigences de cette stratégie et procéder au développement d'un maillage routier sécurisé et des hangars de stockage. Il faut savoir que cette plate-forme multimodale doit réunir toutes les infrastructures nécessaires pour assurer dans les meilleures conditions possibles, le regroupement et la redistribution du trafic de marchandises ou du fret. L'ouverture des frontières, fermées depuis juin 2013, est donc impérative dans ce cas là… Oui, elle devrait être de mise. Comme première étape, l'Etat algérien doit rouvrir ses frontières sud pour mener à bien cette stratégie qui vise essentiellement les marchés organisés et prendra toutes les mesures adéquates pour le développement d'une approche liée au marketing territorial afin d'améliorer l'attractivité des marchés locaux et la compétitivité des produits destinés à l'exportation. Les efforts doivent être recentrés sur l'adaptation des secteurs d'activités clés, dont le commerce, le transport, l'agriculture et l'industrie, aux nouvelles réformes basées sur le secteur stratégique dans la wilaya de Tamanrasset, qu'est le tourisme eu égard aux potentialités existantes et les ressources laissant croire à un dynamisme économique axé sur les territoires consolidant le choix du pouvoir en place. Du Tademaït au Tidikelt en passant par l'Ahaggar, Tamanrasset occupe une place géostratégique permettant à l'Algérie de s'orienter vers l'export à l'effet d'assurer l'équilibre de la sa balance commerciale et du coup son indépendance aux hydrocarbures. Du stade du consommateur, Tamanrasset, qui importait plus de 10 millions de dinars de bétails et près de 240 millions DA d'autres produits, selon les statistiques obtenues par la direction locale du commerce en avril 2016, se veut par conséquent un véritable palliatif aux problèmes socioéconomiques qui minent le Sud algérien. Quelles recommandations faites-vous pour faire aboutir cette stratégie ? Il est temps de divorcer d'avec la rente pétrolière et se focaliser sur les créneaux générateurs de richesses et d'emploi, tel que l'exploitation aurifère, le tourisme, l'agriculture et l'investissement. Il faut noter qu'en matière d'agriculture, la wilaya de Tamanrasset qui s'étend sur une superficie de 557906.5 km² dispose de 8 barrages d'eau, 6 stations d'épuration d'eau et 368 puits, dont seulement 135 sont exploités. Sur les 246154 hectares de terres labourables, 187000 h sont exploitées et 48600 h laissées pour pacage. Le bilan dressé par la direction des services agricoles dénombre 383000 têtes de cheptels vifs, dont 307000 têtes ovines. C'est dire que les potentialités existent, il suffit juste de les mettre en valeur. La wilaya renferme les plus importantes zones aurifères du pays, mais qui reste sous exploitées eu égard à l'état des gisements livrés à la contrebande et l'orpaillage illicite. La seule entreprise qui exploite l'or dans les régions de l'extrême sud, le fait avec des techniques coûteuses et des procédés de forage dispendieux. Le pouvoir doit favoriser les petits investissements dans ce domaine et autoriser les orpailleurs qui disposent d'un savoir faire et de maîtrise de techniques d'exploitation. La régulation de cette activité est plus que jamais impérative. Les lois régissant ce secteur doivent être également révisées de telle sorte qu'elles favorisent l'ouverture aux investisseurs étrangers qui ne céderont leur production qu'à l'Etat afin de lui permettre de se placer en position monopolistique en matière de la vente du métal jaune. Qu'en est-il du tourisme ? Le tourisme nécessite un plan stratégique fondé sur des politiques correctes et des modèles de prospection efficaces, en coordination avec des établissements d'enseignement supérieurs et des laboratoires de recherche scientifique. Il faut rompre avec l'anarchie et la proposition aléatoires des prix des prestations touristiques, lesquelles doivent désormais obéir aux règles de la prospective et aux méthodes scientifiques devant prendre en considération l'esprit concurrentiel des opérateurs. Il est temps de penser à la création des cellules de veille stratégique aux niveaux de toutes les structures d'accueil. Celles-ci doivent être chapeautées par une instance installée à la direction locale du tourisme et d'artisanat. L'objectif premier est de remettre ce secteur névralgique sur les rails à travers la mise en place d'un système de gestion animé par l'intelligence économique. Il faut penser aussi au développement de l'artisanat, la création des espaces touristiques diversifiés et l'introduction du tourisme saharien dans la nomenclature des spécialités enseignées au centre universitaire de la wilaya de Tamanrasset. La création de petites entreprises chargées de la médiation et la promotion du produit touristique est également souhaitée. Tamanrasset qui s'apprête à devenir un pôle industriel par excellence, peine toujours à se faire des ails pour décoller. D'après vous, où est le problème ? Certes, Tamanrasset dispose de beaucoup d'atouts favorisant son essor économique. Mais beaucoup reste à faire. Il manque surtout la volonté politique et l'engagement des autorités à encourager l'investissement et l'ouverture des annexes financières gérées par des lois islamiques, exemptées de toutes formes d'usure. A cela s'ajoute la nécessité de revoir le cadre juridique régissant ce créneau d'activité en l'adaptant aux spécificités de cette région saharienne. Actuellement, je travaille sur le développement d'une cellule de veille économique pour parvenir à fédérer les jeunes intellectuels animés par l'ambition de réaliser des études de prospection en coordination avec l'ex-secrétaire d'Etat chargé de la prospective et les statistiques, Bachir Messaitfa. Nous sommes sur un projet d'étude portant création d'une ville industrielle truffée d'incubateurs des affaires et d'entreprises spécialisées dans le développement des petites et moyennes entreprises ainsi que des petites et moyennes industries. Il est donc recommandé de créer des centres prospectifs chargés des affaires territoriales et un conseil consultatif composé de membres actifs et d'élite de la société civile. Nous avons également préconisé l'ouverture de la spécialité de modélisation et d'économétrie au centre universitaire de Tamanrasset pour parvenir à réaliser des études de qualité à même de promouvoir l'investissement et l'entreprenariat dans la wilaya. Les opérateurs seront donc réorientés vers des créneaux porteurs non pour créer des valeurs ajoutées mais pour plus de créativité industrielle et des valeurs innovantes dont a besoin le Sud, notamment pour la concrétisation des projets liés aux énergies renouvelables et le développement des énergies propres via la généralisation du dispositif du bio digesteur.