Jeudi dernier, deux tronçons sur des axes menant, le premier au siège de la wilaya, et l'autre, à celui de la daïra, ont été fermés à la circulation automobile. Ces deux institutions étaient assaillies par une foule de contestataires de la liste des 625 bénéficiaires de logements sociaux, liste affichée durant la nuit sur neuf sites au niveau du chef-lieu de wilaya. Aucune pareille manifestation de colère, au regard de la chronique locale, n'a mobilisé autant de protestataires depuis des mois, au point qu'un rare niveau de déploiement des forces anti-émeute a été observé. Le wali, alarmé par les risques qui s'annonçaient au vu de la rumeur qui a enflé la nuit, a requis tôt le matin la radio locale pour appeler la population à la retenue. Son message a été diffusé à maintes reprises. Si les uns ont été convaincus par ses explications et se sont en conséquence rendus en masse à la daïra pour faire valoir leur droit au recours, d'autres ont piqué droit vers le siège de la wilaya afin d'observer un sit-in. Hier, bien que jour férié, des manifestants plus nombreux que la veille assiégeaient le portail de la wilaya. Les listes affichées sont contestées. A cet égard, sur les sites d'affichage des listes, des dizaines de passants s'y agglutinaient durant toute la journée, passant en revue les photos des bénéficiaires. Qu'est-ce qui a provoqué cet accès de colère ? C'est d'abord une addition de maladresses de la part des autorités, un retard de plusieurs mois dans la livraison d'un quota de 827 logements sociaux sur la raison duquel aucune information n'a été fournie à la population et enfin la rumeur qui s'est greffée dessus. En effet, la distribution du programme d'habitat était attendue depuis sept mois, depuis exactement des manifestations ayant dénoncé le grave impair de la daïra ayant décidé de satisfaire de façon exceptionnelle une vingtaine de demandeurs sur une liste comportant 8000 dossiers. Le wali a reconnu l'énormité de la faute commise d'autant que, parmi la vingtaine de dossiers étudiés, certains étaient parmi les derniers déposés alors que des familles attendent depuis 1992, certaines vivant dans des épaves de véhicules. Il avait indiqué l'existence de 4900 dossiers datant de 1992 à 2010. Sur ce nombre, 2106 ont été épluchés et 190 d'entre eux ont été acceptés, 747 devaient être complétés par leurs déposants ou nécessitaient une enquête. Enfin, 1172 ont été rejetés. Le chef de l'exécutif avait pris l'engagement que l'étude des dossiers se limitera à ceux déposés jusqu'en 2011 : «Rien pour ce qui concerne au-delà de cette année hormis pour quelques cas exceptionnels par leur urgente gravité». Il s'est trouvé que juste après, le chef de daïra tombe gravement malade, ce qui retarde le travail de la commission qu'il préside. Durant son congé, sa collègue de Aïn Kihal est appelée à le remplacer, cette dame étant créditée pour avoir réussi des distributions de logements sociaux sans la moindre anicroche. Et alors que le travail a été effectué, les crédits de paiement ont fait défaut pour payer les travaux réalisés par les entreprises. La CNL n'avait pas délivré sa quote-part, ce qui a laissé en souffrance les travaux de viabilisation telle la liaison aux divers réseaux (assainissement, eau, électricité, etc.) Les logements étaient prêts mais inhabitables. Aujourd'hui, les contraintes financières étant levées, on passe à l'affichage des listes. Les autorités savent qu'elles sont attendues au tournant. Le wali, par souci de prudence, ne libère que 625 logements sur les 857 de façon à pouvoir se donner une issue afin de satisfaire les recours. Jeudi, le courroux populaire est effectivement là. Mais pour d'aucuns, le mécontentement est à lier à des raisons plus profondes, en particulier avec une réalité que traduit un curieux taux d'occupation par logement à travers la wilaya, selon ce qui a été révélé récemment, soit trois habitants par logis. Il signifierait que la crise du logement serait une vue de l'esprit à Témouchent, ce qui est une aberration, mais plus sûrement la traduction d'un trafic ayant profité à la spéculation immobilière au détriment de la destination première des programmes étatiques.