Chaque année, à l'approche du mois sacré, de nombreuses familles nécessiteuses attendent avec impatience de recevoir le couffin du Ramadhan. Malheureusement, ce qu'ils espèrent recevoir est très loin de ce qu'elles obtiennent réellement. Entre espérance et illusion, El Watan week-end vous livre les secrets du couffin. 25 kg de semoule, 4 paquets de café, 4 paquets de vermicelle, 1 kg de tomate concentrée, 2 paquets de lait en poudre, 5 kg de sucre, 1 kg de pois-chiches et 5 litres d'huile végétale. C'est avec ça que les bénéficiaires du couffin du Ramadhan doivent passer le mois sacré ! Coût global des courses : 5 000 DA. Farida, femme au foyer et mère de six enfants, bénéficie depuis quelques années du couffin du Ramadhan, remis par l'APC de Bouira. Cette année, comme d'habitude, elle a déposé tout un dossier et une demande manuscrite pour profiter de l'offre «Koffat Ramadhan». Effectivement, cette mère de famille a reçu le couffin quinze jours avant le début du mois sacré. Cependant, l'aide qu'elle espérait avoir n'a pas été au rendez-vous. Elle déplore : «Le couffin n'a jamais couvert les besoins de la famille, mais il soulageait un peu le lourd budget du mois de Ramadhan surtout quand on a une famille nombreuse à la charge. Malheureusement, ça n'a pas été le cas cette année.» En effet, selon elle, non seulement la quantité des dons a diminué et plusieurs aliments qui faisaient partie du couffin ne le sont pas aujourd'hui, mais aussi, la qualité des produits est mauvaise. «Cette composition d'aliments n'est pas du tout équilibrée et ne sert pas vraiment à grand-chose. On ne peut même pas en préparer un plat pour la famille ! Par ailleurs, mis à part le sucre et l'huile, les produits ne sont pas de bonne qualité. Le lait en poudre et le café sont imbuvables !» Aujourd'hui, il ne reste pratiquement plus rien à Farida des produits de Koffat Ramadhan. Ce cas n'est évidemment pas isolé. Chaque année, à la veille du mois sacré, des milliers de familles algériennes se soucient des lourdes dépenses qui les attendent et fondent leur espoir dans le programme «Koffat Ramadhan» qui ne répond pas toujours à leur attente. Mohamed, père de famille handicapé a, lui aussi, reçu le couffin des denrées alimentaires. Seulement, ça ne lui a pas été d'une grande aide. «Les dons qu'on nous a remis ne couvrent même pas les besoins de la première semaine. Ils parlent de 5 000 DA de courses alors que le couffin ne dépasse parfois pas 3 ou 4 000 DA», se plaint-il. Et d'ajouter : «J'ai juré de ne plus demander cette offre. Ils se foutent de notre gueule ! Les pouvoirs publics sont en train de nous humilier avec ce programme qui est censé alléger les dépenses des familles démunies. Pour certains, cette opération n'est qu'une façon de détourner l'argent du peuple. C'est scandaleux !» Même constat à Mascara. En effet, touchés par l'austérité budgétaire, les paniers alimentaires distribués en ce mois de Ramadhan aux familles nécessiteuses dans les communes de la wilaya de Mascara font parler d'eux. Par rapport à l'année précédente, de nombreux bénéficiaires de sacs alimentaires se sont sentis frustrés, en constatant l'absence de certains produits essentiels et une diminution de la quantité d'autres articles. «Cette année, la valeur numéraire du couffin du Ramadhan est inférieure au montant de 5 000 dinars déclaré. Elle varie entre 3 et 3 500 dinars», souligne un secrétaire général d'une commune qui a souhaité garder l'anonymat. En plus, plusieurs autres familles démunies ont été privées de ces colis d'aliments de base. Poussées par le besoin, des femmes en compagnie de leurs enfants et autres hommes âgés prennent place, depuis le début du mois sacré, devant les sièges des APC pour réclamer leur part du pack alimentaire, en vain. «Le nombre de couffins alimentaires a été réduit cette année. Les enveloppes financières dégagées par les APC dans le cadre de l'opération de solidarité durant le mois sacré étaient insuffisantes pour satisfaire la totalité des familles nécessiteuses», a tenu à révéler notre interlocuteur. Et de poursuivre : «Les responsables de certaines APC, afin de satisfaire le maximum de familles avec une maigre cagnotte, ont purement et simplement supprimé certains produits alimentaires des couffins.» Selon le communiqué du cabinet du wali, un budget de 25,9 milliards de centimes a été dégagé pour satisfaire 71 655 familles nécessiteuses recensées dans la wilaya de Mascara. Pourtant, des sommes très importantes sont dégagées pour ce programme. En effet, une enveloppe de 780 millions de dinars, dégagée par le gouvernement et le ministère de la Solidarité , a été consacrée aux couffins du Ramadhan.
Aussi, plusieurs organisations, associations caritatives et entreprises ont adopté le même principe. 1 600 couffins destinés aux familles démunies des 578 communes de la capitale qui compte quelque 85 000 familles en difficulté. Pour cette opération, une enveloppe de 500 millions de centimes a été débloquée par le Comité de solidarité relevant de la wilaya d'Alger. Pour sa part, le groupe Sonatrach distribue depuis une semaine quelque 42 300 couffins à travers le pays. A travers le programme «Forum solidaire», le FCE, en collaboration avec l'association Sidra, a distribué pas moins de 20 000 colis alimentaires à travers le territoire national. Une question dès lors se pose. Ces budgets astronomiques alloués pour les couffins reflètent-ils le contenu de ces derniers ? «Non», répond Fatima, 43 ans. «Chaque année, on nous bassine avec ces gros budgets consacrés aux couffins mais finalement, ce qui est donné est réellement médiocre». «Qui pourrait tenir tout le mois sacré avec 2 litres d'huile et 4 paquets de café ? Chaque année, en regardant à l'intérieur, j'ai l'impression qu'on me fait une mauvaise blague», confie-t-elle. Outre le misérable contenu du panier, un autre détail interpelle : des personnes en situation aisée en bénéficient. C'est le cas de Mourad, propriétaire d'une supérette. «Je suis mon propre patron. J'ai ma propre supérette et j'emploie du personnel. Ma situation financière est plus que correcte, n'empêche, un responsable au sein de l'APC m'a ouvertement demandé de m'inscrire sur la liste des bénéficiaires de Kofat Ramadhan, alors qu'il sait que je suis propriétaire d'un commerce. Finalement, ces couffins sont refilés à leur ‘'maarifa''». Cela n'est pas le propre des APC seulement, c'est aussi le cas pour les associations caritatives. En effet, pour distribuer les couffins, l'association est censée se conformer aux listes des familles nécessiteuses recensées par les pouvoirs publics. Mais ce n'est pas toujours le cas. Une bonne partie des dons collectés par les bénévoles se volatilise. «Plusieurs adhérents de l'association s'emparent de produits collectés ou encore interviennent sur les listes des bénéficiaires et privilégient leurs connaissances, qu'elles soient en difficulté ou pas», avoue un bénévole d'une association opérant dans plusieurs régions du pays.