La double initiative, Houna Qassentina, initiée par l'association Numidi-Arts et les éditions du Champ libre, s'est complétée dans la soirée du mardi par le lancement du Forum constantinois. Le premier numéro de ce nouveau-né culturel a été consacré au Cheikh Abdelhamid Ben Badis et confié à un universitaire «badissien», le Pr Abdallah Boukhalkhal. «Parcours de Abdelhamid Ben Badis : un autre regard sur cheïkh» était donc l'intitulé de cette conférence qui a capté l'attention du public réuni à l'Office des établissements de jeunes (Odej). En dépit d'une certaine réserve, justifiée par la sensibilité d'un certain nombre de questions autour de l'histoire du Cheikh, l'ex-recteur de l'université islamique Emir Abdelkader a tranché dans le vif en balayant d'un revers de main les mythes construits autour de Ben Badis, et amplifiés notamment par le film biographique sorti récemment et sponsorisé par le ministère de la Culture. Boukhalkhal rappellera que des tonnes d'ouvrages traitant de la vie et la personnalité du Cheikh sommeillent dans les bibliothèques, mais rares sont les livres qui apportent un plus à la compréhension de cette personnalité à plusieurs dimensions. Il a lu cependant, la préface d'un ouvrage, signée par Belkacem Saâdallah qui résume, selon le conférencier, tout ce qu'on peut dire dans une intervention publique. Qui est Abdelhamid Ben Badis ? Comment a-t-il forgé sa personnalité ? Quels étaient les fronts qu'il avait ouverts durant sa courte carrière dédiée à l'éducation, la réforme religieuse, et compte tenu du contexte historique, son apport politique ? En plus de ce qu'on connaît déjà, Boukhalkhal apportera des éclairages sur les rapports du Cheikh aux Ulémas, l'association qu'il avait fondée en 1913 au Hidjaz, avec Bachir El Ibrahimi, ce dernier compagnon avec lequel il s'entendait le moins et qui le poussait à se démarquer par des prises de position en porte à faux avec les Ulémas, qu'il publiait sur Chihab, la publication qu'il dirigeait seul. L'orateur s'attaquera aussi aux idées reçues sur l'imam, fruits d'une mythification produite et reproduite par le pouvoir politique et le courant politico-religieux dominant, en leur faveur. L'idée du film écrit par Rabah Bendrif, selon laquelle Ben Badis aurait appelé à faire la révolution et investir le maquis contre le colonialisme, est une aberration selon lui, sachant que l'imam est décédé en 1940, 14 ans avant le déclenchement de la révolution et 5 ans avant les massacres du 8 mai 1945. Dans le débat, des participants ont affirmé que le film a ajouté de la confusion à la confusion. Certains ont mis l'accent aussi sur la dimension universelle du personnage et l'ouverture de son esprit, contrairement aux caricatures qui voudraient faire de lui un faire-valoir islamiste. N'est-ce pas que les classes de «Tarbiawa Taalim» qu'il avait fondé et organisé étaient des classes mixtes ? affirmaient les uns. N'est-ce pas qu'il entretenait les meilleurs liens possibles avec le Parti communiste algérien (PCA) ? confirmait Boukhalkhal. La rencontre s'est poursuivie jusqu'à une heure tardive en présence d'universitaires, d'artistes et des jeunes aussi. Une réussite pour ce premier numéro qui fonde ainsi un nouvel espace adossé à l'expertise et défini par son ouverture sur des questions académiques (histoire, patrimoine, culture)et des questions d'actualité. Pour rappel, le Forum constantinois est le deuxième volet de la manifestation Houna Qassantina, connu déjà par le premier, espace «Les zinzins du Café Riche». D'une périodicité mensuelle, il se tient à l'Odej.