Le maréchal Khalifa Haftar s'est envolé samedi pour Dubaï afin d'annoncer la libération définitive de Benghazi des poches restantes de Daech et ses alliés. Laquelle «libération» a été saluée avec les honneurs qu'il faut à Londres, Paris et Washington. L'homme fort de l'Est libyen renforce davantage ses positions dans toute la Libye, étant le protecteur des richesses pétrolières et ayant sous son autorité la quasi-totalité des bases aériennes militaires, à part celles de Tripoli et Misrata. Par contre, le gouvernement d'Al Sarraj, reconnu à l'échelle internationale comme l'autorité légale en Libye, ne dispose pas d'autant de présence sur le terrain. Les observateurs de la scène libyenne sentent un revirement de la communauté internationale vers plus de considération pour Haftar, qui a de fait bloqué l'application de l'accord de Sekhirat de décembre 2015. Mais, il s'agit aussi de composer avec l'islam politique, notamment les gens de Misrata, pilier économique de la Libye et force politico-militaire incontournable pour l'équilibre sur la scène(libyenne). Les dernières semaines ont vu la communauté internationale multiplier les initiatives pour relancer une nouvelle dynamique sur la scène libyenne. Ainsi, la Hollande abrite en cette période(ce moment) une réunion de coordination entre des représentants du Parlement libyen et du Conseil de l'Etat (héritier du Congrès national général), en vue de s'entendre sur les amendements de l'accord de Sekhirat de décembre 2015. Nouvelle dynamique Pour sa part, Le Caire vient de recevoir une nouvelle délégation de la ville de Misrata, afin d'installer une coordination entre eux et les représentants de l'Est libyen, qui coordonnent depuis un temps avec les autorités égyptiennes. Le chef d'état-major de l'armée égyptienne, Mahmoud Hijazi, en charge du dossier libyen, essaie d'installer une synchronisation entre les deux poids super-lourds militaires en Libye : Misrata et l'armée de Haftar. Une réunion aura lieu prochainement au Caire pour entamer cette dynamique. Sur le plan politique, tous les belligérants libyens, l'ancien représentant de l'ONU, Martin Kobler, les puissances internationales et les pays voisins sont d'accord, depuis des mois, sur la nécessité d'amender l'accord de Sekhirat. Il reste toutefois à préciser la teneur de ce changement. L'Est libyen a toujours été hostile à la nomination de la hiérarchie militaire par le président du Conseil présidentiel, soit Fayez Al Sarraj. Les représentants de l'Est ont toujours refusé cet article, lui préférant l'actuelle disposition, accordant au président du Parlement, Aguila Salah, ce pouvoir. Avec ses derniers acquis sur le terrain, le maréchal Haftar, et derrière lui tout l'Est libyen, semble se diriger vers la concrétisation de cet objectif de refuser la tutelle du Conseil présidentiel sur l'autorité militaire. Haftar commence à convaincre la communauté internationale de son efficacité sur le terrain de la lutte contre le terrorisme, d'une part, et de l'installation des premiers signes de l'autorité de l'Etat, d'autre part.Par ailleurs, l'expert Ezzeddine Aguil considère que la victoire finale de Haftar à Benghazi va changer la donne dans l'Ouest libyen, notamment à Tripoli. Aguil attire l'attention sur le fait que «les puissances occidentales ne peuvent plus ignorer que Haftar est omniprésent sur le terrain, alors qu'Al Sarraj ne dispose d'autre autorité que celle que lui procurent les papiers». Aguil pense que «l'onde des victoires de Haftar va inévitablement toucher Misrata et Tripoli».Il reste toutefois une inconnue, qui est l'attitude des groupes les plus hostiles à Haftar, qui se déclarent, de temps à autres à Misrata. Si le gouvernement de réconciliation d'Al Sarraj, basé à Tripoli, tente de composer avec un Haftar en pleine ascension, il ne fait guère de doute aux yeux des observateurs que les «durs» de Misrata se retourneraient contre Al Sarraj, créant une fracture dans les rangs de l'Ouest libyen. La «libération» de Benghazi risque de reconfigurer le schéma politique libyen.