Contrairement aux années précédentes, elles sont nombreuses les familles algériennes à avoir retardé leurs vacances pour le mois d'août. L'organisation d'une deuxième session du baccalauréat a fini par avoir son impact sur le programme estival des Algériens. Un programme déjà difficile à planifier en temps ordinaire faute de moyens financiers et d'offres touristiques à la hauteur des attentes, surtout au plan national. Si certains ont déjà choisi leur destination en profitant des produits et des promotions proposées lors du dernier Salon international du tourisme et des voyages (SITEV), comme c'est le cas de cette mère de famille qui s'envolera tout prochainement pour Antalia avec ses enfants pour un séjour de 10 jours. «J'ai pris le temps de sillonner les stands du Salon du tourisme pour choisir à l'aise ma destination. C'est fait», nous dira Amina habituée à passer ses vacances entre la Turquie, la Tunisie et le Maroc. Pour cette jeune maman, pas question de rester en Algérie où, nous dira-t-elle, «la qualité de services est loin d'être satisfaisante par rapport au prix à payer». Ce que notera Lamia, responsable d'une agence de voyages à Alger. «Avec les tarifs appliqués dans les complexes publics et les quelques sites touristiques privés, difficile de trouver des produits en adéquation avec les attentes de nos clients. D'où le cap sur les destinations tunisienne, marocaine, turque et depuis quelques années portugaise et malaisienne, pour ne citer que ces exemples». Mais ces options aussi ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Ils sont en effet une minorité, les Algériens à pouvoir s'offrir des moments d'évasion et de détente outre-mer, à l'exception de la Tunisie où les tarifs répondent aux attentes de nombreuses familles dont certaines ont fait de ce pays voisin leur destination favorite durant les vacances d'été. «Etant salarié, je ne peux pas me payer un voyage cher avec tous les frais que cela engendre et le problème de visa. Alors, je ne me casse pas la tête, direction la Tunisie, un voyage que je fais par route en famille chaque année», nous confie Ali, père de trois enfants. A quel prix ? En moyenne, 100 000 DA dans un hôtel quatre étoiles en demi-pension. Même les œuvres sociales de certaines entreprises publiques ont saisi cet engouement des Algériens pour la Tunisie et y ont investi en concluant des accords avec des établissements touristiques de ce pays. C'est le cas, à titre illustratif, dans le secteur de l'Education et les Transports. Cela pour dire que la place du tourisme domestique reste très faible. D'ailleurs, selon le Syndicat national des agences de voyages (SNAV) seulement 300 agences de voyages sur les 2000 recensées consacrent une partie de leur travail à l'interne en organisant, entre autres, des circuits à travers les villes algériennes. Les annonces sur le Net et sur les réseaux sociaux commencent à se frayer une place dans ce domaine. «Mais difficile d'assurer avec des moyens minimes», estiment à ce sujet des représentants d'agences de voyages. Et pourtant, ce ne sont pas les potentialités qui manquent avec une côte de 1200 kilomètres et des sites féeriques à visiter, que ce soit par visiteurs nationaux ou étrangers. Mais quand les infrastructures font défaut, le résultat est là. Ce sont les citoyens à moyens et faibles revenus qui sont les plus pénalisés par ce déficit en offres touristiques à l'échelle domestique. N'ayant pas les moyens de voyager, ces derniers se rabattent sur les sorties familiales au bord de mer en cette période caniculaire.
Instruction ignorée Là aussi, on se fait déplumer dès l'arrivée au rivage par les «squatteurs» des espaces érigés en parking avant de se retrouver dans l'obligation de louer tous les équipements balnéaires (parasols, chaises, tentes) dans un cadre informel bien sûr. «On se fait pratiquement agresser pour des services médiocres», témoigne un père de famille habitué à fréquenter les plages de Boumerdès. Et pourtant, les instructions sont claires à ce sujet. Le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Noureddine Bédoui, a en effet instruit à l'ouverture de la saison estivale les walis des 14 wilayas côtières pour assurer des prestations de qualité en faveur du citoyen lors de cette saison estivale. Théoriquement, selon ladite instruction, les wilayas côtières sont appelées à encourager l'installation de nouveaux camps de toile au niveau des communes connaissant un afflux considérable d'estivants dans le but d'augmenter l'offre touristique. Or, c'est loin d'être le cas. Aussi, les plages autorisées à la baignade doivent obligatoirement disposer d'une ou de plusieurs aires de stationnement aménagées conformément aux normes requises. Il s'agit, en effet, surtout d'assurer l'accès aux plages autorisées à la baignade librement et gratuitement. Mais cela reste au stade de l'instruction. Même les communes ne jouent pas le jeu dans un secteur qui pourrait leur apporter des entrées financières (taxes, redevances…) en cette période estivale.
Manque à gagner Et pourtant, les P/APC ont la latitude d'autoriser toute activité liée notamment à la promotion et à la vente des produits artisanaux devant contribuer au renforcement des actions d'animation durant la saison estivale. Ils sont nombreux à ne pas avoir recensé les potentialités touristiques. D'où justement, selon le ministère de l'Intérieur, l'idée de lancer un travail détaillé à cet effet. Idem pour les Zones d'extension touristique (ZET) dont la gestion a montré au cours de ces dernières années de grandes anomalies avec le détournement de nombreuses zones (20) pour des objectifs autres que le tourisme. A ce sujet, le travail à faire s'annonce important. C'est l'un des dossiers lourds sur lequel est attendu le nouveau ministre du Tourisme, Lahcene Mermouri. Et ce, au même titre que celui portant sur l'encadrement du tourisme chez l'habitant. Une option de plus en plus prisée par les familles algériennes face au déficit en infrastructures hôtelières. Là aussi, les anomalies sont nombreuses, même si la formule d'hébergement touristique «chez l'habitant» est encadrée depuis 2012 par une circulaire ministérielle. Mais l'exploitation d'habitations par leurs propriétaires pour accueillir des touristes durant la saison estivale continue à se faire dans un cadre informel. Les tarifs appliqués ne répondent à aucun critère. Idem pour les conditions d'accueil.
Logements d'été, une solution informelle Certes, cette solution permet à des familles de s'offrir des vacances au bord de l'eau et aux propriétaires d'obtenir des revenus supplémentaires, mais elle échappe au contrôle de services concernés. Parfois, on note même des arnaques, surtout que les réservations se font généralement par simple coup de téléphone ou par le biais d'une connaissance commune «J'ai réservé pour trois jours dans une commune côtière en Kabylie juste via Facebook et je n'ai pas été déçue», nous confiera Lynda, dont le séjour lui a coûté 18000 DA juste pour la location. Un tarif qu'elle trouve abordable par rapport aux prix exorbitants proposés par les hôtels. «A ce prix, je me serais permis juste une nuit dans un hôtel 4 étoiles», fera t-elle remarquer. «On m'a proposé de payer 10 000 DA la nuit chez un particulier à l'ouest du pays. Ce qui veut dire 100 000 DA dix nuitées, sans oublier les dépenses alimentaires et les déplacements. Avec ce montant, je peux m'offrir une belle semaine en Tunisie», avoue Réda qui n'hésitera pas à faire son choix entre la Tunisie et la location de courte durée en Algérie. Une activité que les agences immobilières préconisent de réguler dans le cadre du respect des obligations et des droits de chaque partie.
Conditions Pour rappel, la circulaire interministérielle signée à cet effet par les ministères de l'Intérieur et des collectivités locales et du Tourisme, donne l'occasion aux propriétaires de louer leur maison aux touristes sans passer par les agences immobilières qui veulent désormais avoir leur part de ce marché en vogue. Ce que la circulaire en question ne prend pas en charge. Ce texte exige cependant que l'habitation soit meublée et conforme aux règles de sécurité, d'hygiène et de salubrité. La location chez l'habitant doit également être accompagnée d'un minimum de prestations à assurer par le propriétaire, et un minimum d'équipements devant permettre au locataire d'y séjourner confortablement. Le total des locataires chez l'habitant ne doit pas excéder 15 personnes et le nombre de chambres louées ne doit pas dépasser 5 pièces, selon cette circulaire. Le propriétaire doit contracter une police d'assurance contre les risques d'incendie et de vol, et doit aussi déclarer l'hébergement des touristes de nationalité étrangère aux services de sécurité. Concrètement, le propriétaire d'une habitation doit déposer une déclaration de location auprès des services de l'APC concernée, qui doivent se déplacer sur les lieux pour faire le constat. Une fois que l'habitation est jugée conforme aux conditions fixées, les services de la commune délivrent un accord écrit au profit du titulaire de la déclaration. Ce que les concernés ne font pas préférant opérer dans l'informel. Même les touristes nationaux ne sont pas exigeants. Du travail donc reste à faire pour bien encadrer de type de location qui rapporte gros aux propriétaires avec en moyenne 5000 DA la nuitée. Un tarif qui varie selon les conditions assurées, mais loin de tout contrôle. Autant de manquements dans un cadre où l'on ne cesse de mettre en avant les richesses de l'Algérie sur le plan touristique sans pour autant mettre le paquet pour donner à ce secteur les moyens de contribuer à la diversification de l'économie.