Le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, a dressé une nouvelle fois, hier, dans la deuxième ville finlandaise, Tampere, un état des lieux peu reluisant du partenariat euro-méditerranéen initié à Barcelone en 1995. Lors d'une allocution prononcée à l'occasion de l'ouverture des travaux de la 8e Conférence ministérielle euro-méditerranéenne, M. Bedjaoui n'a pas hésité, ainsi, à asséner quelques vérités aux représentants de l'Union européenne et à insister sur l'inefficacité du processus de Barcelone. En ce sens, le représentant algérien n'a pas eu froid aux yeux de dire que ce processus n'a profité, jusque-là, qu'aux pays du Nord. Mais l'essentiel de son message aura surtout été de faire comprendre que les nations du Sud ne sont plus enclines à continuer à s'investir dans un partenariat dans lequel elles ne gagnent pas grand- chose. Aussi, a-t-il, évoqué l'urgence d'une réforme. Mohamed Bedjaoui a, pour prouver l'état de panne de l'Euromed, rappelé notamment l'incapacité de ce processus, pourtant « fondé sur des règles de solidarité et de l'obligation morale de soutien contre toute agression extérieure », à empêcher une énième attaque d'un de ses partenaires par un autre (l'agression israélienne contre le Liban). Mohamed Bedjaoui n'a pas omis également de mentionner que la question palestinienne reste une plaie ouverte. « Beït Hanoun a subi la machine de mort et pour avoir fait le choix politique dans les règles de la démocratie et de la transparence les plus absolues, le peuple palestinien encourt le risque d'une tragédie humaine sans précédent », a-t-il indiqué. Le représentant de l'Etat algérien a eu également des mots durs lorsqu'il a évoqué le bilan des échanges (économiques et autres) entre les pays membres du processus euro-méditerranéen. « Nous nous rencontrons, encore une fois, dans un contexte malheureusement pour le moins préoccupant. Agression contre sur le Liban et poursuite des interminables exactions contre le peuple palestinien, repli sur soi et choc des cultures et des identités, diabolisation des flux migratoires et accentuation du gap économique entre le Nord et le Sud sont hélas les éléments du sombre tableau de notre réalité euro- méditerranéenne », a énuméré, non sans un profond regret, Mohamed Bedjaoui. Partant de ce constant amer, il a évoqué de manière claire et appuyée la nécessité d'œuvrer à la revitalisation du partenariat euro-méditerranéen afin de faire gagner à celui-ci de la substance et de l'efficacité. Pour y parvenir, le chef de la diplomatie algérienne a préconisé d'investir dans le développement. Aussi, a-t-il lancé, au nom de l'Algérie, un appel pour l'organisation d'une conférence euro-méditerranéenne de haut niveau consacrée exclusivement à la problématique du développement, pour donner au partenariat euro-méditerranéen une plate-forme novatrice. « Il est pour le moins paradoxal qu'une entreprise comme la nôtre visant l'instauration d'une vaste zone de libre-échange et d'une prospérité partagée, n'ait consacré à la question du développement, en onze années d'existence, aucune rencontre ministérielle », s'est interrogé Mohamed Bedjaoui. De là, il a tenté de faire comprendre que le partenariat qui lie l'UE aux pays de la rive sud de la Méditerranée « ne pourra continuer à ignorer les aspirations fortes exprimées par les populations des deux rives de la Méditerranée à la paix et au développement ». Cela tout comme celui-ci ne pourra, a-t-il poursuivi, « continuer à se confiner dans une relation réduite en définitive, à une Europe bailleresse de fonds et une partie sud récipiendaire et assistée ». Et dans son intervention, le ministre algérien des Affaires étrangères a estimé plus qu'important de faire en sorte à ce que l'Euromed soit au contraire global et cohérent, soutenu par un développement conséquent et durable qui garantirait de l'emploi, des droits économiques et de la croissance. Cette perspective constitue, de l'avis de M. Bedjaoui, la réponse la plus adéquate aux mots auxquels font face les pays du Nord et le Sud, que ce soit la migration clandestine, la xénophobie, le terrorisme ou la fracture culturelle et identitaire. Saluant « l'initiative louable » de mettre en place prochainement un groupe ad hoc sur les moyens d'intensifier les flux d'investissements dans la région méditerranéenne, M. Bedjaoui a souligné que cette mesure pourrait constituer un premier pas et une étape préalable vers la tenue d'une véritable conférence sur le développement. Le chef de la diplomatie algérienne a plaidé pour la réforme, en outre, des méthodes de travail du partenariat euro-méditerranéen, à même de « revigorer » le processus, estimant qu'il « a peut-être besoin d'un staff dirigeant sous forme de structure de gestion, ou tout autre ». Offensif, il a estimé aussi que le dialogue entre les cultures et les religions doit être placé « au premier rang de nos priorités, mais aussi, rénové et libéré de toute prétention ethnocentriste ».