L'ambiance actuelle à Barcelone rappelle quelque peu celle qui prévalait il y a dix ans dans cette ville à l'occasion du lancement du processus euro-méditerranéen. Mais avec, cette fois, l'enthousiasme en moins. Comme y incite le bilan de dix années. Mitigé pour les uns et franchement décevant pour les autres, c'est en ce sens que la presse est sollicitée pour porter le discours et la pensée qu'il véhicule. Le débat ouvert en Jordanie (septembre) et poursuivi en France (octobre) s'achève aujourd'hui dans la cité catalane. Mais comme dans les années qui ont suivi le lancement du processus de Barcelone, on assiste en fait à deux approches, celle des penseurs et autres intellectuels empreinte d'humanisme, et celle des politiques que l'on dit plus proches des intérêts d'Etat et communautaires. Comment passer de l'un à l'autre sans les escamoter en quoi que ce soit ?Toute la question, à vrai dire, est là, et celle-ci est devenue encore plus complexe par la nouvelle pensée européenne dite de voisinage qui ôte son caractère privilégié - c'est ce qui se disait en tout cas - au partenariat euro-méditerranéen. L'ancien directeur général de l'Unesco, l'Espagnol Federico Mayor, a axé son intervention, hier, sur le côté civilisationnel et humaniste en démentant le fameux concept de Clausewitz selon lequel « pour avoir la paix, il faut préparer la guerre ». Il faut « préparer la paix » tout simplement. Mais c'est la « commissaire européenne chargée de la coopération et du voisinage », un poste nouveau tout juste créé en fonction du contexte, intervenue avant lui, qui ira droit au but en mettant l'un en face de l'autre, sinon en opposition, le besoin de créer annuellement cinq millions d'emplois et la perspective de mise en place de la zone de libre-échange. Personne, bien entendu, ne parle des dégâts réels ou supposés induits par les différents accords de partenariat à la base de cette zone. Pour Mme Benito Ferero Waldener, le bilan n'est pas négatif. « C'est la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide », dira-t-elle. Lors d'un point de presse improvisé, elle dira qu'« il y a un climat de confiance » et qu'il y a lieu « d'aller de l'avant ». Elle éludera pourtant la question relative au lien entre le processus euromed et la nouvelle politique de voisinage qui banalise le premier et lui ôte ce côté particulier qu'il avait à son lancement. C'est ce point justement qui a été rappelé à l'ouverture de cette rencontre par Andreu Claret, directeur de l'Institut européen de la Méditerranée (IEM). Pour l'orateur, « la rencontre (d'hier à Barcelone) est un événement historique » qui fait partie d'une « politique à long terme ». Il faut, ajoutera-t-il, « travailler pour un journalisme plus fort et plus engagé ». Il soulignera que « la Méditerranée est un laboratoire de la mondialisation ». Une idée reprise par le responsable de l'information dans le gouvernement de (la province) de Catalogne pour qui « la Méditerranée est historiquement un grand espace de communication. Les voies fluviales et maritimes étaient les autoroutes de la communication ». Représentant la Grande-Bretagne, présidente en exercice de l'Union européenne (UE), Mme Frances Guy dira qu'il faut « travailler dur durant les cinq prochaines années et il faut exiger de nos gouvernants de respecter les décisions ». Mme Waldner évoquera, elle aussi, certains principes dévoilant quelque peu le contenu de la plateforme de travail adoptée en mai dernier par les ministres européens des Affaires étrangères. Comme « le droit à la libre opinion et de la transmettre au-delà des frontières ». Elle parlera des journalistes tués dans l'exercice de leur métier, oubliant curieusement les victimes algériennes, les plus nombreuses ! Elle ira, par ailleurs, au-devant de certaines préoccupations européennes développées il y a dix ans et contenues dans la déclaration de Barcelone. Comme la sécurité en Europe et les différents trafics. Intervenant lui aussi lors de ce séminaire, le chef de la diplomatie espagnole a rappelé certains principes qui avaient guidé le lancement du processus euro-méditerranéen. Comme il l'a déjà fait ces derniers jours, Miguel Angel Moratinos a mis en relief le lien entre les deux rives de la Méditerranée. Comme il a plaidé pour le règlement des conflits. « Tous les conflits, y compris celui du Sahara-Occidental », ainsi que le dialogue et la communication, comme ceux qui devraient exister, selon lui, entre l'Algérie et le Maroc. Il ne cherche pas à comprendre les raisons de ce silence, à bien l'entendre, alors que les contacts entre les deux pays n'ont jamais été rompus. Ce qui n'est pas suffisant, conviendra-t-on, mais n'y a-t-il pas lieu justement, et l'Espagne ne l'ignore pas, d'aider à régler tous les différends en faisant prévaloir les notions de justice et de droit ? De cette manière, pourra-t-on peut-être envisager la concrétisation de l'autre souhait européen d'intégration horizontale. Autant de questions évacuées par la presse pour des raisons subjectives, alors qu'elle est censée jouer un rôle conséquent. Et ne plus accepter la manipulation. Comme le fait de présenter le processus euro-méditerranéen comme une nouvelle dépense pour le contribuable européen. De telles approches aideront grandement un processus qui tient demain son sommet.