Le chef de la diplomatie algérienne a affirmé que l'on ne pourra continuer à se confiner dans une relation réduite en définitive, à “une Europe bailleur de fonds et une partie Sud récipiendaire et assistée” de ces fonds, d'où, d'après lui, la nécessité d'un “signal fort” pour la visibilité du processus. S'appuyant sur un bilan peu reluisant du partenariat euroméditerranéen, près de dix ans après le lancement du processus politique, le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, a appelé hier, à Tampere, en Finlande, à l'organisation d'une conférence euroméditerranéenne de “haut niveau” consacrée “exclusivement” au développement, pour donner au partenariat en question “une plate-forme novatrice”. M. Bedjaoui, qui n'a pas hésité à parler d'“appréciation critique” en évoquant le bilan du processus de Barcelone, a cependant rappelé l'attachement profond de l'Algérie à ce projet. Toutefois, le chef de la diplomatie algérienne, qui s'exprimait devant la 8e Conférence ministérielle euroméditerranéenne, a axé son intervention sur cette exigence d'accorder davantage d'importance à ce volet de la coopération nord-sud qui n'a pas jusqu'à présent bénéficié de l'intérêt permettant à ces rapports de se stabiliser. C'est dans cette optique que le représentant de l'Algérie a plaidé pour le recentrage de la réflexion et des efforts des pays participants sur le développement, qui était “à l'origine et au cœur” de l'initiative euroméditerranéenne, mais qui, d'après lui, “semble avoir malheureusement perdu de son ampleur et de son rythme”. Sans détour, il a considéré “pour le moins paradoxal” qu'une entreprise comme celle-là visant “l'instauration d'une vaste zone de libre-échange et d'une prospérité partagée, n'ait consacré à la question du développement, en onze années d'existence, aucune rencontre ministérielle”. Pour illustrer ce tableau des relations euroméditerranéennes qu'il n'a pas hésité à qualifier de “sombre”, l'orateur a estimé que l'on ne pourra continuer “à ignorer les aspirations fortes” des populations des deux rives, “à la paix et au développement”, et à se confiner dans une relation réduite en définitive à “une Europe bailleur de fonds et une partie Sud récipiendaire et assistée”, de ces fonds, d'où, d'après lui, la nécessité d'un “signal fort” pour la visibilité du processus. Selon M. Bedjaoui, ce partenariat “se doit d'être global et cohérent” et “soutenu par un développement conséquent et durable”, pour garantir l'emploi, les droits économiques et la croissance, en tant que “réponse la plus adéquate aux maux, tels que la migration clandestine, la xénophobie, le terrorisme ou la fracture culturelle et identitaire”. Ce qui sur le terrain est loin d'être le cas. D'ailleurs, beaucoup d'observateurs noteront que jusqu'à présent, ce partenariat a surtout concerné des thèmes qui intéressent le versant nord de la Méditerranée, telle la coopération dans le domaine de la lutte antiterroriste et contre l'immigration clandestine. En effet, les pays de la rive sud n'ont pas eu droit à la contrepartie induite par cette collaboration qui, dans sa globalité, a beaucoup plus profité à l'Europe. C'est ce déséquilibre de la balance des relations qui, apparemment, a amené l'Algérie à réclamer davantage d'équité dans la configuration des rapports nord-sud. M. Bedjaoui n'a d'ailleurs pas manqué de saluer, dans ce cadre, “l'initiative louable” de mettre en place prochainement un groupe ad hoc sur les moyens d'intensifier les flux d'investissements dans la région méditerranéenne. Pour M. Bedjaoui, cette initiative “pourrait constituer un premier pas et une étape préalable vers la tenue d'une véritable conférence sur le développement” dans la région. Citant l'une des questions qui suscitent les débats dans tout le pourtour méditerranéen, à savoir la problématique de la migration, M. Bedjaoui qui a déploré, à cette occasion, “les politiques de plus en plus restrictives en matière de circulation des personnes, adoptées”, a soutenu que l'on devrait s'inspirer “d'une approche globale à dimension économique et sociale, pour fixer les populations d'origine, la promotion des échanges entre les sociétés”. Pour le chef de la diplomatie algérienne, l'accord d'association entre l'Algérie et l'UE a scellé “de manière résolue” l'ancrage de l'économie algérienne dans l'espace européen, considérant que l'Algérie, “dans le prolongement de cet accord, a accepté d'ouvrir la voie à la perspective d'un partenariat stratégique avec l'UE dans le domaine énergétique”. “L'Algérie a massivement investi pour un approvisionnement sûr et sécurisé de ses partenaires”, a encore insisté le ministre algérien. Hamid Saïdani