Des coupures d'électricité jusqu'à vingt heures par jour, de l'eau impropre à la consommation et à la baignade et, maintenant, un mur qui s'étendra le long de la frontière terrestre et en barrière maritime. D'ici 2020, l'ONU a prévenu que la bande de Ghaza deviendrait «invivable». Ce jeudi, Israël a annoncé qu'il allait accélérer la construction d'un mur souterrain le long de sa frontière avec la bande de Ghaza pour achever d'ici deux ans cet ouvrage visant à empêcher l'infiltration de commandos par des tunnels. Les tunnels creusés entre la bande de Ghaza et Israël en vue d'infiltrer des commandos du Hamas ou d'autres organisations palestiniennes sont considérés par les Israéliens comme une des principales menaces pour sa sécurité. Une trentaine de tunnels avaient été détruits à l'été 2014, lors de la dernière guerre menée par Israël contre le Hamas. «Nous allons accélérer la construction de cet obstacle. Notre espérons que cette construction sera achevée d'ici deux ans», a affirmé, mercredi, le général Eyal Zamir, commandant de la région militaire sud, lors d'une audioconférence. «J'espère que le Hamas ne s'attaquera pas (à ce chantier) bien qu'il considère ces tunnels comme un outil stratégique contre Israël», a, pour sa part, déclaré à la radio militaire le ministre de la Construction Yoav Galant, membre du cabinet de sécurité et ancien commandant de la région militaire sud. Il a souligné que ce mur sera creusé parallèlement à la clôture de sécurité, qui ferme hermétiquement la bande de Ghaza au nord et à l'est. «Le fait que cet ouvrage se situe sur notre territoire souverain ôte toute justification à des attaques contre ceux qui y travaillent», a-t-il ajouté. Electricité coupée Mais l'argument sécuritaire ne suffit pas à expliquer la construction de ce mur qui finira d'asphyxier la bande de Ghaza. Car ces tunnels, utilisés par le Hamas pour faire passer des armes, représentent aussi une bouée de sauvetage vitale pour l'économie. Depuis qu'Israël a coupé l'électricité à Ghaza, début juin, à la demande de l'Autorité palestinienne, le quotidien des Ghazaouis est devenu intenable, avec chaque jour, jusqu'à vingt heures de coupures d'électricité. La crise de l'électricité, qui a commencé en 2006 avec une frappe israélienne sur la seule centrale électrique de Ghaza, s'est aggravée au point que même les hôpitaux ne sont plus en mesure de faire fonctionner correctement les générateurs qui fournissent de l'énergie aux blocs et aux équipements. Et le président palestinien, Mahmous Abbas, a prévenu qu'il allait continuer à bloquer les paiements alloués à la bande de Ghaza «jusqu'à ce que le Hamas respecte les termes de la réconciliation». Aides financières coupées Pour ne rien arranger, l'Autorité palestinienne a réduit de manière importante les permis et aides financières pour les Ghazaouis malades qui cherchent des soins médicaux en dehors de l'enclave palestinienne. Les chiffres de l'OMS ont été publiés cette semaine, tandis que Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, fait pression sur le mouvement islamiste Hamas, qui dirige sans partage la bande de Ghaza. Le nombre d'aides financières approuvées par l'Autorité palestinienne en juin était inférieur de 80% de la moyenne mensuelle en 2016. Seuls 477 habitants de la bande de Ghaza ont reçu une aide financière pour voyager afin de bénéficier d'un traitement à l'extérieur, contre 1883 en juin 2016. Un responsable du ministère de la Santé à Ghaza, Medhat Muhesan, a condamné ces «mesures punitives» : «Nous avons besoin de pressions internationales pour mettre fin aux mesures punitives du gouvernement Abbas contre la bande de Ghaza.» Soumise aux blocus israélien et égyptien et dépourvue de ressources naturelles, la bande de Ghaza souffre d'une pénurie chronique d'eau et de carburant. Le chômage s'élève à 45%, et plus des deux tiers de la population dépend de l'aide humanitaire. Les Palestiniens qui ont besoin de soins médicaux en dehors de l'enclave doivent réclamer à l'Autorité palestinienne un permis et une aide financière avant de demander une autorisation aux autorités israéliennes. «Invivable» Robert Piper, responsable humanitaire de l'ONU dans les territoires palestiniens, s'est alarmé en juillet du caractère «invivable» de la bande de Ghaza au regard de tous les indicateurs qui «vont dans la mauvaise direction». «Nous avons prédit il y a quelques années que Ghaza deviendrait rapidement invivable, en prenant en compte un grand nombre d'indicateurs, et ce moment se rapproche encore plus vite que nous l'avions prévu, en matière d'accès à la santé, à l'énergie et à l'eau», a-t-il affirmé. Dans un rapport publié en 2012, l'ONU prédisait que l'enclave palestinienne deviendrait «invivable» d'ici 2020, si rien n'était fait pour alléger le blocus. M. Piper a souligné la faiblesse de l'approvisionnement en énergie dans l'enclave palestinienne, où la fourniture d'électricité est tombée à un minimum de deux heures par jour ces dernières semaines. Les soins médicaux ont également été réduits et le chômage des jeunes s'élève à plus de 60%. Dans de telles circonstances, «pour la plupart d'entre nous, ce point de non-viabilité a déjà été dépassé», a-t-il souligné. Selon un récent rapport de l'ONU «Ghaza, dix ans plus tard», plus de 95% de l'eau de la bande de Ghaza n'est actuellement pas potable. Et il est aussi déconseillé de se baigner. En mai dernier, l'autorité palestinienne de la qualité de l'environnement (PEQA) a déclaré que près de 50% de la plage était pollué par des eaux usées à l'état brut et partiellement traitées. Elle a conseillé à la population de Ghaza de respecter ses avertissements et de se baigner uniquement dans les zones sûres, loin des estuaires d'eaux usées. Selon un récent rapport de l'ONU, 110 millions de litres d'eaux usées à l'état brut ou partiellement traitées se déversent chaque jour dans la mer de Ghaza à cause des longues coupures de courant. Dans ce contexte, le mur qu'Israël est en train de construire finira d'asphyxier la bande de Ghaza. Selon la radio militaire, ce mur, constitué notamment de plaques de béton et de capteurs, va s'étendre sur les 64 km de la frontière. Un millier de travailleurs sont actuellement employés sur le chantier. La radio militaire a précisé que la hauteur de la clôture de sécurité qui existe déjà sera portée à 6 mètres. Les médias israéliens ont également indiqué qu'une «barrière maritime», qui prendra la forme d'un quai à la frontière avec Ghaza, sera érigée et dotée de capteurs.