Ce ne sont pas les multiples condamnations qui changeront d'un iota la réalité sanglante du terrain. Ghaza est toujours sous le feu nourri de l'armée israélienne. Le chef en exil du Hamas, Khaled Mechaâl, s'est dit prêt à conclure une trêve à Ghaza si Israël acceptait un cessez-le-feu et levait son blocus de la bande de Ghaza, a indiqué hier le gouvernement sénégalais au nom de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI). Un peu tard. Les pertes humaines et les dégâts matériels ne se comptabilisent plus. Entre-temps, les bombardements par Israël dans la bande de Gaza continuent. Pour ce faire, Israël a mobilisé les réservistes et massé des forces tout autour du territoire palestinien dans la perspective d'une possible offensive terrestre. Des blindés sont déployés le long de la frontière, bien que la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni ait affirmé sur la chaîne américaine NBC que «l'objectif n'était pas de réoccuper Ghaza». Après plus de deux jours, au moins 345 Palestiniens ont été tués, selon un dernier bilan avancé de source médicale palestinienne, dont 180 membres du Hamas, une quinzaine de femmes et des enfants. Après le bombardement d'une quarantaine de tunnels entre l'Egypte et la bande de Ghaza et d'autres cibles du Hamas dans la journée d'hier, les raids aériens se sont de nouveau intensifiés après la tombée de la nuit. Douze Palestiniens ont été tués et 30 blessés. Les deux raids ont été menés respectivement à Beït Lahya et Beït Hanoun, deux localités situées dans le nord de la bande de Ghaza. Sept personnes, dont cinq jeunes soeurs, ont été tuées dans le nord du pays, alors que trois jeunes enfants ont péri dans une maison de Rafah, dans le Sud. Le bureau du Premier ministre du gouvernement du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a été détruit. Des dizaines de Ghazaouis ont fui vers l'Egypte après l'ouverture, à l'aide de bulldozers, du mur de sécurité frontalier. Un garde-frontière égyptien et un jeune Palestinien ont été tués dans des affrontements alors que la police égyptienne essayait de contenir la foule. Le pilonnage continuait hier. Alors que les Ghazaouis crient famine, le Hamas vengeance et Khaled Machaâl, chef en exil du mouvement, tente une sortie de crise, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a appelé à l'envoi d'une force internationale à Ghaza pour protéger ses habitants contre les crimes israéliens. Décidément, les discordes entre Palestiniens ayant entraîné la guerre à Ghaza sont à tous les niveaux. L'espoir de la création d'un Etat a cédé le pas à la crainte d'une guerre aux conséquences énormes. La trêve des six mois n'est plus qu'un lointain souvenir. L'année 2008 sera marquée, pour les Ghazaouis, de plomb. C'est d'ailleurs de ce métal lourd de sens qu'Israël a baptisé son opération de riposte aérienne aux tirs de roquettes et d'obus de mortier provenant de la bande de Ghaza, contrôlée par le Hamas. L'opération «Plomb durci» a atteint une violence jamais vue depuis l'occupation des territoires palestiniens par Israël en 1967, selon tous les observateurs. Et quelle riposte! Des centaines de morts. Plus d'un millier de blessés. Ghaza tente de panser ses blessures en pleurant ses morts. Alors que la communauté internationale, Conseil de sécurité en tête, appelle au cessez-le-feu et au retour aux négociations. Aux cris des manifestations tenues à travers le monde, répondent les bombardements israéliens. Et la tension n'est pas près de retomber. «Nous cesserons le feu immédiatement si quiconque prend la responsabilité de ce gouvernement (à Ghaza), tout le monde sauf le Hamas», a martelé Haïm Ramon, vice-Premier ministre israélien et membre du cabinet de sécurité. «Nous sommes favorables à n'importe quel autre gouvernement qui prendra la place du Hamas», dans le territoire, a-t-il encore affirmé. Mahmoud Abbas doit jubiler en cachette. D'autant plus que Tel-Aviv a eu l'aval de Washington. «Les Etats-Unis comprennent qu'Israël doit agir pour se défendre», a déclaré un porte-parole de la Maison-Blanche, Gordon Johndroe, en défendant les opérations menées par Israël comme réponse aux tirs de roquettes du Hamas. Pour la Maison-Blanche, Israël n'avait pas l'intention de reprendre le contrôle de la Bande de Ghaza, même si la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, tente de restaurer un cessez-le feu entre Israël et le Hamas, a indiqué lundi le département d'Etat. Et ce n'est pas les condamnations qui pleuvent depuis la tribune de l'ONU, les manifestations populaires qui enflamment les rues des capitales arabes, et même les voeux pieux du Vatican «la patrie terrestre de Jésus ne peut continuer à être le témoin de tant d'effusion de sang qui se répète à l'infini», qui changeront d'un iota la réalité sanglante du terrain, mais elles entérinent l'impuissance des négociateurs.