En théorie, il est désormais possible d'investir dans quasiment tous les segments d'activité du secteur de l'énergie et des mines. La conférence d'Oran a montré le chemin qui reste pour rendre la concurrence réelle. Du travail pour les nouvelles agences de régulation. La cinquième conférence internationale stratégique sur les opportunités d'investissement dans le secteur de l'énergie et des mines, qui s'est tenue à l'hôtel Sheraton d'Oran les 26 et 27 novembre dernier - dans le cadre de la troisième semaine de l'énergie - a consacré l'avènement des nouveaux acteurs nés de l'ouverture du secteur ces dernières années. Les investisseurs étrangers et nationaux, fortement représentés, ont ainsi eu droit à une première sortie « grand format » des nouvelles agences du secteur des hydrocarbures, Alnaft chargée de la valorisation des hydrocarbures et ARH chargée de la régulation de l'activité dans le secteur. Les personnalités de M. Sid Ali Betata, président de Alnaft, et de M. Nourredine Cherouati, président de l'ARH, ont été particulièrement scrutées. « C'est à ces responsables que nous aurons le plus à faire dans les mois et les années qui viennent. Ils rendront des décisions importantes pour la sécurité de nos investissements », résumait le cadre d'une compagnie pétrolière italienne. Les nouveaux problèmes liés à la mise en œuvre de la loi sur les hydrocarbures ont donc pris une part conséquente dans les débats avec comme première question brûlante, la date effective de l'entrée en action des deux agences. Un premier test : le transport par canalisation L'investissement dans l'activité pétro-gazière est-elle moins attractive en Algérie après les amendements de la loi sur les hydrocarbures qui rétablit la part de Sonatrach à 51% dans toute nouvelle découverte d'huiles ou de gaz ? A Oran, les investisseurs étrangers ont réservé leurs réponses. « Il existe encore beaucoup de précisions que les textes d'application devront apporter », pouvait-on s'entendre répondre. Une première pierre dans le jardin des agences, installées depuis un an et fortement impliquées dans la rédaction de ces textes d'application toujours en stand-by. Sur le terrain, les opérations avancent et nécessitent des arbitrages. Ainsi, Nourredine Cherouati, président de l'ARH, a dû s'expliquer - de manière assez convaincante - sur les conditions de l'attribution par son agence d'une concession à Medgaz pour la construction et l'exploitation du nouveau gazoduc Algérie-Espagne qui transportera 16 milliards de m3 de gaz naturel après son extension en 2015. Au cœur du problème, l'aménagement de l'accès des tiers à la canalisation - principe de l'ATR prévu par la loi - qui implique un calcul équitable de la tarification de cet accès par le détenteur de la concession du gazoduc. Dans le cas précis du Medgaz, l'accès des tiers au réseau n'est pas prévu de sitôt car les quantités transportées par cette canalisation la saturent. « L'arrivée en 2015, c'est-à-dire dans seulement huit ans, de 25 milliards de m3 de gaz naturel nigérian par le gazoduc transafricain (TSGP) ajoutés au développement des gisements gaziers algériens du Sud-Ouest et du Sud-Est appartenant à des partenariats à chaque fois différents va faire du coût du transport par canalisation et de sa tarification un exercice délicat et une source possible de conflits », prévient un cadre de Sonatrach TRC (transport par canalisation). Les problèmes brûlants de la régulation des monopoles naturels attendent l'ARH – dans le TRC mais aussi dans le stockage des produits pétroliers -, ont-ils été rencontrés par leurs sœurs aînées de l'activité mines (ANPM) et de celle de l'électricité et du gaz (CREG) ? L'expérience rapportée à Oran de ces premières agences nées pour organiser la concurrence dans les mines et la production et la distribution de l'électricité et la distribution du gaz est indicative de la difficulté à traduire dans les faits l'ouverture aux investisseurs de toutes les activités prévues par la loi. Electricité, une ouverture confinée à la production ? Créer des activités concurrentielles sur des monopoles naturels comme par exemple le transport de l'électricité est un saut dans l'inconnu qui peut faire peur. La vérité à ce sujet est peut-être sortie, à l'hôtel Sheraton d'Oran, de la bouche d'un patron « énergique » symbolisant le dynamisme des nouveaux acteurs du secteur. M. Amennalah Sari, le PDG de l'Algerian Energy Company (AEC), développeur de projets en électricité et dessalement d'eau de mer, a interpellé en séance plénière M. Nedjib Othmane, président de la commission de régulation de l'électricité et du gaz (CREG), sur les prochaines étapes de l'ouverture de la filière électricité, car celle-ci « s'est arrêtée à la seule activité de la production d'électricité ». Contrairement à ce que prévoit la loi de février 2002 qui s'est donnée trois années pour faire entrer de nouveaux acteurs dans la distribution de l'électricité notamment. Le groupe Sonelgaz est le seul distributeur, et le restera sans doute de longues années compte tenu du calendrier demeuré flou, après l'exposé de M. Othmane, de la mise en place de l'opérateur système et de l'opérateur marché indispensables à l'entrée de nouveaux « vendeurs d'électricité ». L'ouverture dans l'activité génération d'électricité a certes pu étaler son indéniable succès devant les investisseurs réunis à Oran. Ce n'est pas négligeable lorsqu'on peut citer les noms de SNC Lavalin ou de Siemens dans les projets de nouvelles centrales électriques comme réalisateur et comme opérateur majoritaire (SNC Lavalin à Hadjret Ennous -1200 mégawatts). Toutefois, la conférence d'Oran a permis de rappeler que « les avantages expectionnels » dont ont bénéficié les investissements en partenariat AEC - firmes étrangères pour la production d'électricité - depuis trois ans ne peuvent pas être reconduits à l'infini. Il s'agit notamment de la clause « take or pay » qui garantit au producteur de l'électricité une évacuation commerciale à long terme et du prix cassé de l'énergie primaire - le gaz naturel - utilisée pour la génération de l'électricité. L'ouverture de la distribution de l'électricité à de nouveaux opérateurs peut-elle produire un effet « téléphonie mobile » en Algérie sur la disponibilité et les prix ? La question s'est posée à Oran, où le président de Sonelgaz a eu à exposer le plan d'investissement colossal (120 milliards DA) de son groupe pour faire face à la croissance de 5,5% annuellement de la demande en électricité selon le scénario moyen du CREG sur la période 2006-2015. Une croissance que certains jugent « anormalement forte », a rapporté M. Benachenhou, président inopiné de la session réservée à la régulation et aux nouveaux acteurs.