La police espagnole a tout fait dimanche pour tenter d'empêcher la tenue du scrutin, faisant plus de 90 blessés. Les services de santé du gouvernement catalan ont annoncé, dans la soirée, que plus de 893 personnes avaient demandé une assistance médicale dont deux grièvement en relation avec les charges policières de l'Etat central. Quelque 5,3 millions de Catalans étaient appelés dimanche à se prononcer sur l'avenir de la région. Selon le gouvernement séparatiste, le «oui» à l'indépendance l'a emporté avec 90% des voix. Il a aussi assuré que 2,26 millions de personnes avaient voté, établissant le taux de participation à 42,3%. Mais le scrutin a été entaché par de nombreuses violences policières, ternissant durablement l'image du gouvernement Rajoy. Les Mossos d'Esquadra, la police catalane, sont venus prévenir les indépendantistes que le vote était illégal, mais contrairement aux ordres du parquet, ils n'ont pas tenté de fermer les bureaux électoraux, sous prétexte de ne pas vouloir «troubler l'ordre public». Madrid accuse les Mossos d'avoir fait preuve de «passivité», en raison de la nomination en juin de deux fervents indépendantistes aux postes de directeur de la police régionale et de ministre catalan de l'Intérieur. Le divorce est consommé entre le gouvernement catalan et le gouvernement espagnol. Le référendum d'autodétermination a creusé davantage le fossé entre Madrid et la Catalogne et à lever le voile sur la profondeur de la fracture qui sépare les deux camps. Carles Puigdemont, le président de la Generalitat, considère que le Pacte constitutionnel «s'est achevé» depuis que Madrid a enterré, en 2010, le projet de renforcement de l'autonomie catalane. Le droit d'avoir des droits Il justifie ainsi ce qui l'a amené à forcer la main du Parlement régional, le 6 septembre dernier, au mépris des règles élémentaires du débat démocratique, pour organiser ce référendum. Il joue la rue contre la légalité. «Citoyens de Catalogne, nous avons gagné le droit d'avoir un Etat indépendant qui prenne la forme d'une République et nous avons gagné le droit d'être respectés, d'être écoutés, d'être entendus», a déclaré, accompagné de ses ministres, le président régional catalan, Carles Puigdemont. Il a annoncé par ailleurs que les résultats seraient soumis, dans les prochains jours, au Parlement catalan, de sorte qu'il puisse «mettre en œuvre» la législation du référendum, prévoyant une déclaration d'indépendance dans le scénario du «oui» majoritaire. Carles Puigdemont a également demandé à l'Union européenne (UE) de s'impliquer directement dans le conflit qui l'oppose à l'Etat espagnol et à ne «plus regarder ailleurs». «Nous sommes des citoyens européens et souffrons d'atteintes à (nos) droits et libertés», a-t-il ajouté, en demandant à l'UE «d'agir rapidement». Le Catalan a également salué, dans le même temps, la mobilisation de «millions» de personnes pour le référendum sur l'indépendance de la région, en dépit de son interdiction. Depuis qu'il est arrivé au pouvoir, en 2011, Mariano Rajoy a toujours répété qu'il s'opposerait fermement à toute réforme de la Constitution de 1978 et à renégocier les relations entre le gouvernement central et les dix-sept communautés autonomes. Mais si sa position reste inchangée, les circonstances politiques, elles, ne sont plus du tout les mêmes. Politiquement, Rajoy est plus isolé que jamais et il va lui être très difficile de tendre des ponts avec l'opposition. Podemos refuse de parler avec lui, les socialistes sont très critiques avec «un Rajoy incapable et autoritariste». «Un jour triste pour notre démocratie», a également posté sur Twitter le secrétaire général du PSOE, Pedro Sanchez. L'heure du dialogue Dans son allocution, M. Rajoy s'est montré disposé à renouer le dialogue. Mais avec qui ? Car pour lui, ni M. Puigdemont ni Oriol Junqueras, le vice-président du gouvernement catalan et leader de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), ne sont maintenant des interlocuteurs légitimes. Le porte-parole du gouvernement espagnol, Inigo Mendez de Vigo, l'annonçait déjà le 29 septembre. «M. Puigdemont a montré une grande déloyauté vis-à-vis de l'Etat et de la société catalane». «Il n'existe aucun dialogue possible avec des autorités qui ont violé leurs propres lois. Nous ne parlerons qu'une fois que la légalité démocratique sera rétablie en Catalogne», répète-t-on à la Moncloa. Le Premier ministre attend, comme l'ont demandé les centristes de Ciudadanos, d'Albert Rivera, que de nouvelles élections aient lieu en Catalogne dans l'espoir de trouver de nouveaux interlocuteurs. Si M. Puigdemont a déjà annoncé qu'il ne se représenterait pas, les sondages prévoient la victoire des républicains de gauche de M. Junqueras. Mariano Rajoy espère que ses ennemis vont se saborder. Mais il a donné l'impression, une fois de plus, d'un dirigeant qui réagit aux événements au lieu de prendre l'initiative. La Commission européenne a appelé lundi tous les acteurs à «passer de la confrontation au dialogue, considérant que la violence ne peut jamais être un instrument en politique, mais rappelant qu'au regard de la Constitution espagnole, le vote d'hier en Catalogne n'était pas légal». Des mouvements indépendantistes et des syndicats catalans ont par ailleurs lancé un appel à la grève générale pour aujourd'hui.